les princes sorciers
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French › Originals
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Adult
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Disclaimer:
This is a work of fiction. Any resemblance of characters to actual persons, living or dead, is purely coincidental. The Author holds exclusive rights to this work. Unauthorized duplication is prohibited.
les souvenirs de Kaël
18. les souvenirs de Kaël
Une fois la porte refermée, Kaël s’y adosse et laisse échapper un long soupir. Il se sent déboussolé. Une telle coïncidence est à peine croyable.
Il fait face à un escalier qui monte vers l’étage et le contemple sans le voir.
Son fantôme personnel est venu le hanter.
Il ne prête aucune attention au couple venu l’accueillir et se met à respirer par petits coups rapides, cherchant à juguler le flot d’émotions qui l’assaille.
L’un d’eux est rare en ce qui le concerne : la peur.
- Jamy, répète-il plusieurs fois. Ce n’est pas possible.
Il n’y a aucun doute sur son identité. Non seulement il lui ressemble trait pour trait, mais il y a aussi son odeur mentale, que seuls les princes sorciers sont capables de percevoir.
Kaël n’est pas un dieu. Le destin vient de lui rappeler cette vérité élémentaire.
Non, je n’ai rien de divin, songe-t-il, mais je n’ai rien à craindre d’un éphémère.
Il se calme. A vrai dire, il fait semblant. Jamy est plus qu’un éphémère. Il est bien placé pour le savoir. Il les a piège, se rappelle-t-il. Moi et Zhio.
Ceci dit, le garçon ne se souvient pas de sa précédente vie. Il ne connaît pas Zhio, ignore tout des princes sorciers. Ceux des siens qui reviennent ne se souviennent jamais. Il n’y a aucune raison qu’il fasse exception à la règle.
Et puis, le petit éphémère finira par s’éteindre, comme le font tous les éphémères.
Mais Jamy représente un danger qu’il ne peut ignorer. Pas seulement pour lui, mais pour tous les siens.
C’est une arme. Et il s’agit de savoir qui la braque sur eux.
Hélène et son mari se tiennent près de la porte qui donne sur le salon. Ils sont immobiles, le regard vide, en attente. Si Kaël ne leur dit rien, ils resteront ainsi, peut-être jusqu’à la fin des temps.
Il est tenté, juste pour voir.
Ils ont un instinct de conservation.
Il les imagine aller d’un pas d’automate jusqu’à la cuise, se nourrir avant de revenir se poster ici, en attente de ses ordres.
Tu méprises les éphémères, fait une petite voix accusatrice à l’intérieur de sa tête. Pas tous, proteste-il aussitôt. Il y a Jamy. Lui, je ne l’ai jamais méprisé.
Non, ricane la petite voix intérieure. Tu t’es contenté de le supplicier.
- Fais-moi du café, ordonne-t-il sèchement à Jean, tout en se dirigeant vers le salon.
Je ne les méprise pas, songe-t-il. Ce sont des zombies, des outils, et on ne méprise pas un outil. Seuls les malades mentaux s’en prennent aux outils. Voici encore un concept particulier aux éphémères : la maladie mentale. Etre hors norme. Le troupeau n’aime pas la différence.
Il s’installe sur le canapé usagé qui fait face à la baie vitrée.
Il voit les deux garçons qui discutent de l’autre côté de la rue, et Joël qui les observe sans vraiment s’intéresser à eux, tout en fumant une cigarette.
Que fais-je ici ? se demande-il subitement en regardant Hélène, zombie modèle en attente sur le fauteuil bon marché et de mauvais goût. Pour garder foi en l’avenir, se dit-il aussitôt. Voilà pourquoi il se trouve dans cette banlieue peuplée d’éphémères, comme il en grouille tellement sur cette planète qui leur a échappé. Ce n’est plus qu’un troupeau livré à lui-même, infesté par un parasite contre lequel les survivants ne savent pas lutter.
Il soupire.
Les survivants ? Trop peu nombreux, divisés, traumatisés, ignorants et paumés, incapables de faire face. Seuls lui et Rhon se sont montrés soucieux de réagir, avec la volonté de remonter la pente.
