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French › Anime
Rating:
Adult ++
Chapters:
4
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1,256
Reviews:
7
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Category:
French › Anime
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Disclaimer:
I do not own the anime/manga that this fanfiction is written for, nor any of the characters from it. I do not make any money from the writing of this story.
Part 1: Spiritual 2/4
Auteur : Sailor Mac
Traductrice : Saturne
Disclaimer : Hikaru no Go n’appartient ni à l’auteur de cette fanfic, ni à moi. L’histoire et à Sailor Mac. La traduction est à moi.
Rating : M ! Yaoi explicite à venir dans les prochains chapitres.
NdT : Bon diou ils sont longs ces chapitres. Enfin, faut que je me dise que ça me fera progresser en anglais… Les cours ont repris à la fac et ouille ouille ouille c’est dur… Ne vous attendez pas à ce que je traduise vite ou régulièrement lol. Mais les reviews ça me secoue toujours, continuez !
RAW :
Uld Ases : Merci pour les compliments sur ma traduction ! ^^ Ca me flâtte. Voilà la suite !
Hisokaren : Sache que c’est ta review qui m’a donné l’envie de traduire mes deux dernières pages qui prenaient la poussière ! Non, je n’abandonne jamais une traduction, j’aime trop traduire pour ça. Combien de chapitres ? Eh bien, beaucoup, lol ! Plus d’une vingtaine si mes souvenirs sont bons… Et ils sont tous très longs…
Attention ! Cette histoire contient des relations homosexuelles explicites ! Vous êtes prévenus ! Je ne veux voir personne se plaindre.
Si ça ne vous plaît pas, appuyez sur la jolie croix en haut à droite, ou allez voir sur le site de Disneyland si j’y suis.
Bonne lecture !
Et n’oubliez pas : reviews = traduction plus rapide.
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PARTIE UNE : SPIRITUEL (2/4)
Akira acheva le dernier de ses devoirs et ferma son traitement de texte. Il se frictionna les tempes . . . il commençait à avoir l’un de ces mal de crâne qui lui arrivaient de temps en temps.
Il était inutile d’en demander la raison. Entre le rêve de la nuit dernière et la dispute avec Shindou, c’était un miracle que sa tête ne soit pas sur le point d’éclater.
Il avait une séance de cours particulier dans quelques minutes. Cette distraction était la bienvenue. Tout ce qu’il voulait, c’était penser à n’importe quoi d’autre.
*Ca n’avait rien de différent de n’importe laquelle des autres disputes que nous avons eues,* pensa-t-il, en éteignant son ordinateur et en se dirigeant vers la penderie pour prendre un manteau. *C’est normal maintenant, vraiment . . . on se crie dessus, on rentre à la maison et on se calme pendant quelques heures, puis les choses reviennent à la normale.*
Mais il ne se sentait pas du tout plus calme. La colère et l’agacement bouillonnaient constamment en lui, comme une marmite laissée sur le feu.
Il alla dans la salle de séjour, en silence. Sa mère était dans la cuisine, faisant un gâteau. Son père était dans la pièce de Go, comme il y était si souvent, en train d’étudier des kifu.
Il n’avait envie de parler à aucun d’eux deux à ce moment. Il lança seulement \"Je sors un moment,\" ferma la porte derrière lui et sortit dans le soir qui tombait, l’obscurité commençant tout juste à vraiment s’installer alors qu’une mince ligne de soleil était encore visible à l’horizon.
Alors qu’il commençait à marcher, une image se mit à emplir sa tête, une image qu’il avait vue dans son esprit tellement tout au long de la journée . . . la silhouette en costume de Heian.
*Est-ce pour cette raison que la dispute me dérange plus que d’habitude?* songea-t-il. *Parce que je suis encore perturbé par ce rêve?*
* * *
Hikaru croisa les bras sur la table et posa sa tête dessus, sa tasse de chocolat chaud restant négligée près de son coude. La lumière terne du café n’arrangeait pas du tout son moral.
De l’autre côté, Waya mangeait en recueillant avec sa cuillère la mousse au sommet d’une énorme tasse de chai (NdT : une sorte de café, je crois.. j’ai vaguement vérifié sur internet), laissant retomber la cuillère dans la tasse pour en reprendre encore, en discutant à propos du 3ème dan contre lequel il avait joué cet après-midi.
\". . . et ça commençait à vraiment à m’agacer. Je veux dire, j’ai l’habitude des gars qui jouent avec leurs éventails pendant les parties, ou qui se tournent les pouces quand ils réfléchissent, ou qui font des bruits . . . mais le gars se tirait les cheveux *sans arrêt*.\"
A côté de lui, Isumi ajoutait un peu de cannelle à son capuccino. \"Tu es sûr qu’il ne le faisait pas exprès?\"
\"Nan, j’ai vu des gens faire des trucs juste pour m’embrouiller.\" Waya leva la grosse tasse et prit une longue gorgée, puis essuya la moustache mousseuse. \"Ils le font, et puis ils arrêtent, et puis ils le font à nouveau. Ce gars . . . il ne s’est pas arrêté du tout. Hé, t’avais pas joué avec lui toi aussi, Shindou?\"
Seul le silence lui répondit de l’autre bout de la table.
\"Hé!\" dit Waya, claquant sa tasse sur la table. \"Qu’est-ce qui ne va pas? T’as été silencieux toute la soirée!\"
Hikaru soupira, se redressant droit sur sa chaise. \"Touya,\" dit-il.
Waya et Isumi échangèrent des regards entendus. C’était un nom qu’ils avaient beaucoup trop entendu durant leur amitié avec Hikaru. Il disait toujours qu’il était le rival de Touya . . . qu’il devait rattraper Touya . . . et puis, plus tard, il avait une autre dispute avec Touya . . .
\"Shindou,\" demanda Waya, \"pourquoi tu traînes avec ce connard?\"
Hikaru lâcha un autre soupir. Il savait que Waya n’aimait pas Akira . . . mais pour une raison inconnue, l’entendre décrire leur camarade pro de \"connard\" le contrariait. Ce qui déconcerta énormément Hikaru, car n’était-il pas en train de faire la gueule à cause de leur dispute?
\"Vous passez plus de temps à vous engueuler qu’autre chose,\" ajouta Isumi. \"Et ce n’est pas comme si tu manquais de gens avec qui jouer.\"
\"Oui, mais . . .\" Comment pourrait-il mettre ça en mots? Qu’il sentait qu’il *devait* jouer contre Touya? Que lui et Touya étaient *faits* pour jouer ensemble? Qu’ils s’attiraient et se repoussaient simultanément l’un et l’autre comme des aimants? Très souvent, il ne comprenait pas tout à fait lui-même ces sentiments.
\"Je ne sais pas,\" dit Hikaru, et ce n’était pas complètement un mensonge.
\"Ecoute, pourquoi ne sortirais-tu pas avec nous la prochaine fois que tu as un après-midi de libre, au lieu d’aller là-bas?\" proposa Waya, recueillant à nouveau la mousse qui restait au fond de la tasse. \"Ca fait longtemps que nous n’avons pas joué en équipe dans des salons.\"
\"C’est parce que quand nous avions l’habitude de faire ça, ça finissait toujours par vous deux allant manger dans un endroit cher, et moi qui payais!\" objecta Isumi.
