AFF Fiction Portal

Remonter à la surface

By: Mayia
folder French › Originals
Rating: Adult ++
Chapters: 13
Views: 1,936
Reviews: 13
Recommended: 0
Currently Reading: 0
Disclaimer: This is a work of fiction. Any resemblance of characters to actual persons, living or dead, is purely coincidental. The Author holds exclusive rights to this work. Unauthorized duplication is prohibited.
arrow_back Previous Next arrow_forward

Chapitre 10

CHAPITRE 10

Un soupir s’échappa de ses lèvres légèrement entrouvertes. Son regard était perdu dans les arbres qui poussaient devant la fenêtre de la salle de mathématiques. Pourquoi les cours les plus ennuyeux étaient toujours les premiers de la journée ? A peine réveillé et il faut déjà faire faire des acrobaties à ses neurones. Noah décida que les maths était la matière la plus nulle existante.
Il gomma rapidement l’équation totalement fausse qu’il avait écrite sur sa feuille et posa la tête sur ses bras en attendant la fin de l’heure. La sonnerie finit par retentir, et il fut le premier à sortir de la salle de classe. La suite était un peu plus réjouissante. Il préférait de loin les matières littéraires aux scientifiques. Le professeur de français les laissa entrer en les saluant. Elle connaissait bien toute sa classe. Contrairement à certains lycées généraux, l’école ne comptait pas énormément d’élèves. A peine plus de 500. Et la classe de Noah comptait dans celle des plus petites avec seulement 13 élèves. La section dans laquelle il se trouvait était réservée à l’élite des artistes.
Le professeur ramassa leurs rédactions avant de leur demander de sortir leur exemplaire d’Andromaque. Les pièces de théâtres étaient les œuvres les plus étudiées, il fallait toujours rester dans le domaine artistique.
Les deux heures passèrent bien vite et la plupart des élèves se dirigèrent vers la cantine. Noah préféra aller s’asseoir au pied d’un arbre pour profiter de la chaleur du soleil de fin de matinée. Il faisait encore froid au petit matin mais dès 11h, la température montait radicalement.

A vrai dire, Noah avait passé la matinée dans les nuages. Ses professeurs ayant l’habitude de cette attitude n’avait rien trouvé de suspicieux. Pendant que ses camarades jouaient un morceau de la célèbre pièce, il avait trouvé une échappatoire à son problème. Bien que ça lui brisait le cœur d’agir ainsi, il le ferait. Couper les ponts avec Adrien, c’était la seule solution. S’ils continuaient à se voir, tout les deux seraient en danger.

Bien des personnes ne se doutaient pas de la hiérarchie qui régnait dans un cercle de prostitution. Le patron était bien sûr un homme influent et charismatique qui savait où trouver ses clients et comment entretenir de bonnes relations avec les hommes importants. Qu’on n’aille pas dire que les politiciens et hommes de Loi de la ville n’étaient pas au courant de l’affaire de Sid. Ils y gagnaient leurs parts et passaient tout sous silence. Mais l’argent n’était pas leur seule motivation. Chacun sait que la plupart des cercles de prostitution ont des liens avec la Mafia. Pour ce qui était de l’entreprise de Sid, l’organizatsiya en tirait les ficelles.
Voilà pourquoi Noah savait qu’il serait très difficile pour lui d’en sortir un jour. S’il refusait d’aller travailler, quelqu’un viendrait le chercher et le forcerait manu militari à y aller. Il ne pourrait même pas s’enfuir, qu’est-ce qu’un jeune garçon sans le sous contre une organisation telle que la mafia russe ? Bon, il savait que les caïds de la pègre ne le poursuivraient pas, mais Sid lancerait sûrement des hommes de mains sur ses traces. Il ne pouvait laisser aucun témoin s’échapper et raconter ce qui se passait dans les bas fonds de la ville. Si les dirigeants fermaient les yeux, Interpol ne le ferait. Mais en étant quelque peu réaliste, si un jeune prostitué comme lui réussissait à s’échapper, est-ce que la première chose qu’il ferait serait d’aller chercher de l’aide chez Interpol ? Non, évidement. Noah avait depuis longtemps décidé que s’il parvenait à fuir de ce cauchemar, il ne chercherait pas à en informer quelconques organisations de police criminelle. Non, il se ferait oublier et tenterait de vivre simplement et normalement, comme il en avait toujours rêvé.