Où sont-ils ? Kaël leur en veut. Il n’a réussi qu’à en débusquer une petite vingtaine. Tous isolés, inertes… Mais les autres ?
Ils auraient dû venir à lui, reprendre contact.
Ils ne l’ont pas fait.
Il lève la tête et contemple le couple qui attend docilement. Il y a une tasse de café devant lui.
- J’étais venu te chercher comme prévu, dit-il à Hélène, afin que tu portes un futur prince sorcier en toi. Faut-il changer mes plans ? ajoute-il en désignant l’autre côté de la rue.
Les deux adolescents, ignorant l’attention dont ils sont l’objet, discutent. Ça semble mal se passer. L’un d’entre eux est debout. Subitement, il traverse la rue en courant.
- Qui sont-ils ? demande Kaël.
- Celui qui arrive est notre fils, répond Jean d’une voix sans intonation. L’autre, c’est Bambi, son ami.
- Bambi, sourit Kaël. Ça lui va comme un gant. Je veux en savoir plus sur lui. Rapidement.
Il secoue la tête d’un air navré.
- Seuls les éphémères sont pressés. Ils comptent les jours. Moi, je ne sais pas profiter du temps qui passe. C’est votre privilège et je vous l’envie. Vos existences sont si courtes, si… éphémères. Il est normal que vous comptiez les jours, ceux qui séparent votre naissance de votre mort.
Il laisse échapper un nouveau soupir.
- Plus tard, dit-il encore. Attendons votre fils.
Lucas passe devant Joël. Il les rejoindra dans peu de temps. Quelques brèves secondes. Le temps pour lui de penser une nouvelle fois au passé. Son véritable passé, celui qu’il cherche à occulter parce qu’il brouille l’avenir, et même le présent, parce qu’il est juste nostalgie. Celui d’une époque où le monde était simple, celui où il n’était qu’un berger avec une existence qui avait un sens : veiller sur le troupeau des éphémères, ces créatures si mystérieuses, si belles, si volatiles, qui traversent leur existence le temps d’un battement de cils.
Les questions qu’il se posait à l’époque ne comptaient pas. Elles auraient leurs réponses en temps voulu, lorsqu’il ira à Ath’ Land et que les anciens lui enseigneront tout ce qu’il a à savoir afin qu’il devienne l’un d’eux.
Le paradis, se dit Kaël. Pas celui des éphémères : le nôtre.
Il n’y avait pas de choix à faire, pas de combat à mener. Juste un devoir à remplir, avec les droits qui s’y rattachent.
Le monde était simple. Aucun point d’interrogation. Si différent de la vie dans laquelle il se débat aujourd’hui. Le monde de l’enfance.
Nous sommes toujours des enfants, se dit-il. Des gardiens. Nous le resterons jusqu’au bout. Nous ne deviendrons jamais des anciens. On nous a volé notre destin. C’est ce qui nous terrifie et nous désespère. Nous sommes comme ce personnage : Peter Pan.
Prisonnier de l’enfance.
Il entend la porte qui s’ouvre et devine le jeune éphémère qui s’introduit dans la maison. Il l’ignore encore, mais il vient de s’introduire dans la vie de Kaël. Durablement. Juste parce qu’il connaît le garçon assis sur un muret, cette menace, ce reflet venu d’un lointain passé. Cette beauté insolente et fugitive qui a fait craquer Zhio, qui l’a fait craquer, qui fera craquer n’importe quel prince sorcier, prisonnier de sa semi-immortalité.
Cette innocence impitoyable à laquelle aucun des siens ne peut résister, y compris lui, Kaël. Irradiante, rayonnante, faisant vaciller chacune de ses certitudes. Lui rappelant quelque chose qu’il aime à oublier : sa jalousie était double.
Il enviait le regard que portait Zhio sur Jamy. Ça le rendait furieux, fou de jalousie… Mais le regard que portait Jamy sur Zhio lui était tout aussi intolérable.
C’est ce qui fait qu’il est seul désormais, face à lui-même.
- Le passé, chuchote-il sans que ses hôtes y réagissent.
Il respire profondément tout en regardant entrer le garçon en survêtement bleu. Il est debout, poings serrés, et contemple Kaël avec un mélange de crainte et de colère.