\"C’est arrivé une fois!\" rétorqua Waya, avant de prendre une autre gorgée de sa tasse. \"Au restaurant de sushi sur tapis roulant.\"
\"Et au restaurant de ramen. Et au restaurant d’okonomiyaki.\"
\"Hé, c’est *moi* qui ai payé quand on est allés là-bas!\"
Hikaru tira sa tasse vers lui et remua la surface avec une cuillère, baissant les yeux pour l’observer comme s’il espérait voir parmi les ridules du liquide les réponses qu’il cherchait.
*Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à cesser d’être bouleversé par ce qui est arrivé?* songeait-t-il. *On s’est crié dessus comme ça avant, et alors le jour suivant on revient seulement au salon de Go et les choses reviennent à la normale . . . pourquoi rien ne me semble normal maintenant?*
* * *
Akira s’endormit presque aussitôt qu’il fut allongé sur son futon.
Sa dernière pensée fut, *Peut-être que cette nuit je peux avoir un joli sommeil reposant, et que j’aurai les idées plus claires sur tout ça le matin.*
Mais alors, il y eut à nouveau ce sentiment de chute, et la réalité quotidienne s’effaça, remplacée par de la brume tourbillonnante, qui l’entourait, tournoyant autour de lui comme une petite tornade.
Il voulait qu’elle parte . . et en même temps, il voulait qu’elle reste, pour qu’il puisse trouver les réponses au rêve précédent. Mais aucune réponse ne venait, juste le sifflement du vent alors que la vapeur bougeait de plus en plus vite.
Puis, il y eut un choc alors que ses pieds heurtaient quelque chose, et tout d’un coup toute la brume avait disparu.
Il cligna des yeux et regarda aux alentours. Il se trouvait dans le vestibule d’une sorte de genre de grand édifice, semblait-il.
Lentement, il commença à marcher. Autour de lui, des statues de dieux et d’anciens empereurs semblaient le suivre des yeux. Des domestiques passaient à la hâte, sans bruit, leurs longues étoffes bruissant autour de leurs chevilles alors qu’ils portaient des cruches d’eau ou transportaient des messages à leur seigneur ou de leur seigneur.
Quelque chose guidait ses pas, lui disant seulement sans paroles où aller. Oui, c’était juste là dehors, tout ce qu’il aurait à faire était de tourner à gauche et il serait dans la cour, juste à l’extérieur des portes du palais.
Devant lui, deux hommes agenouillés devant un Goban. Un, qui semblait seulement quelques années plus âgé que Akira lui-même, était habillé dans le costume impérial. L’autre était vêtu de blanc, avec un grand chapeau noir, ses longs, longs cheveux s’écoulant le long de son dos . . .
Akira eut un sursaut. C’était *lui*. La silhouette de l’autre rêve. Ca ne pouvait être que lui . . . il y avait en lui ce même air familier . . .
\"Qui êtes-vous?\" lança-t-il à l’homme. \"Pourquoi suis-je ici?\"
Mais aucune silhouette ne lui prêta attention. Ils étaient penchés sur leur partie, absorbés par leurs pierres.
Akira fronça les sourcils. Il se pencha en avant et mit une main sur le bord du goban . . . oui, il pouvait le toucher, il avait une consistance, sa main ne passait pas à travers.
Mais il ne projetait aucune ombre sur le goban, et il savait qu’il était en travers de la lumière directe du soleil.
*Suis-je un fantôme ici?* songea-t-il. *Ou peut-être qu’ils m’ignorent juste exprès, pour pouvoir se concentrer sur la partie? Non, ce n’est pas ça . . . si quelqu’un venait gêner au milieu d’une partie que je jouais, je le chasserais.*
Ses yeux suivirent les motifs des pierres . . . tous deux étaient des joueurs très forts, ça ne faisait aucun doute. Et le style de jeu était définitivement ancien. Ca lui rappelait . . .
Soudain, son coeur manqua un battement. Ses yeux parcoururent les pierres encore et encore, il n’en croyait pas ses yeux.
Cette partie était identique à la toute première partie qu’il avait jouée avec Shindou.
L’homme en blanc, celui qu’il avait vu avant, jouait noir, comme Shindou l’avait fait. Mêmes mouvements, même ordre . . .
\"Pourquoi me montrez-vous ça?\" cria Akira tout haut. Mais c’était inutile, ses mots résonnèrent au loin dans un vide infini.
Il tendit la main vers l’homme en blanc, espérant pouvoir le toucher, attirer son attention, le forcer à répondre à ses questions.
Il y eut un grand bruit de bourdonnement, et Akira voulut le combattre, y résister, le faire partir . . . il *fallait* qu’il obtienne ses réponses . . .
Il s’assit brusquement droit sur son futon, haletant, son réveil toujours en train de bêler. Il tendit une main tremblante vers lui pour l’éteindre.
Akira se courba en avant, sa tête entre ses mains. *Pourquoi?* se demandait-il. *Pourquoi cette partie? Pourquoi encore cette personne . . . pourquoi ai-je la sensation que je devrais la *connaître* . . .*
Il vit à nouveau dans son esprit la silhouette vêtue d’étoffes, plaçant les pierres . . . remplacée par une image de Shindou Hikaru, 12 ans, plaçant les pierres avec hésitations pour former les mêmes motifs. Encore et encore, l’image se répétait.
*Oh, dieux,* pensa-t-il. *La personne dans le rêve . . . elle me semblait si familière parce que . . . parce qu’elle avait clairement un air de *Shindou* en elle. Mais pourquoi?*
A nouveau, il commença à se demander s’il revivait une vie antérieure, si lui et Shindou avaient eu affaire l’un à l’autre il y avait des siècles. Etait-ce pour cette raison qu’ils étaient tellement attirés l’un par l’autre, et que leur rivalité était si intense?
*Je ne peux pas faire ça,* pensa-t-il. *J’ai une partie aujourd’hui. Je dois me concentrer.*
Il se leva, encore tremblant, et roula son futon aussi vite que possible, le fourrant férocement dans l’armoire, comme s’il pouvait enfermer les rêves avec lui.
* * *
Alors que Akira se dirigeait vers les portes de l’Institut de Go, il vit une personne qui lui était familière le dépasser – un homme au début de sa trentaine, avec des cheveux sombres légèrement ondulés et un visage doux et amical. C’était Ashiwara, le plus jeune des pros dans le groupe d’étude de son père.
\"Oh, Akira-kun!\" dit-il. \"Je n’avais pas réalisé que tu jouais aujourd’hui.\"
\"Bonjour,\" dit Akira, s’inclinant poliment. \"Oui . . . Je joue contre Fujisaka le troisième dan.\"
\"Ca ne te posera aucun problème. Il est l’un de ces joueurs qui n’est à peine un pro. Il a passé l’exam pro de justesse, avec juste assez de victoires pour pouvoir progresser dans le classement, lentement . . .\"
\"Oui, et la plupart de ses parties ont été gagnées seulement par quelques moku,\" dit Akira. \"J’ai l’ai étudié.\"
\"Vas-y doucement pour cette partie, et garde ta force pour les parties de la Ligue Honinbou. Ca promet d’être intéressant, maintenant que Shindou est concerné.\"
Akira détourna le regard. Shindou . . . A nouveau, il vit le motif des pierres du rêve, recouvrant ce quoi cela avait ressemblé dans la vraie vie.
\"Je sais que ça le sera,\" dit-il calmement.