La sonnerie de reprise des cours le fit sortir de sa rêverie. En laissant son esprit vagabonder sur des pensées si compliquées, il avait perdu ses deux heures de pause déjeuner. Il se releva et s’épousseta le derrière avant de récupérer son sac et entrer à nouveau dans le bâtiment.
La moitié des élèves étaient déjà à leurs places. Si personne ne se pressait pour aller en maths ou en français, on donnait des coudes pour être le premier dans la salle de dessin. Ce qui la majorité du temps ne servait à rien car Mr Wagner, le professeur de dessin, était toujours en retard. Il faisait parti de ce genre de personne qui ne s’adaptait pas au conventionnalisme, et pour qui un horaire fixe n’avait aucun sens. Personnage étrange mais au combien agréable.
Noah entra dans la classe et s’installa à une des tables rondes libres. Il sortit sa trousse de dessin qui contenait crayons de papier, fusains, gommes et autres feutres et crayons de couleur et la posa sur la table, sur sa droite afin qu’elle ne le gène pas lorsqu’il dessinerait .Il fouina ensuite dans sa pochette à la recherche du dessin approprié qu’il plaça devant lui. Ses préparatifs finis, il attendit que le professeur fasse son entrée.
Finalement, au bout de dix minutes, il arriva enfin, une tasse de café à la main et son cartable sous le bras.

_ « Bonjour, bonjour ! » Lança-t-il joyeusement.

La classe répondit dans une sorte de murmure blasée qui fit grandement sourire Mr Wagner.

_ « Je vois que vous êtes en forme ! Allons-y, montrez-moi vos chefs d’œuvre !Au tableau ! »

Les élèves défilèrent les uns après les autres devant le tableau, affichant leurs travaux à l’aide d’un aimant sur celui-ci. La plupart s’en sortirent avec à peine la moyenne, le hors sujets était un piège dans lequel il était aisément facile de tomber en dessin.

_ « Bien, bien…enfin quelqu’un qui a compris, je te mets un 15. Merci Benoît, tu peux retourner à ta place. Suivant ! »

Noah était le suivant. Il était assez sur de lui. Et après toutes les débâcles qui l’avaient précédés, il savait que sa note se situerait au dessus de la moyenne. Benoît, le garçon juste avant lui avait reproduit quelques uns de ces arbres centenaires d’Amérique du Sud dont les troncs s’enroulaient l’un autour de l’autre en formant d’étranges signes tribales.
Noah s’avança sa feuille à la main, se mit sur la pointe des pieds pour récupérer les aimants que Benoît avait placés un peu trop haut à son goût et accrocha son dessin.
_ « Intéressant… » Concéda le professeur.

Il s’approcha du tableau pour le regarder de plus près.

_ « Fusain ? » Demanda-t-il à Noah qui acquiesça.  « Pourquoi Stonehenge ? »

Noah réfléchit quelques instants puis :

_ « Le monument en lui-même est une œuvre d’art. Il date de la Préhistoire mais conserve toujours cette beauté mythique que seul un chef d’œuvre peut dégager et…il est une ode à la Nature. Pour moi, il prouve que l’Art comme la Nature et l’Histoire est immortel. »

Le professeur observa Noah en souriant. Le jeune garçon n’était pas très habile avec les mots mais on ressentait toutes l’émotions qu’il plaçait dans ses paroles en regardant son visage. Il lui posa encore quelques questions comme pourquoi l’utilisation du fusain ou les détails de la perspective puis l’invita à retourner à sa place.

_ « Tes travaux sont toujours remplis d’émotions Noah, j’aime ça. Ta technique au fusain s’améliore de cours en cours j’ai l’impression ! Tu mérites ton 18. » Lui dit-il avant d’envoyer un nouvel élève sur le devant de la scène.

Noah se rassit un sourire heureux illuminant ses traits. Ils passèrent les deux heures suivantes à passer en revue tous les tableaux de maîtres correspondant au thème de leur propre dessin. Mr Wagner parvenait toujours à être plus intéressant que leur professeur officiel d’Histoire de l’Art.
Sans empressement, tout le monde se leva lorsque la sonnerie de fin de journée eut sonné son dernier gong. Noah rangea ses affaires en prenant une grande inspiration. L’heure-H s’approchait. Pendant la présentation des autres élèves, il avait eu le temps de préparer son rôle. En sortant de la salle, il remercia quelconques déités d’avoir eu pitié de lui et de ne pas avoir eu photographie aujourd’hui. Sans cela, il aurait été obligé de croiser Pauline. Et ça, il aurait eu du mal à y faire face.

Il franchit le portail de sortie de l’établissement et s’appuya contre le mur extérieur. Jin avait dit qu’il passerait le prendre, et le Japonais faisait toujours ce qu’il disait.
A peine deux minutes plus tard, une Citroën 206cc bleu foncé s’arrêta devant lui, la vitre s’ouvrit et le conducteur le siffla. Noah tourna la tête et reconnut la voiture de Jin. Il ouvrit la portière, posa son sac au pied de la place avant et grimpa dans la voiture. Heureusement pour lui que les élèves étaient autorisés à laisser leurs pochettes dans la salle de dessin durant la semaine.