Le prince sorcier a un petit rire sans joie. Il pense à Zhio et laisse échapper, malgré lui :
- Mon frère…
Une fois la porte refermée, Kaël s’y adosse et laisse échapper un long soupir. Il se sent déboussolé. Une telle coïncidence est à peine croyable.
Il fait face à un escalier qui monte vers l’étage et le contemple sans le voir.
Son fantôme personnel est venu le hanter.
Il ne prête aucune attention au couple venu l’accueillir et se met à respirer par petits coups rapides, cherchant à juguler le flot d’émotions qui l’assaille.
L’un d’eux est rare en ce qui le concerne : la peur.
- Jamy, répète-il plusieurs fois. Ce n’est pas possible.
Il n’y a aucun doute sur son identité. Non seulement il lui ressemble trait pour trait, mais il y a aussi son odeur mentale, que seuls les princes sorciers sont capables de percevoir.
Kaël n’est pas un dieu. Le destin vient de lui rappeler cette vérité élémentaire.
Non, je n’ai rien de divin, songe-t-il, mais je n’ai rien à craindre d’un éphémère.
Il se calme. A vrai dire, il fait semblant. Jamy est plus qu’un éphémère. Il est bien placé pour le savoir. Il les a piège, se rappelle-t-il. Moi et Zhio.
Ceci dit, le garçon ne se souvient pas de sa précédente vie. Il ne connaît pas Zhio, ignore tout des princes sorciers. Ceux des siens qui reviennent ne se souviennent jamais. Il n’y a aucune raison qu’il fasse exception à la règle.
Et puis, le petit éphémère finira par s’éteindre, comme le font tous les éphémères.
Mais Jamy représente un danger qu’il ne peut ignorer. Pas seulement pour lui, mais pour tous les siens.
C’est une arme. Et il s’agit de savoir qui la braque sur eux.
Hélène et son mari se tiennent près de la porte qui donne sur le salon. Ils sont immobiles, le regard vide, en attente. Si Kaël ne leur dit rien, ils resteront ainsi, peut-être jusqu’à la fin des temps.
Il est tenté, juste pour voir.
Ils ont un instinct de conservation.
Il les imagine aller d’un pas d’automate jusqu’à la cuise, se nourrir avant de revenir se poster ici, en attente de ses ordres.
Tu méprises les éphémères, fait une petite voix accusatrice à l’intérieur de sa tête. Pas tous, proteste-il aussitôt. Il y a Jamy. Lui, je ne l’ai jamais méprisé.
Non, ricane la petite voix intérieure. Tu t’es contenté de le supplicier.
- Fais-moi du café, ordonne-t-il sèchement à Jean, tout en se dirigeant vers le salon.
Je ne les méprise pas, songe-t-il. Ce sont des zombies, des outils, et on ne méprise pas un outil. Seuls les malades mentaux s’en prennent aux outils. Voici encore un concept particulier aux éphémères : la maladie mentale. Etre hors norme. Le troupeau n’aime pas la différence.
Il s’installe sur le canapé usagé qui fait face à la baie vitrée.
Il voit les deux garçons qui discutent de l’autre côté de la rue, et Joël qui les observe sans vraiment s’intéresser à eux, tout en fumant une cigarette.
Que fais-je ici ? se demande-il subitement en regardant Hélène, zombie modèle en attente sur le fauteuil bon marché et de mauvais goût. Pour garder foi en l’avenir, se dit-il aussitôt. Voilà pourquoi il se trouve dans cette banlieue peuplée d’éphémères, comme il en grouille tellement sur cette planète qui leur a échappé. Ce n’est plus qu’un troupeau livré à lui-même, infesté par un parasite contre lequel les survivants ne savent pas lutter.
Il soupire.
Les survivants ? Trop peu nombreux, divisés, traumatisés, ignorants et paumés, incapables de faire face. Seuls lui et Rhon se sont montrés soucieux de réagir, avec la volonté de remonter la pente.
Où sont-ils ? Kaël leur en veut. Il n’a réussi qu’à en débusquer une petite vingtaine. Tous isolés, inertes… Mais les autres ?
Ils auraient dû venir à lui, reprendre contact.