L’ancien pro s’adossa contre la grille, considérant pensivement Akira. \"Tu as toujours eu peur de lui, n’est-ce pas?\"
La tête d’Akira se releva brusquement comme si elle avait été au bout d’un élastique qui aurait été étiré puis relâché. *La peur,* songea Akira. *La peur d’être rattrapé . . . est-ce ce qui a amené ces rêves? Mais je ne vais pas le laisser me rattraper! Et même si j’avais peur . . . pourquoi les rêves se présenteraient-ils ainsi?*
A haute voix, il dit, \"Il est mon rival . . . mais je ne le laisserai pas me devancer.\"
\"Et je te connais,\" répondit l’autre homme. \"Tu ne le laisseras pas. Tu as cette détermination . .. plus que quiconque que j’aie jamais vu. Eh bien, je vais courir casser la croûte . . . et ensuite je reviendrai pour donner des leçons. A plus tard!\"
Akira entra dans l’ascenseur, appuya sur le bouton de l’étage du tournoi. Il prit une profonde inspiration, se concentrant, se préparant pour ce qui l’attendait.
Alors qu’il changeait ses chaussures, il entendit une conversation entre d’autres joueurs devant le tableau des classements.
\"Touya? C’est sûr qu’il va l’écraser.\"
\"Je ne m’attends pas à ce que la partie dure une heure.\"
\"Pourquoi cet enfant joue-t-il encore contre les dans inférieurs de toute façon? On penserait qu’il devrait jouer contre Ogata depuis le temps . . .\"
Il rejeta sa tête en arrière, ses longs cheveux s’écoulant hors de son visage. Il ne jouait pas contre les dans supérieurs parce qu’il n’était encore lui-même qu’un 4ème dan, bien qu’il soit dans la Ligue Honinbou. Il respectait le système d’avancement, qui avait été en place depuis des siècles . . .
A nouveau, lui vint à l’esprit l’image d’une silhouette vêtu d’étoffes anciennes, posant les pierres en formant exactement les mêmes motifs que Shindou l’avait fait.
*Non,* pensa Akira. *Je ne peux pas penser à ça maintenant. Je ne peux rien laisser gêner ma partie . . . parce que si je fais ça, Shindou *va* me rattraper.*
Il se dirigea vers la salle de jeu, la tête haute.
* * *
Ashiwara s’assit dans le salon des joueurs, buvant lentement son café. Il jeta un œil à sa montre . . . il avait encore quarante-cinq minutes avant d’aller enseigner. Comme beaucoup de joueurs, il se trouvait attiré par l’Institut de Go même quand il n’avait pas de partie ou un cours directement – c’était leur lieu de travail, leur club, leur chez-soi hors du chez-soi.
Pour certains d’entre eux, *c’était* leur vrai chez-soi, et ils ne faisaient à peine que dormir dans leurs maisons et appartements. A ce niveau, Go n’était plus un simple jeu. C’était la vie elle-même.
Personne ne comprenait mieux cela que Touya Akira, qui avait grandi en ne connaissant rien d’autre que le jeu. Ashiwara avait été l’un des joueurs privilégiés qui avaient vu grandir le garçon, qui de petite chose assise sur les genoux de son père devant le damier était devenu le génie adolescent dont tout le monde prédisait déjà qu’il deviendrait l’un des plus jeunes détenteurs de titre majeur dans l’histoire.
Un groupe de jeunes insei passa devant la pièce, discutant bruyamment et riant. L’un des garçons avait un paquet ouvert de Pocky (NdT : une marque de gâteaux ?), et un autre garçon n’arrêtait pas d’essayer d’en piquer les bâtonnets couverts de chocolat.
*Akira n’a jamais été comme ça,* songea le pro. *Il n’a jamais vraiment été un *enfant*. Depuis le moment où il sut marcher, il était soit à l’école, soit jouait au Go ou fréquentait des joueurs de Go plus âgés.*
Ce n’était pas la première fois qu’il se demandait si le garçon n’avait pas payé trop cher pour ses dons. Il n’avait jamais semblé être avec les gens de son âge. Ses chances de trouver l’amitié, ou l’amour, étaient très minces.
Ashiwara en avait discuté avec Ogata – qui avait observé Akira tout au long de sa vie de plus près que quiconque autre que son père – plus d’une fois. Il n’avait pas semblé inquiet.
\"Akira vit pour son jeu,\" avait dit Ogata. \"Il n’a besoin de rien d’autre.\"
\"Vraiment?\" dit Ashiwara.
\"Est-ce que tu le vois malheureux?\"
Ashiwara réfléchit un moment. \"Pas malheureux, mais . . . il semble parfois chercher quelque chose qu’il ne peut trouver.\"
\"Comme nous tous,\" répondit Ogata. \"Nous cherchons tous le Coup Divin.\"
Il médita les paroles de Ogata. Le Coup Divin . . . le mouvement parfait . . . c’était en effet quelque chose qu’ils poursuivaient, quelque chose que tous les joueurs de Go avaient poursuivi depuis l’invention du jeu il y a des siècles.
Akira semblait plus proche que quiconque d’atteindre cet idéal. Parfois son esprit semblait être un satellite capable de capter les pensées de l’adversaire et accéder aux archives d’un nombre incalculable de parties jouées dans un nombre incalculable d’années d’un coup. Chaque mouvement était exécuté avec une confiance absolue, aucune hésitation.
Non, ce qu’il recherchait ne concernait pas le Go. Ca semblait être quelque chose de plus terre-à-terre.
Le cours des pensées d’Ashiwara fut interrompu lorsque entra dans la pièce une femme avec une lourde coiffure blonde à l’ange, avec la carrure robuste d’une athlète et un tailleur gris comme l’acier qui ne semblait pas tout à fait lui aller. Elle était un visage familier par ici -- Shirakuro Ryoko, pro et l’une des favorites pour le titre Honinbou des femmes cette année.
\"Eh bien, ça n’a pas pris longtemps,\" dit-elle, s’asseyant en face de Ashiwara et sortant un paquet de cigarettes de son sac à main. \"Le type avait la gueule de bois – ça se voyait. Il aurait aussi bien pu avoir lancé les pierres sur le damier comme pour le jeu de la puce.\" Elle en alluma une et prit une profonde bouffée.
\"Laissez-moi deviner -- Ukiya?\" Il avala la dernière gorgée de son café.
Shirakuro souffla un long flot de fumée grise vers le plafond. \"Vous aussi vous avez joué contre lui, hein? La seule personne qui était aussi facile à battre que lui était Fujisaka. Mais . . . je pense qu’il s’est soudain amélioré.\"
Fujisaka? Mais il était en train de jouer contre . . . Ashiwara fronça les sourcils. \"Que voulez-vous dire?\"
\"Je veux dire que Touya Akira, lui-même, reste à peine devant lui en ce moment. J’ai jeté un coup d’œil à la partie avant de partir. On aurait dit que c’était la partie de n’importe qui.\"
Ashiwara se leva soudain, lançant sa tasse vers la poubelle. \"Veuillez m’excuser . . . \" Il se précipita vers la salle de jeu. Ce n’était pas possible qu’elle ait raison . . . n’est-ce pas? Akira, se faisant battre par quelqu’un comme Fujisaka?
Il se glissa en silence dans la pièce. Plusieurs rangées de têtes étaient penchées sur des damiers. L’air était empli de sons de pierres frappant le bois, et de quelques autres occasionnels éternuement ou reniflement.
