La femme de son ennemi

Qui ne vint pas. Au lieu de cela, il lui saisit le bras, lui donnant une légère secousse pour la faire réagir. Elle le considéra, abasourdie. Il abordait un air de suffisance qui la consterna. Il fit un geste théâtral en direction d'un angle de la pièce.
- Souriez, Madame Parker. Vous venez de donner votre meilleure performance d'actrice à ce jour...

et elle vit la caméra. Le choc la fit presque défaillir. Mélange de soulagement et de souffrance. Il la laisserait vivre. Et son mariage était fini. Peter lui pardonnerait sans-doute d'avoir accepté le chantage de Venom, mais il aurait du mal à avaler deux orgasmes... et il ne comprendrait pas son geste de tendresse final.
Elle ne le comprenait pas elle-même.
Lorsqu'elle se tourna vers l'ennemi de son mari, il avait disparu.

Elle resta prostrée sur la table de cuisine des 4 fantastiques.

Au bout d'un temps indéterminé, elle se rhabilla. Plus tard encore, elle entendit du bruit autour d'elle.
Des bras féminins l'entourèrent.
- Dieu soit loué tu es en vie... lorsque je l'ai vu remonter seul... il avait l'air si furieux...
Sue la serrait désespérément contre elle, cherchant et offrant du réconfort. Son visage était blême, des traces de sang maculaient ses narines et sa joue gauche.
Le sens de ses mots pénétra lentement l'esprit embrumé de Mary Jane.

Furieux ?

Elle avait dû se tromper. Venom avait toutes les raisons de se réjouir, au contraire. Elle murmura faiblement:
- Je suis heureuse qu'il t'ait laissée en vie... le passage... est-ce qu'il... »
- Non non, il m'a menacée en me demandant où était la pièce centralisant les caméras de surveillance, puis il a fait quelque-chose dans ma tête... » elle grimaça, s'essuyant machinalement le nez. « Je viens de me réveiller. » Elle se pencha vers son oreille pour chuchoter: « je crois qu'il a emporté le DVD qui a enregistré ces deux dernières heures... » puis sur un ton normal : « Regarde autour de toi, tout le monde est en train de rentrer. »

Elle vit Red Richards aux côtés de sa femme. Il avait l'air à la fois perturbé et profondément embarrassé. Elle songea à l'état de la table, la couette, les marques de griffes... et se sentit rougir. Mr Fantastic détourna imperceptiblement son regard.
Sue parla très vite :

-Tu as été si courageuse ! Tu t'es jetée devant lui, alors que tu n'avais aucun pouvoir pour te défendre. Tu nous as tous sauvé la vie. Surtout à moi. »
Avant qu'elle ne puisse répondre, Red enchaîna :
- Nous venons de renvoyer Johnny de l'autre côté. Il va persuader Spiderman de rentrer parmi les derniers. Ben nous a dit qu'il était très pressé de te voir mais nous lui ferons miroiter une mission que lui seul peut accomplir... avec ses capacités d'adhérence aux parois... »
Mary Jane ferma les yeux. Peter était vivant, cela seul comptait. Elle était si lasse... elle ne voulait pas connaître les détails. Sue continua.
- Cela nous donne le temps de nous faire examiner pour voir si Venom ne nous a pas... heu... laissé un souvenir. »
Mary Jane sursauta. Elle n'y avait même pas pensé. Sue faisait-elle allusion à du sperme ?
L'avait il aussi...
Cette dernière vit son expression et posa une main apaisante sur son bras.
- Non non, il ne m'a pas touchée... pas comme ça... mais le symbiote... il a pénétré mon cerveau, tu sais...»

Le scan était négatif.
Venom ne l'avait pas infectée. En fait, il avait tout nettoyé: aucune trace de semence ou d'une quelconque substance alien dans son organisme.
Elle lui en fut absurdement reconnaissante.
Sue sortit à son tour de la salle d'examen, rayonnante de soulagement.
- Le pire est passé. Mais écoute mon conseil. Tu ne dois pas en parler à Peter. Jamais. Il comprendrait c'est sûr, mais vos relations seraient entachées par l'ombre de Venom. »
Richards intervint :
- Hem... je pense que son mari a le droit...
- Crois-moi mon chéri, il y a certaines choses qu'un homme ne veut pas savoir. »

Red hésita, mal à l'aise. Il se souvint brusquement de certains événements en Latvérie, alors qu'ils avaient été capturés par Fatalis.
Ils avaient tous été emprisonnés dans des cellules différentes, et Sue avait fini par les délivrer. Comment était-elle parvenue à s'échapper?
Ses explications avaient été très vagues et embrouillées à l'époque, et ils n'étaient jamais revenus sur cette histoire. Ou avait-elle délibérément évité le sujet? A l'époque il avait pensé à de la modestie, mais...
il se tourna vers sa femme. Elle tenait Mary Jane dans ses bras et la consolait du mieux qu'elle pouvait.
Hem... Peut-être que le moment était mal choisi. Et peut-être avait elle raison. Il existait certaines choses qu'un homme ne souhaitait vraiment pas savoir.


Instinctivement, ils s'étaient dirigés vers l'un des lieux favoris de Spiderman. Guidés par leurs souvenirs partagés, il s'étaient perchés sur la tête de l'un des aigles d'acier du Chrysler building.
Affalés dans une attitude de profonde désolation, Venom ruminaient de sombres pensées.

- Es-tu satisfait?
- *Pleinement. Nous n'aurons plus besoin de nous nourrir pendant des jours...*
- C'est déjà ça... » marmonna Brock.
- *Je perçois ton insatisfaction.*
- Nous l'avons terrorisée. Nous l'avons torturée moralement pendant deux jours.
- *Elle est en vie.*
- Nous l'avons violée...
- *Nous avons épargné Spiderman.*
- tu parles d'une consolation !
- *C'est toi qui a souhaité faire preuve d'honneur... Qu'est-ce que c'est?*
- rien d'important en ce qui te concerne... tenir une promesse.
- *Nous n'aurions jamais pu nous contrôler sans rétribution.*
- M'ouais. Je sais. Tu as été incroyablement modéré sur ce coup là...
- *Nous aussi nous apprécions la petite humaine. Ses émotions sont si puissantes. Tant de passion...tu nous as appris comment ne pas blesser ce que nous aimions.*
Brock ne répondit pas.
- *Tu la veux encore?*
- C'est impossible. Elle n'est pas à nous. Elle appartient au héros.
- *Si j'ai bien discerné les émotions humaines, elle sera bientôt libre si tu envoies l'enregistrement à Parker...*

Eddie regarda le DVD qu'il tenait en main. Sa vengeance.

Le moyen qu'il avait trouvé pour épargner la vie de Mary Jane tout en faisant souffrir Parker le plus possible. Il pouvait briser la vie de son ennemi avec ça. Sa vie à elle aussi.

Et sa victoire avait un goût de cendres.