Ils ne l’ont pas fait.
Il lève la tête et contemple le couple qui attend docilement. Il y a une tasse de café devant lui.
- J’étais venu te chercher comme prévu, dit-il à Hélène, afin que tu portes un futur prince sorcier en toi. Faut-il changer mes plans ? ajoute-il en désignant l’autre côté de la rue.
Les deux adolescents, ignorant l’attention dont ils sont l’objet, discutent. Ça semble mal se passer. L’un d’entre eux est debout. Subitement, il traverse la rue en courant.
- Qui sont-ils ? demande Kaël.
- Celui qui arrive est notre fils, répond Jean d’une voix sans intonation. L’autre, c’est Bambi, son ami.
- Bambi, sourit Kaël. Ça lui va comme un gant. Je veux en savoir plus sur lui. Rapidement.
Il secoue la tête d’un air navré.
- Seuls les éphémères sont pressés. Ils comptent les jours. Moi, je ne sais pas profiter du temps qui passe. C’est votre privilège et je vous l’envie. Vos existences sont si courtes, si… éphémères. Il est normal que vous comptiez les jours, ceux qui séparent votre naissance de votre mort.
Il laisse échapper un nouveau soupir.
- Plus tard, dit-il encore. Attendons votre fils.
Lucas passe devant Joël. Il les rejoindra dans peu de temps. Quelques brèves secondes. Le temps pour lui de penser une nouvelle fois au passé. Son véritable passé, celui qu’il cherche à occulter parce qu’il brouille l’avenir, et même le présent, parce qu’il est juste nostalgie. Celui d’une époque où le monde était simple, celui où il n’était qu’un berger avec une existence qui avait un sens : veiller sur le troupeau des éphémères, ces créatures si mystérieuses, si belles, si volatiles, qui traversent leur existence le temps d’un battement de cils.
Les questions qu’il se posait à l’époque ne comptaient pas. Elles auraient leurs réponses en temps voulu, lorsqu’il ira à Ath’ Land et que les anciens lui enseigneront tout ce qu’il a à savoir afin qu’il devienne l’un d’eux.
Le paradis, se dit Kaël. Pas celui des éphémères : le nôtre.
Il n’y avait pas de choix à faire, pas de combat à mener. Juste un devoir à remplir, avec les droits qui s’y rattachent.
Le monde était simple. Aucun point d’interrogation. Si différent de la vie dans laquelle il se débat aujourd’hui. Le monde de l’enfance.
Nous sommes toujours des enfants, se dit-il. Des gardiens. Nous le resterons jusqu’au bout. Nous ne deviendrons jamais des anciens. On nous a volé notre destin. C’est ce qui nous terrifie et nous désespère. Nous sommes comme ce personnage : Peter Pan.
Prisonnier de l’enfance.
Il entend la porte qui s’ouvre et devine le jeune éphémère qui s’introduit dans la maison. Il l’ignore encore, mais il vient de s’introduire dans la vie de Kaël. Durablement. Juste parce qu’il connaît le garçon assis sur un muret, cette menace, ce reflet venu d’un lointain passé. Cette beauté insolente et fugitive qui a fait craquer Zhio, qui l’a fait craquer, qui fera craquer n’importe quel prince sorcier, prisonnier de sa semi-immortalité.
Cette innocence impitoyable à laquelle aucun des siens ne peut résister, y compris lui, Kaël. Irradiante, rayonnante, faisant vaciller chacune de ses certitudes. Lui rappelant quelque chose qu’il aime à oublier : sa jalousie était double.
Il enviait le regard que portait Zhio sur Jamy. Ça le rendait furieux, fou de jalousie… Mais le regard que portait Jamy sur Zhio lui était tout aussi intolérable.
C’est ce qui fait qu’il est seul désormais, face à lui-même.
- Le passé, chuchote-il sans que ses hôtes y réagissent.
Il respire profondément tout en regardant entrer le garçon en survêtement bleu. Il est debout, poings serrés, et contemple Kaël avec un mélange de crainte et de colère.
Le prince sorcier a un petit rire sans joie. Il pense à Zhio et laisse échapper, malgré lui :
- Mon frère…