Il sut immédiatement quel damier était le bon. C’était celui autour duquel était rassemblé un petit groupe de personnes, qui semblaient ne pas en croire leurs yeux.
Ashiwara approcha du damier et baissa les yeux pour regarder. La partie était en yose. Akira était noir. Et il était impossible de dire qui avait l’avantage.
Les yeux de l’ancien pro parcoururent le damier. Ce n’était *pas* le Touya Akira qu’il connaissait. Les motifs étaient hasardeux, bâclés, comme si quelque chose détournait en permanence son attention. Il n’y avait pas le moindre signe des attaques minutieusement calculées qui d’ordinaire étaient le point fort de Akira.
La partie s’acheva. Le réarrangement et le comptage des pierres commença. Ashiwara regarda le visage de Akira, pour essayer d’y lire un quelconque signe de trouble, mais c’était un masque dénué d’expression.
Il entendit quelqu’un près de lui dire, \"Touya gagne . . . d’un moku et demi.\"
Un moku et demi! Face à un adversaire qu’il aurait dû démolir . . .
Soudain, les pensées de tout à l’heure de Ashiwara lui revinrent en tête. Se pourrait-il que le manque d’enfance de Akira soit finalement en train de le rattraper? Etait-il en train de se consumer?
Akira s’inclina face à son adversaire, et dit \"Merci pour la partie,\" et se leva pour marquer sa victoire. Ashiwara le suivit, se demandant s’il devait faire face à son jeune ami.
Il n’en eut pas le temps. Akira se tourna rapidement et s’échappa de la pièce. Ashiwara commença à le suivre . . . et puis il comprit que Akira ne lui parlerait pas même s’il le rattrapait.
* * *
Dans l’ascenseur, Akira cogna le mur de frustration, puis posa son front sur son avant-bras.
La partie était un désastre. Un désastre complet. A chaque fois qu’il essayait de se concentrer, son esprit ramenait ces mêmes images, encore et encore . . . l’homme en ancien costume . . . les motifs de sa première partie contre Hikaru . . .
Il savait que les gens qui avaient regardé se demandaient probablement en ce moment \"Qu’est-ce qu’il lui arrive, à Touya?\". Et lui-même n’en savait pas même la réponse.
L’ascenseur arriva au niveau de la rue. Il s’éloigna rapidement, peu désireux de croiser quelqu’un de sa connaissance.
*Il faut que je parle à Shindou,* pensa-t-il. *Il le faut . . .*
Il atteignit la station de métro et dévala les escaliers. En bas, il frôla en passant un jeune couple, sans même réaliser qu’il les poussait hors du passage. Ils lui jetèrent un regard furieux. Il ne s’en rendit pas compte.
Quand le métro arriva et qu’il y monta, il réalisa que parler à Shindou serait ridicule. Comment Shindou pourrait-il seulement savoir pour ses rêves? Ce n’est pas comme s’il les lui avait transmis!
Mais Akira ne pouvait toujours pas se débarrasser de ce sentiment qu’il y avait une sorte de *lien* entre Shindou et la silhouette du rêve. L’incarnation antérieure de Shindou? Mais même si c’était le cas, il n’en serait pas conscient. Et pourquoi *lui* rêverait-il de la vie antérieure de *Shindou*?
Il se pencha en avant, sa tête entre ses mains. Il ne s’était pas senti si désarçonné, si précipité dans un tourbillon en vrille depuis ces premières parties contre Shindou, qui lui semblaient remonter à une éternité.
*Pourquoi toujours lui?* songea-t-il. *Pourquoi tout ce qui me fait ça a un rapport avec Shindou?*
Mais il n’était pas plus proche de la réponse qu’il ne l’avait toujours été depuis ses 12 ans.
* * *
Hikaru se trouvait devant son goban, une photocopie d’un ancien kifu posée sur le sol à côté de lui. Il l’étudia pendant un moment, puis entreprit de retirer les pierres hors des deux gokes devant lui, en posant quelques unes, puis s’arrêtant pour examiner et contempler les motifs.
C’était une partie de Shuusaku. Il n’en avait pas recréé depuis longtemps . . . mais cette nuit il en avait besoin. Lorsqu’il était troublé, ça l’aidait toujours à avoir un souvenir palpable de Sai.
Il s’était senti troublé depuis cette dispute avec Touya. Et il ne pouvait pas tout à fait comprendre pourquoi. Ce n’était pas comme si les disputes entre eux sortaient de l’ordinaire.
Ses yeux s’égarèrent hors du goban pour se poser sur son téléphone portable, posé juste à droite de celui-ci. Quelque chose en lui voulait prendre ce téléphone et former une combinaison rapide de chiffres familiers.
*Non,* pensa-t-il. *Si Touya veut me parler . . . alors laissons-le venir à moi.*
Il recommença à poser des pierres. D’habitude il ne recréait pas des parties juste après avoir joué, et il revenait tout juste d’une partie contre Isumi chez Waya.
Mais cette partie lui avait fait l’effet d’être tellement . . . peu satisfaisante.
*Waya et Isumi sont de supers joueurs,* songea Hikaru, *mais c’est juste qu’ils ne me défient pas comme Touya. Rien n’est comme jouer avec lui.*
Ce n’était qu’avec Touya qu’il y avait cette sensation que l’adversaire essayait de sonder son cerveau, de deviner ses motifs en pensées avant que Hikaru lui-même ne les connaisse. Et Touya était le seul adversaire dont Hikaru essayait de sonder le cerveau.
\"Sai,\" dit-il tout haut, \"Je me suis senti si vide quand tu m’as laissé . . . comme si je ne serais jamais complet à nouveau. Mais lorsque Touya et moi avons commencé à jouer ensemble, j’ai pensé que tout était à nouveau bien . . .\"
Il acheva cette pensée silencieusement. Et maintenant que lui et Touya ne se voyaient plus, il se sentait à nouveau vide.
Ils étaient censés avoir leur partie habituelle au salon de Go le jour suivant. Hikaru se demanda s’il viendrait encore. *Laissons-le m’appeler s’il veut que je vienne,* pensa-t-il.
Il regarda le téléphone portable à nouveau, comme s’il voulait le voir sonner. Il ne sonna pas.
Il prit une profonde inspiration, et se remit à recréer la partie.
* * *
Akira avait eu peur de s’endormir.
Il fit tous les mouvements pour se préparer à aller au lit comme d’habitude, et s’allongea sur son futon . . . mais il ne voulait pas que ses yeux se ferment.
Il ne voulait pas être tiré dans cette brume à nouveau, être arraché à la réalité qu’il connaissait, être déposé dans un autre temps, dans un autre endroit qui le hanterait et bouleverserait sa vie.
Mais la fatigue finit par vaincre. Ses membres étaient comme du plomb, ses paupières encore plus lourdes. Il essaya de se forcer à les garder ouvertes, mais en vain.
Et alors, il était en train de dériver au travers de nuages de vapeur à nouveau. Il fit un geste du bras comme s’il pouvait les bannir, mais ils tourbillonnèrent de plus en plus vite autour de lui, comme pour le railler, pour lui dire qu’il ne pouvait combattre ce qui arrivait.
Ses pieds heurtèrent le sol, et alors il se trouvait à nouveau à marcher le long du couloir du même palais.
Il savait où aller, comme si quelqu’un le lui murmurait dans son oreille. Il tourna à gauche, et il se trouvait dans la même cour où il avait été avant.
