les princes sorciers
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French › Originals
Rating:
Adult
Chapters:
32
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1,371
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Disclaimer:
This is a work of fiction. Any resemblance of characters to actual persons, living or dead, is purely coincidental. The Author holds exclusive rights to this work. Unauthorized duplication is prohibited.
les affres de Bambi
14. les affres de Bambi
Bambi est décidé : il va tout raconter à Lucas. C’est son ami, le seul. S’il ne lui fait pas confiance, à qui d’autre ? Il cherche ses mots, inspire profondément et referme aussitôt la bouche.
C’est trop ridicule, se dit-il. Il va se moquer de moi. Ce n’est qu’un rêve.
- Je vais voir s’il y a du courrier, laisse-t-il échapper d’une voix découragée avant de se lever.
Lucas a un petit sourire entendu. Il jette un regard à son ami avant de lui dire :
- Tu ne peux pas t’en empêcher. Malgré tout ce que tu dis sur tes parents, tu te précipites dès que tu le peux pour voir s’il y a du courrier.
Bambi hésite sur la conduite à tenir, oscillant d’une jambe à l’autre comme s’il était en quête d’équilibre.
Doit-il faire mine de se fâcher ou bien rire ?
Finalement, il opte pour un haussement d’épaules fataliste tout en disant :
- Il y a rarement quelque chose. Tu viens ?
Lucas le rejoint et ils sortent ensembles.
- Ils ne connaissent pas internet, tes vieux ?
- Mon père, non. Il est coincé quelque part entre les années 70 et 80. Ma mère, si, bien sûr. C’est juste que l’endroit où elle se trouve a une particularité : ça ne passe pas. Rien ne passe. Ils ne peuvent même pas écouter la radio. Elle m’a expliqué pourquoi, mais je n’ai pas vraiment compris. Une histoire de barrière électromagnétique.
- Ah ? fait Lucas d’une voix sceptique.
Bambi plonge la main dans la boîte avant de la ressortir avec une liasse. Il contemple son butin d’un œil torve : un monceau de pub, un bon de réduction à valoir sur l’achat d’une pizza, deux factures et une seule enveloppe à son nom.
- Ça vient d’Espagne, fait-il d’une voix perplexe. Mon père, je crois…
Les deux garçons s’assoient sur le muret, tournant le dos à la maison.
Bambi ouvre l’enveloppe et sort une lettre qu’il se met à lire. C’est rapide : elle est courte.
- Shark, murmure-t-il. Il me propose de le rejoindre à Barcelone. Une chanteuse dont je n’ai jamais entendu parler donne une série de concert là-bas. Il l’accompagne.
Il secoue la tête d’un air navré, tout en faisant une moue, clairement dépité.
- Quel crétin, s’écrie-t-il subitement avant de froisser la lettre et l’enveloppe avec rage. Il n’a aucun sens des réalités. On est en juin, j’ai cours… Et comment je payerai le voyage ? Et le séjour ? Faut pas rêver : ce n’est pas lui qui crachera la monnaie. J’aurai de la chance s’il me paye un sandwich.
Il fait une boule avec la lettre et la jette derrière lui, sur la pelouse.
C’est pourtant avec un mélange de regret et de mauvaise conscience qu’il laisse échapper du bout des lèvres :
- Sale con.
Lucas ne dit rien. Il se contente de le regarder.
Les deux garçons restent ainsi, silencieux. Chacun est à nouveau enfermé dans sa bulle personnelle, où se côtoient ce qui ne sera jamais et ce qui sera malheureusement, ce qu’on voudrait et ce avec quoi il va falloir composer.
Ça fait longtemps que Bambi le sait : il y a le pour de vrai, avec quoi il faut faire, sans chercher à ruser. Le mur existe et on ne peut le traverser. En refuser l’existence empêche de le contourner.
Il y a aussi le comme on voudrait que ce soit. Sa seule utilité : supporter le pour de vrai.
Mais ce qui le tracasse, c’est une nouvelle catégorie : le ça fait peur. Ça concerne le pour de vrai autant que le comme je voudrais que ce soit.
Faut faire avec. S’en méfier, mais pas le rejeter. C’est utile parfois d’avoir peur. Ça aide à prendre conscience du danger. Ce qu’il faut rejeter, c’est la panique. Là, on fait n’importe quoi.
Ce n’est qu’un rêve, se dit-il pour la centième fois.
Il a déjà oublié l’invitation de Shark. Ce n’est rien, une déception de plus. Ce qui le préoccupe, c’est Zhio. il a beau dire qu’il n’existe pas, il est quand même affolé.
Bambi ne cesse de changer d’avis. Il va en parler à Lucas, à la psychologue, à sa cousine. Et deux minutes après, ça devient : Non, il n’en parlera à personne. C’est trop bizarre, trop personnel… Et surtout, trop compromettant.
Il lance un regard à Lucas. Ça ressemble à un cri de détresse, un appel à l’aide. Son ami lui rend son regard, perplexe.
Je dois me décider, se dit Bambi, au bord des larmes. Choisir.