_ « Bien passé ? » Lui demanda Jin lorsqu’il eut refermé la portière.
_ « Mm Mm » Acquiesça le petit brun en bouclant sa ceinture de sécurité.
_ « Parfait. Tu veux aller manger quelque chose avant d’aller voir Sid ? »
_ « Oui ! Je meurs de faim. » S’exclama Noah.
_ « Let’s go then ! Tu m’as l’air en meilleure forme que ce matin dis-moi »
Il attendit que la file de voiture devant le feu rouge démarre pour prendre leur suite.

_ « Oui, j’ai réfléchi. »
_ « Ah. Et je suppose que tu ne m’éclaireras pas plus que ça ? »
_ « Non ! » Dit le petit brun en secouant la tête.
_ « J’ai compris, je cherche pas. » Répondit Jin en souriant.

Noah appuya sur le bouton de la radio et Chris Isaak les accompagna jusqu’à un fast-food. Noah alla s’installer en restaurant extérieur pendant que le Japonais passait commande. La plupart des étudiants avait eu la même idée et il du attendre un petit moment avant que Jin refasse son apparition.

_ « A toi. » Dit ce dernier en posant un Sunday dégoulinant de caramel devant Noah.
_ « Merci ! » Noah plongea hâtivement la cuillère en plastique dans la glace. Il récupéra plus de caramel que de glace elle-même, et la plongea dans sa bouche. « Mmm…ce que c’est bon ! » dit-il, la bouche pleine. Il avala la première cuillerée. « J’adore le Sunday au caramel ! »
_ « Tu veux dire le caramel au Sunday ? » Se moqua Jin.

Ils finirent leurs glaces tranquillement puis repartirent. En temps normal ils seraient restés plus longtemps mais cette fois-ci, il y avait beaucoup trop de monde, et Sid attendait Noah.
Le trajet se passa en silence. Le volume de la musique était tourné au minimum. Le Japonais pouvait voir à quel point Noah était stressé, il ne cessait de plier et déplier ses doigts dans ses paumes, essayant ainsi de faire passer la pression. Soudain, il se baissa pour prendre son sac, il y fouilla une minute et en sortit son portable. Il l’éteignit immédiatement, peur qu’il sonne en plein entretien. Jin ôta sa main du levier de vitesse et tapota le genou de Noah.
Le petit brun tourna la tête vers le jeune homme et lui fit un micro sourire. On y sentait la tension du garçon mais aussi la gratitude envers Jin qui tentait de le rassurer.
Bientôt, trop tôt au goût de Noah, il arrivèrent devant un night-club. L’endroit paraissait plutôt aisé, pour ne pas dire luxueux. Jin se gara non loin du club et tout deux rentrèrent dans le bâtiment encore désert. Il n’était que 17h30, et la plupart des clients n’apparaissaient qu’à la nuit tombée. Le club était pour, ainsi dire, un vrai club. La musique y était diffusée à un volume assourdissant, l’alcool coulait à flots et des danseuses en petites tenues s’exhibaient sans pudeur sur scène. Seuls les intéressés savaient que le patron du club louait d’autre ‘services’. Le premier étage du club était d’ailleurs destiné à cet effet. Déguisé en section ‘VIP’, plusieurs chambres pouvaient être louées, et de jeunes corps achetés, pour une nuit. Ce n’était pas comme si les ‘garçons’ de Sid étaient condamnés à rester enfermés chaque nuit dans le club, si un client le demandait, ils étaient envoyés dehors. ‘Livraison à domicile’ comme ils l’appelaient, mais c’était rare car moyennant comptant. Bref, extérieurement c’était un club banal quoi que fort populaire et personne ne se serait jamais douté qu’il y avait des squelettes dans les placards.

Jin et Noah saluèrent la barmaid qui était déjà présente. Malgré son apparence de fille à petite vertu, elle était vraiment très gentille. Et avant que Jin n’arrive en France, elle avait souvent raccompagné Noah jusque chez lui au petit matin. A vrai dire, tous les employés de Sid paraissaient avoir un esprit de camaraderie. Les plus âgés veillant sur les plus jeunes et les plus forts sur les plus faibles. On dit souvent que la mauvaise fortune rapproche les gens.

_ « Je vais aller voir Sid tout de suite. » Lança Noah à Jin alors que celui-ci s’asseyait au bar « Je préfère me débarrasser de ça au plus vite… »

Jin l’observa un instant, puis acquiesça.

_ « On se revoit tout à l’heure mon cœur. » Lui dit-il.

Noah acquiesça à son tour et avança lentement vers la porte du fond, qui le séparait du bureau de Sid.


arrow_back Previous Next arrow_forward