Il y avait le même goban, avec les deux mêmes joueurs penchés dessus. Akira sentit son coeur se serrer. C’était le même rêve qui se répétait encore.
Puis, il réalisa que la partie actuelle était différente.
Il s’approcha du damier et se pencha au-dessus, toujours sans projeter d’ombre. Les deux joueurs ne le remarquèrent pas, ne rompirent pas leur concentration.
Ses yeux suivirent les motifs des pierres, et il se recula, le souffle coupé.
C’était la *seconde* partie qu’il avait jouée contre Shindou. Celle qui s’était vite achevée de manière impitoyable.
\"Pourquoi?\" cria-t-il tout haut. \"Pourquoi continuez-vous de me montrer . . .\"
Soudain, il sentit le sol faire une embardée, et les nuages de brume se mirent à se rassembler autour de lui à nouveau. La scène devant lui se dissipa dans un tourbillon de couleurs, de grandes rayures de rose et bleu et blanc et noir tourbillonnant tout autour de lui comme une tornade.
Le tourbillon s’arrêta, les nuages s’éloignèrent. Il regardait la cour à nouveau, mais de plus loin. Le goban était toujours là, et la personne qu’il avait vue encore et encore y était toujours assise . . . mais il y avait une personne différente assise en face de lui, un homme aux traits rudes avec des yeux fuyants au-dessus de sa moustache tombante. Ils étaient entourés par un groupe d’autres hommes, tous avec les hauts chapeaux et les étoffes de cette période, tous regardant attentivement le damier, y compris un en costume impérial agenouillé devant et au centre du groupe.
Il n’y avait pas d’autre son que le *pachi* des pierres. Akira s’avança plus près, absorbé par l’envie de voir le damier, se demandant si cette fois, il verrait se troisième partie contre Shindou, celle où son rival avait joué si incroyablement mal.
A la place, il vit quelque chose de bien plus dérangeant.
L’homme aux yeux fuyants glissa sa main dans le goke pendant que son adversaire était concentré sur le damier, en sortit deux pierres et les glissa sous la manche de son vêtement.
Akira regarda frénétiquement aux alentours . . . sûrement que quelqu’un devait avoir vu cet homme faire ça? Mais nul ne cilla.
\"Hé!\" cria-t-il tout haut. \"Cet homme est un tricheur! Aucun de vous n’a vu ça? Hé!\"
Silence. Et ça continua d’être silencieux alors que les hommes se mirent à compter leurs pierres à la fin de la partie (NdT : Il me semblait que dans le manga, l’homme trichait au milieu de la partie, et que bouleversé, Sai n’arrivait pas à se concentrer pour le reste de la partie, et perdait. Mais bon, moi je me contente de traduire, hein..). Il semblait que même avec la tricherie, celui qui avait hanté Akira allait gagner.
Et alors, son adversaire se leva, le pointa du doigt, et hurla, \"Il a triché!\"
L’autre eut l’air bouleversé. \"Non . . . non, je n’ai pas triché! C’est lui qui . . .\"
\"Menteur! Il m’accuse juste pour se couvrir!\"
L’homme regarda l’empereur, les yeux suppliants. \"Votre majesté, vous savez que je ne ferais jamais. . .\"
L’empereur se leva. \"Otaka-sama est dans cette cour depuis plusieurs années. Je considère que sa parole est la plus digne de confiance.\"
\"Mais sire, vous savez que je . . .\"
\"Je sais seulement que vous êtes un joueur de Go, et que vous êtes doué . . . bien qu’il semble que vous comptez sur des méthodes douteuses pour gagner. Je ne peux avoir ça dans cette cour.\"
L’homme des autres rêves de Akira se leva, marcha vers l’empereur et se jeta à genoux. \"Mon seigneur, je vous supplie de . . .\"
\"Il n’y aura aucune supplication! Je n’aurai pas de professeur de Go malhonnête à ma cour! Fujiwara no Sai, vous êtes banni!\"
Le nom frappa Akira dans les tripes comme un boulet de canon. *Sai*. Le Sai sur Internet, qui avait battu son père juste avant qu’il ne se retire . . . le Sai qu’il avait soupçonné d’être Shindou, qu’il avait cru voir dans le Go de Shindou.
L’homme nommé Sai courrait hors de la cour à présent, sanglotant. Akira se rua après lui, en hurlant, \"SAI! Il faut que je te parle! Qui es-tu? Pourquoi je n’arrête pas de te voir? SAI!!!\"
Et alors les nuages de brume revenaient vers lui. Akira essaya de les chasser avec frénésie – comment allait-il trouver Sai? – mais ils venaient plus épais et plus rapides, jusqu’à ce qu’ils obscurcissent sa vision et semblent le presser physiquement.
Lorsqu’ils se dégagèrent, Akira était dans une autre partie des frontières du palais, entouré de verdure. *Ce doit être les jardins du fond,* songea-t-il.
Un coup d’œil à la position du soleil dans le ciel lui fit comprendre que c’était le matin. Avant ça avait été tard dans l’après-midi. Visiblement, Akira avait été amené dans un autre jour.
*Mais où est Sai?* pensa-t-il. Il commençait à se sentir plus énervé de ne pas être capable d’attraper Sai que quoique soit d’autre qui soit arrivé dans ces rêves – s’il pouvait attraper Sai, s’il pouvait lui parler, il aurait la réponse aux mystères qui l’avaient tourmenté pendant des années.
*Peut-être,* pensa-t-il, *si Sai est au contrôle, il m’a amené ici pour me parler. Il est peut-être dans une autre partie du jardin.*
Il se mit à marcher, puis courir à travers la verdure arrangée avec soin, dépassa des arrangements de sable et de pierre, jusqu’à ce qu’il arrive à une rivière . . .
Fujiwara no Sai y flottait, sans vie.
Akira se contenta de rester sur la berge, le coeur battant, son souffle se faisant saccadé. Il s’était suicidé . . . il ne pouvait supporter l’idée de ne plus jouer au Go à la cour, et il s’était suicidé . . .
\"NON!\" cria-t-il \"Tu dois encore me dire . . .\"
Il y eut un bruyant bourdonnement, et les yeux de Akira s’ouvrirent brusquement.
Il tendit le bras et claqua le bouton off de son réveil, puis s’assit, tremblant.
Sai. La silhouette dans ses rêves était *Sai* . . . mais comment pourrait-ce être le même Sai d’Internet, s’il avait vécu et était mort il y avait des centaines d’années? Et pourquoi jouait-il toutes les parties qu’il avait jouées contre Hikaru?
A nouveau, il se rappela la première fois que lui et Hikaru avaient joué l’un contre l’autre en tant que pros, comment il avait soudain eut le sentiment de voir *une autre personne* dans le Go de Hikaru, comment il avait reconnu les mouvements comme étant typiques de *Sai* . . .
Se pouvait-il que la signification des rêves était que Hikaru avait vraiment été Sai depuis le début? Mais alors, pourquoi toutes ces images anciennes?
Hikaru était-il une réincarnation de ce Sai? Son ancien lui-même se matérialisait-il parfois dans sa conscience pendant qu’il jouait?
Il se frictionna les tempes. Sa tête recommençait à lui faire mal.
Ca allait être une autre horrible journée.
* * *
Hikaru s’avança dans l’ascenseur familier du salon de Go Touya, se demandant pourquoi il était là au juste. *Il ne va peut-être même pas prendre la peine de venir*, songea-t-il.