Le pire, ce qu’il supporte mal, c’est qu’il sait très bien quel sera son choix. Il n’ose pas le formuler, c’est tout. Alors, il navigue dans cette fausse indécision, entre savoir et aveu, juste pour ne pas avoir à assumer son choix.
S’avouer son choix : la difficulté ultime en ce qui le concerne, avec tout ce que ça signifie et amène comme frustration, colère et déprime. Surtout à cet âge angoissant où on aime à se réfugier dans son statut d’enfant tout en aspirant à l’autonomie supposée de l’adulte.
Chez lui, ça finit toujours de la même façon lorsque la pression se fait trop forte. Ça ne règle rien, mais ça soulage. C’est déjà bien.
Il monte en lui, prend de l’ampleur jusqu’à devenir incontrôlable. C’est ce qu’il appelle le cri primal, qui vient du plus profond de son être et qui résume finalement assez bien la condition humaine.
Lucas sursaute lorsque son ami se met à hurler, puis ils se lancent un regard complice et se retrouvent dans les bras l’un de l’autre, secoué par un fou-rire que rien ne paraît pouvoir arrêter.
Pourtant, il s’arrête.
Lucas se raidie et recule.
Son regard est braqué sur l’autre côté de la rue.
Jean et Hélène Redoux sortent de leur voiture. Sans prêter attention aux deux garçons qui les observent, ils se dirigent de leur habituel pas d’automate vers le pavillon avant d’y disparaître.
Bambi et Lucas échangent un regard avant de se remettre dans leur position initiale, l’un à côté de l’autre, les bras ballants, le visage morose, les yeux fixés sur le vide…
Ne pas penser.
Surtout pas.
Comme si on pouvait s’arrêter de penser…
Chacun dans ses pensées, chacun empêtré dans ses problèmes, chacun face à une vie qu’il doit encore construire, devinant déjà la part de ses rêves auxquels il devra renoncer pour continuer sa route.
Comme dirait Bambi s’il se donnait la peine de s’exprimer : il y a le pour de vrai et il y a le comme je voudrais que ce soit. C’est toujours le premier qui impose ses vues, jamais le second.
Il n’y a pas photo : on sait très bien qui passera en premier la ligne d’arrivée, dès le départ.
Si l’un d’eux était philosophe, il appellerait ça le principe de réalité. S’il poursuivait son raisonnement, il en conclurait qu’il faut composer avec le réel pour imposer une infime partie de ses rêves. Aucun d’eux ne l’est. Alors, ils font juste avec, comme tout le monde. On ne choisit pas qui on est, on ne choisit pas où on est. On y est parce que c’est comme ça.
De quoi donner envie d’économiser pour se payer un des rares exemplaires encore disponibles de : Suicide, mode d’emploi.
Bambi est décidé : il va tout raconter à Lucas. C’est son ami, le seul. S’il ne lui fait pas confiance, à qui d’autre ? Il cherche ses mots, inspire profondément et referme aussitôt la bouche.
C’est trop ridicule, se dit-il. Il va se moquer de moi. Ce n’est qu’un rêve.
- Je vais voir s’il y a du courrier, laisse-t-il échapper d’une voix découragée avant de se lever.
Lucas a un petit sourire entendu. Il jette un regard à son ami avant de lui dire :
- Tu ne peux pas t’en empêcher. Malgré tout ce que tu dis sur tes parents, tu te précipites dès que tu le peux pour voir s’il y a du courrier.
Bambi hésite sur la conduite à tenir, oscillant d’une jambe à l’autre comme s’il était en quête d’équilibre.
Doit-il faire mine de se fâcher ou bien rire ?
Finalement, il opte pour un haussement d’épaules fataliste tout en disant :
- Il y a rarement quelque chose. Tu viens ?
Lucas le rejoint et ils sortent ensembles.
- Ils ne connaissent pas internet, tes vieux ?
- Mon père, non. Il est coincé quelque part entre les années 70 et 80. Ma mère, si, bien sûr. C’est juste que l’endroit où elle se trouve a une particularité : ça ne passe pas. Rien ne passe. Ils ne peuvent même pas écouter la radio. Elle m’a expliqué pourquoi, mais je n’ai pas vraiment compris. Une histoire de barrière électromagnétique.
- Ah ? fait Lucas d’une voix sceptique.
Bambi plonge la main dans la boîte avant de la ressortir avec une liasse. Il contemple son butin d’un œil torve : un monceau de pub, un bon de réduction à valoir sur l’achat d’une pizza, deux factures et une seule enveloppe à son nom.
- Ça vient d’Espagne, fait-il d’une voix perplexe. Mon père, je crois…
Les deux garçons s’assoient sur le muret, tournant le dos à la maison.
Bambi ouvre l’enveloppe et sort une lettre qu’il se met à lire. C’est rapide : elle est courte.
- Shark, murmure-t-il. Il me propose de le rejoindre à Barcelone. Une chanteuse dont je n’ai jamais entendu parler donne une série de concert là-bas. Il l’accompagne.
Il secoue la tête d’un air navré, tout en faisant une moue, clairement dépité.