Les portes s’ouvrirent, et il sortit. Ichikawa semblait un peu nerveuse alors qu’elle lui jeta un regard. \"Oh, bonjour . . . Akira-kun est au fond . . . il n’a pas dit un mot quand il est entré aujourd’hui.\"
\"Rien?\" dit Hikaru, embrassant la pièce du regard pour repérer son rival.
Elle saisit un torchon et entreprit d’essuyer méthodiquement le comptoir devant elle. \"Il a été silencieux ces quelques derniers jours, depuis la dernière fois que tu étais là.\" Ses yeux semblaient ombragés d’inquiétude.
*Vraiment?* pensa Hikaru. *Notre dispute a-t-elle eu un si grand effet sur lui?* Mais il savait que lui-même n’avait pas été aussi énergique que d’habitude depuis, non plus.
\"Est-il venu par là chaque . . .\"
\"Shindou!\"
Hikaru leva les yeux. Akira se tenait face à lui, ses yeux brûlant comme des braises, ses mains serrées le long de son corps. Il semblait sur le point de jouer dans un tournoi majeur, pas une partie de routine.
\"Touya?\" Hikaru se sentit soudain mal à l’aise. Il avait été le destinataire des regards fixes les plus vils de Akira en mode jeu plus de fois qu’il ne pourrait le compter, mais il y avait quelque chose de différent cette fois . . . comme ces yeux qui essayaient de perforer son crâne et lire son esprit.
\"Jouons. Maintenant.\"
Akira fit volte-face en tournant les talons, ses cheveux se déployant autour de sa tête, et marcha majestueusement à grands pas vers le fond de la salle, comme un léopard sur la trace d’une proie. Hikaru le suivit, un peu penaud.
Il pouvait sentir les yeux des autres joueurs percer son dos, et entendre leurs chuchotements. Visiblement, ils étaient tous conscients que ce n’était pas seulement une autre partie Shindou/Touya.
Il s’assit face au damier, saisit un goke et retira le couvercle. \"Touya, Ichikawa vient de dire que tu as . . .\"
Son rival claqua l’autre bol sur le goban avec un bruit sourd, arracha le couvercle et dit, \"Nigiri. Maintenant.\"
Hikaru déglutit avec difficulté alors qu’il atteignit le goke. Lui et Akira avaient toujours échangé quelques mots avant de jouer, quelles que soient les circonstances. Ce n’était tout simplement pas . . . normal. Il pouvait entendre un autre bourdonnement de murmures derrière lui . . . l’attention de tout le monde dans le salon semblait maintenant concentrée sur eux deux.
Il sortit deux pierres noires et les laissa tomber sur le damier. Akira déposa une poignée de blanches, puis entreprit de les compter. Etait-ce l’imagination de Hikaru, ou les mains de l’autre garçon tremblaient, juste un peu?
\"Je suis noir,\" dit Hikaru, calmement.
Il s’inclinèrent et dirent \"Bonne partie,\" et la partie commença. Hikaru posa sa première pierre et regarda Akira avancer la main vers le goke pour y répondre . . . ce n’était pas son imagination, ses mains tremblaient *vraiment*. En fait, il tremblait des pieds à la tête.
Hikaru pensa au jour du tournoi des lycées, la partie que Sai avait commencée et il avait insisté pour la reprendre, quand Akira avait été si empli d’agitation nerveuse à la perspective de jouer à nouveau contre Sai qu’il en avait fait tomber le couvercle du goke et avait à peine réussi à le ramasser.
*Il est exactement pareil maintenant*, pensa-t-il. *Mais pourquoi? On joue ensemble tout le temps . . . et il sait comment *moi* je joue, différemment de Sai . . .*
Il progressèrent rapidement à travers la partie fuseki du jeu, comme toujours, mais . . . quelque chose semblait toujours clocher. *Concentre-toi sur la partie elle-même*, pensa-t-il, *ne pense pas trop à Akira, ou à ce qu’il lui arrive . . .*
Mais c’était dur. Ichikawa avait paru sincèrement inquiète, et ils attiraient encore beaucoup une attention désagréable de la part des autres clients – ils étaient retournés à leurs propres parties, mais ils continuaient de leur jeter des coups d’œil. Et Hikaru commençait à comprendre pourquoi.
Et il ne prêtait qu’à moitié attention à ce qu’il faisait, laissant son instinct prendre le relais de la partie. Akira jouait plus vite que jamais, et son processus de décision ne semblait pas embrouillé, mais . . il y avait cette impression que quelque chose *n’allait pas* . . .
Hikaru avança la main pour saisir sa pierre suivante, la déposa sur le damier . . . et réalisa soudain ce qu’il venait de faire. Le motif qu’il venait juste de former . . .
Kosumi. Ancien style de Go. Et tout ce à quoi il pouvait penser était Sai . . .
Akira cligna des yeux en voyant le motif. Il semblait se contenter de le fixer, son visage si pâle que sa peau semblait translucide, le souffle coupé dans sa gorge.
\"Touya?\" dit Hikaru, en se penchant au-dessus du damier. \"Touya? Tu vas bien?\"
Akira restait immobile, ses yeux fixés sur les pierres, et son tremblement s’accéléra.
Puis, soudain, il claqua ses deux mains sur le goban avec une force qui fit sauter toutes les pierres, et hurla, \"Que sais-tu à propos un certain Fujiwara no Sai?\"
Chaque tête dans la salle se tourna. Les conversations et le tintement des pierres s’arrêtèrent.
Hikaru se sentait comme s’il était suspendu hors du temps et de l’espace, quelque part dans un cauchemar.
Avait-il bien entendu . . . pas juste Sai, mais *Fujiwara no Sai*? Comment Touya pourrait-il savoir ça? Il avait promis au garçon il y a quelques temps qu’il lui dirait son secret, mais c’était une promesse qu’il n’avait pas tenue.
*Oh, dieux,* pensa-t-il, la panique qui s’élevait rapidement lui serrant la gorge, *qu’est-ce que je fais maintenant? Je ne peux pas nier savoir à propos de Sai, il ne me croira jamais quand je lui dirai la vérité si je la lui dis.*
Prenant une profonde respiration, il dit, \"Pourquoi demanderais-tu quelque chose comme ça?\"
Akira se raffaissa dans son siège, semblant s’effondrer comme un jouet gonflable ayant une rapide fuite d’air. \"Je l’ai entendu dans un rêve,\" dit-il d’une voix calme et sourde.
L’air fut empli d’un bourdonnement de chuchotements alors que les autres joueurs attachaient à nouveau leur attention complète sur eux deux. Le cœur de Hikaru se mit à cogner dans sa poitrine. Il avait entendu le nom entier de Sai dans un rêve? Est-ce que cela signifiait que . . . Sai avait été dans son rêve? Sai était-il à nouveau actif dans ce monde? Revenait-il?
Un flot d’émotion emplissait Hikaru à la perspective de rentrer à la maison, d’ouvrir la porte et de voir Sai assis là au goban dans sa chambre, cette vision qu’il avait tellement désiré ardemment voir dans ces jours et semaines affreuses qui avaient suivis sa disparition.
*Mais,* pensa-t-il, *pourquoi Sai apparaît-il dans le rêve de Touya, et pas dans les miens? Je n’ai pas rêvé de lui depuis la nuit après ma première partie contre Touya.*
Akira restait affaissé sur son siège, baissant les yeux et fixant le sol.