- Quel crétin, s’écrie-t-il subitement avant de froisser la lettre et l’enveloppe avec rage. Il n’a aucun sens des réalités. On est en juin, j’ai cours… Et comment je payerai le voyage ? Et le séjour ? Faut pas rêver : ce n’est pas lui qui crachera la monnaie. J’aurai de la chance s’il me paye un sandwich.
Il fait une boule avec la lettre et la jette derrière lui, sur la pelouse.
C’est pourtant avec un mélange de regret et de mauvaise conscience qu’il laisse échapper du bout des lèvres :
- Sale con.
Lucas ne dit rien. Il se contente de le regarder.
Les deux garçons restent ainsi, silencieux. Chacun est à nouveau enfermé dans sa bulle personnelle, où se côtoient ce qui ne sera jamais et ce qui sera malheureusement, ce qu’on voudrait et ce avec quoi il va falloir composer.
Ça fait longtemps que Bambi le sait : il y a le pour de vrai, avec quoi il faut faire, sans chercher à ruser. Le mur existe et on ne peut le traverser. En refuser l’existence empêche de le contourner.
Il y a aussi le comme on voudrait que ce soit. Sa seule utilité : supporter le pour de vrai.
Mais ce qui le tracasse, c’est une nouvelle catégorie : le ça fait peur. Ça concerne le pour de vrai autant que le comme je voudrais que ce soit.
Faut faire avec. S’en méfier, mais pas le rejeter. C’est utile parfois d’avoir peur. Ça aide à prendre conscience du danger. Ce qu’il faut rejeter, c’est la panique. Là, on fait n’importe quoi.
Ce n’est qu’un rêve, se dit-il pour la centième fois.
Il a déjà oublié l’invitation de Shark. Ce n’est rien, une déception de plus. Ce qui le préoccupe, c’est Zhio. il a beau dire qu’il n’existe pas, il est quand même affolé.
Bambi ne cesse de changer d’avis. Il va en parler à Lucas, à la psychologue, à sa cousine. Et deux minutes après, ça devient : Non, il n’en parlera à personne. C’est trop bizarre, trop personnel… Et surtout, trop compromettant.
Il lance un regard à Lucas. Ça ressemble à un cri de détresse, un appel à l’aide. Son ami lui rend son regard, perplexe.
Je dois me décider, se dit Bambi, au bord des larmes. Choisir.
Le pire, ce qu’il supporte mal, c’est qu’il sait très bien quel sera son choix. Il n’ose pas le formuler, c’est tout. Alors, il navigue dans cette fausse indécision, entre savoir et aveu, juste pour ne pas avoir à assumer son choix.
S’avouer son choix : la difficulté ultime en ce qui le concerne, avec tout ce que ça signifie et amène comme frustration, colère et déprime. Surtout à cet âge angoissant où on aime à se réfugier dans son statut d’enfant tout en aspirant à l’autonomie supposée de l’adulte.
Chez lui, ça finit toujours de la même façon lorsque la pression se fait trop forte. Ça ne règle rien, mais ça soulage. C’est déjà bien.
Il monte en lui, prend de l’ampleur jusqu’à devenir incontrôlable. C’est ce qu’il appelle le cri primal, qui vient du plus profond de son être et qui résume finalement assez bien la condition humaine.
Lucas sursaute lorsque son ami se met à hurler, puis ils se lancent un regard complice et se retrouvent dans les bras l’un de l’autre, secoué par un fou-rire que rien ne paraît pouvoir arrêter.
Pourtant, il s’arrête.
Lucas se raidie et recule.
Son regard est braqué sur l’autre côté de la rue.
Jean et Hélène Redoux sortent de leur voiture. Sans prêter attention aux deux garçons qui les observent, ils se dirigent de leur habituel pas d’automate vers le pavillon avant d’y disparaître.
Bambi et Lucas échangent un regard avant de se remettre dans leur position initiale, l’un à côté de l’autre, les bras ballants, le visage morose, les yeux fixés sur le vide…
Ne pas penser.
Surtout pas.
Comme si on pouvait s’arrêter de penser…
Chacun dans ses pensées, chacun empêtré dans ses problèmes, chacun face à une vie qu’il doit encore construire, devinant déjà la part de ses rêves auxquels il devra renoncer pour continuer sa route.
Comme dirait Bambi s’il se donnait la peine de s’exprimer : il y a le pour de vrai et il y a le comme je voudrais que ce soit. C’est toujours le premier qui impose ses vues, jamais le second.
Il n’y a pas photo : on sait très bien qui passera en premier la ligne d’arrivée, dès le départ.
Si l’un d’eux était philosophe, il appellerait ça le principe de réalité. S’il poursuivait son raisonnement, il en conclurait qu’il faut composer avec le réel pour imposer une infime partie de ses rêves. Aucun d’eux ne l’est. Alors, ils font juste avec, comme tout le monde. On ne choisit pas qui on est, on ne choisit pas où on est. On y est parce que c’est comme ça.
De quoi donner envie d’économiser pour se payer un des rares exemplaires encore disponibles de : Suicide, mode d’emploi.