\"J’ai eu ces rêves,\" dit-il, calmement. \"Chaque nuit. Depuis que tu as réussi la Ligue. Un homme . . . grand, avec des cheveux très longs, dans des étoffes et un grand chapeau . . . il jouait au Go. Les mêmes parties que j’ai jouées avec toi.\"
Maintenant Hikaru agrippait les bords du goban, d’excitation. C’*était* Sai! Il en était sûr maintenant! Il se demanda si Akira pouvait voir la pure joie qui s’élevait dans son coeur et se reflétait sur son visage.
\"Il me rappelait quelqu’un,\" continua Akira, sans bouger. \"Il y avait en lui un air . . . Au début je ne pouvais pas poser le doigt dessus, mais quand j’ai vu ces parties, j’ai su ce que c’était. Cet homme me rappelait *toi*.\" Il leva les yeux, lentement. \"Mais . . . tout le temps, je ne pense pas avoir jamais su qui *tu* es.\"
Hikaru se renversa dans sa propre chaise. Maintenant c’était *lui* qui tremblait d’émotion. *Il faut que je me reprenne *, pensa-t-il. *Je dois lui en parler, en savoir plus sur la manière dont Sai l’a contacté.*
\"Touya,\" dit-il, \"Allons autre part. Je peux expliquer . . .\"
Mais Akira continuait de parler. \"Tout à propos de toi, depuis le jour où nous nous sommes rencontrés, a été un mystère que je ne peux pas comprendre. Quand on s’est rencontrés la première fois . . . pourquoi as-tu joué comme un génie alors que tu ne savais même pas tenir les pierres correctement? A ce tournoi . . . pourquoi as-tu commencé brillamment, et ensuite fait des mouvements atroces et bâclés?\"
Hikaru se contenta de rester assis, enraciné au siège, réduit au silence.
Akira leva le yeux vers lui, lentement, commençant à se redresser de toute sa hauteur sur sa chaise, sa voix montant en volume et haussant le ton tout en se redressant. \"Pourquoi il y a-t-il toujours cette impression qu’il y a une *autre personne* en toi? Quel était ce *secret* que tu as dit que tu me dirais, mais que tu ne m’as jamais dit?\" Il sauta sur ses pieds, cognant à nouveau sur le goban. \"Qui ES-tu, en fin de compte?\"
Maintenant la salle, qui s’était plongée dans un silence total, éclata en conversations frénétiques, un fouillis de voix, comme des gens qui assisteraient à un désastre et ne pourraient pas croire que qu’ils voyaient. Un homme dit, \"Akira-kun a perdu?\"
L’homme en uniforme de garçon de café approche de Akira, essayant de poser une main réconfortante sur son épaule. Akira fit un brusque mouvement de bras pour l’écarter, lui jetant un regard noir qui fit bien vite reculer l’homme.
Hikaru ne savait pas s’il devait pleurer, crier en réponse, ou commencer à lui jeter des pierres. Ses cordes vocales étaient comme paralysées, il était incapable de répondre.
Akira resta debout, les poings serrés, la respiration lourde, les yeux brûlants. Hikaru ressentit réellement un éclair de terreur, en se demandant si l’autre garçon allait faire quelque chose d’étrange, quelque chose de violent, quelque chose qui ne lui ressemblait pas.
Alors, il fit volte-face. \"Je ne peux pas continuer cette partie,\" dit-il, se ruant vers la sortie. Ishikawa l’appela quand il la dépassa, mais il l’ignora.
A SUIVRE…
Traductrice : Saturne
Disclaimer : Hikaru no Go n’appartient ni à l’auteur de cette fanfic, ni à moi. L’histoire et à Sailor Mac. La traduction est à moi.
Rating : M ! Yaoi explicite à venir dans les prochains chapitres.
NdT : Bon diou ils sont longs ces chapitres. Enfin, faut que je me dise que ça me fera progresser en anglais… Les cours ont repris à la fac et ouille ouille ouille c’est dur… Ne vous attendez pas à ce que je traduise vite ou régulièrement lol. Mais les reviews ça me secoue toujours, continuez !
RAW :
Uld Ases : Merci pour les compliments sur ma traduction ! ^^ Ca me flâtte. Voilà la suite !
Hisokaren : Sache que c’est ta review qui m’a donné l’envie de traduire mes deux dernières pages qui prenaient la poussière ! Non, je n’abandonne jamais une traduction, j’aime trop traduire pour ça. Combien de chapitres ? Eh bien, beaucoup, lol ! Plus d’une vingtaine si mes souvenirs sont bons… Et ils sont tous très longs…
Attention ! Cette histoire contient des relations homosexuelles explicites ! Vous êtes prévenus ! Je ne veux voir personne se plaindre.
Si ça ne vous plaît pas, appuyez sur la jolie croix en haut à droite, ou allez voir sur le site de Disneyland si j’y suis.
Bonne lecture !
Et n’oubliez pas : reviews = traduction plus rapide.
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PARTIE UNE : SPIRITUEL (2/4)
Akira acheva le dernier de ses devoirs et ferma son traitement de texte. Il se frictionna les tempes . . . il commençait à avoir l’un de ces mal de crâne qui lui arrivaient de temps en temps.
Il était inutile d’en demander la raison. Entre le rêve de la nuit dernière et la dispute avec Shindou, c’était un miracle que sa tête ne soit pas sur le point d’éclater.
Il avait une séance de cours particulier dans quelques minutes. Cette distraction était la bienvenue. Tout ce qu’il voulait, c’était penser à n’importe quoi d’autre.
*Ca n’avait rien de différent de n’importe laquelle des autres disputes que nous avons eues,* pensa-t-il, en éteignant son ordinateur et en se dirigeant vers la penderie pour prendre un manteau. *C’est normal maintenant, vraiment . . . on se crie dessus, on rentre à la maison et on se calme pendant quelques heures, puis les choses reviennent à la normale.*
Mais il ne se sentait pas du tout plus calme. La colère et l’agacement bouillonnaient constamment en lui, comme une marmite laissée sur le feu.
Il alla dans la salle de séjour, en silence. Sa mère était dans la cuisine, faisant un gâteau. Son père était dans la pièce de Go, comme il y était si souvent, en train d’étudier des kifu.
Il n’avait envie de parler à aucun d’eux deux à ce moment. Il lança seulement \"Je sors un moment,\" ferma la porte derrière lui et sortit dans le soir qui tombait, l’obscurité commençant tout juste à vraiment s’installer alors qu’une mince ligne de soleil était encore visible à l’horizon.
Alors qu’il commençait à marcher, une image se mit à emplir sa tête, une image qu’il avait vue dans son esprit tellement tout au long de la journée . . . la silhouette en costume de Heian.
*Est-ce pour cette raison que la dispute me dérange plus que d’habitude?* songea-t-il. *Parce que je suis encore perturbé par ce rêve?*
* * *
Hikaru croisa les bras sur la table et posa sa tête dessus, sa tasse de chocolat chaud restant négligée près de son coude. La lumière terne du café n’arrangeait pas du tout son moral.
De l’autre côté, Waya mangeait en recueillant avec sa cuillère la mousse au sommet d’une énorme tasse de chai (NdT : une sorte de café, je crois.. j’ai vaguement vérifié sur internet), laissant retomber la cuillère dans la tasse pour en reprendre encore, en discutant à propos du 3ème dan contre lequel il avait joué cet après-midi.
\". . . et ça commençait à vraiment à m’agacer. Je veux dire, j’ai l’habitude des gars qui jouent avec leurs éventails pendant les parties, ou qui se tournent les pouces quand ils réfléchissent, ou qui font des bruits . . . mais le gars se tirait les cheveux *sans arrêt*.\"
A côté de lui, Isumi ajoutait un peu de cannelle à son capuccino. \"Tu es sûr qu’il ne le faisait pas exprès?\"
\"Nan, j’ai vu des gens faire des trucs juste pour m’embrouiller.\" Waya leva la grosse tasse et prit une longue gorgée, puis essuya la moustache mousseuse. \"Ils le font, et puis ils arrêtent, et puis ils le font à nouveau. Ce gars . . . il ne s’est pas arrêté du tout. Hé, t’avais pas joué avec lui toi aussi, Shindou?\"
Seul le silence lui répondit de l’autre bout de la table.
\"Hé!\" dit Waya, claquant sa tasse sur la table. \"Qu’est-ce qui ne va pas? T’as été silencieux toute la soirée!\"
Hikaru soupira, se redressant droit sur sa chaise. \"Touya,\" dit-il.
Waya et Isumi échangèrent des regards entendus. C’était un nom qu’ils avaient beaucoup trop entendu durant leur amitié avec Hikaru. Il disait toujours qu’il était le rival de Touya . . . qu’il devait rattraper Touya . . . et puis, plus tard, il avait une autre dispute avec Touya . . .
\"Shindou,\" demanda Waya, \"pourquoi tu traînes avec ce connard?\"
Hikaru lâcha un autre soupir. Il savait que Waya n’aimait pas Akira . . . mais pour une raison inconnue, l’entendre décrire leur camarade pro de \"connard\" le contrariait. Ce qui déconcerta énormément Hikaru, car n’était-il pas en train de faire la gueule à cause de leur dispute?
\"Vous passez plus de temps à vous engueuler qu’autre chose,\" ajouta Isumi. \"Et ce n’est pas comme si tu manquais de gens avec qui jouer.\"
\"Oui, mais . . .\" Comment pourrait-il mettre ça en mots? Qu’il sentait qu’il *devait* jouer contre Touya? Que lui et Touya étaient *faits* pour jouer ensemble? Qu’ils s’attiraient et se repoussaient simultanément l’un et l’autre comme des aimants? Très souvent, il ne comprenait pas tout à fait lui-même ces sentiments.
\"Je ne sais pas,\" dit Hikaru, et ce n’était pas complètement un mensonge.
\"Ecoute, pourquoi ne sortirais-tu pas avec nous la prochaine fois que tu as un après-midi de libre, au lieu d’aller là-bas?\" proposa Waya, recueillant à nouveau la mousse qui restait au fond de la tasse. \"Ca fait longtemps que nous n’avons pas joué en équipe dans des salons.\"
\"C’est parce que quand nous avions l’habitude de faire ça, ça finissait toujours par vous deux allant manger dans un endroit cher, et moi qui payais!\" objecta Isumi.
\"C’est arrivé une fois!\" rétorqua Waya, avant de prendre une autre gorgée de sa tasse. \"Au restaurant de sushi sur tapis roulant.\"
\"Et au restaurant de ramen. Et au restaurant d’okonomiyaki.\"
\"Hé, c’est *moi* qui ai payé quand on est allés là-bas!\"
Hikaru tira sa tasse vers lui et remua la surface avec une cuillère, baissant les yeux pour l’observer comme s’il espérait voir parmi les ridules du liquide les réponses qu’il cherchait.
*Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à cesser d’être bouleversé par ce qui est arrivé?* songeait-t-il. *On s’est crié dessus comme ça avant, et alors le jour suivant on revient seulement au salon de Go et les choses reviennent à la normale . . . pourquoi rien ne me semble normal maintenant?*
* * *
Akira s’endormit presque aussitôt qu’il fut allongé sur son futon.
Sa dernière pensée fut, *Peut-être que cette nuit je peux avoir un joli sommeil reposant, et que j’aurai les idées plus claires sur tout ça le matin.*
Mais alors, il y eut à nouveau ce sentiment de chute, et la réalité quotidienne s’effaça, remplacée par de la brume tourbillonnante, qui l’entourait, tournoyant autour de lui comme une petite tornade.
Il voulait qu’elle parte . . et en même temps, il voulait qu’elle reste, pour qu’il puisse trouver les réponses au rêve précédent. Mais aucune réponse ne venait, juste le sifflement du vent alors que la vapeur bougeait de plus en plus vite.
Puis, il y eut un choc alors que ses pieds heurtaient quelque chose, et tout d’un coup toute la brume avait disparu.
Il cligna des yeux et regarda aux alentours. Il se trouvait dans le vestibule d’une sorte de genre de grand édifice, semblait-il.
Lentement, il commença à marcher. Autour de lui, des statues de dieux et d’anciens empereurs semblaient le suivre des yeux. Des domestiques passaient à la hâte, sans bruit, leurs longues étoffes bruissant autour de leurs chevilles alors qu’ils portaient des cruches d’eau ou transportaient des messages à leur seigneur ou de leur seigneur.
Quelque chose guidait ses pas, lui disant seulement sans paroles où aller. Oui, c’était juste là dehors, tout ce qu’il aurait à faire était de tourner à gauche et il serait dans la cour, juste à l’extérieur des portes du palais.
Devant lui, deux hommes agenouillés devant un Goban. Un, qui semblait seulement quelques années plus âgé que Akira lui-même, était habillé dans le costume impérial. L’autre était vêtu de blanc, avec un grand chapeau noir, ses longs, longs cheveux s’écoulant le long de son dos . . .
Akira eut un sursaut. C’était *lui*. La silhouette de l’autre rêve. Ca ne pouvait être que lui . . . il y avait en lui ce même air familier . . .
\"Qui êtes-vous?\" lança-t-il à l’homme. \"Pourquoi suis-je ici?\"
Mais aucune silhouette ne lui prêta attention. Ils étaient penchés sur leur partie, absorbés par leurs pierres.
Akira fronça les sourcils. Il se pencha en avant et mit une main sur le bord du goban . . . oui, il pouvait le toucher, il avait une consistance, sa main ne passait pas à travers.
Mais il ne projetait aucune ombre sur le goban, et il savait qu’il était en travers de la lumière directe du soleil.
*Suis-je un fantôme ici?* songea-t-il. *Ou peut-être qu’ils m’ignorent juste exprès, pour pouvoir se concentrer sur la partie? Non, ce n’est pas ça . . . si quelqu’un venait gêner au milieu d’une partie que je jouais, je le chasserais.*
Ses yeux suivirent les motifs des pierres . . . tous deux étaient des joueurs très forts, ça ne faisait aucun doute. Et le style de jeu était définitivement ancien. Ca lui rappelait . . .
Soudain, son coeur manqua un battement. Ses yeux parcoururent les pierres encore et encore, il n’en croyait pas ses yeux.
Cette partie était identique à la toute première partie qu’il avait jouée avec Shindou.
L’homme en blanc, celui qu’il avait vu avant, jouait noir, comme Shindou l’avait fait. Mêmes mouvements, même ordre . . .
\"Pourquoi me montrez-vous ça?\" cria Akira tout haut. Mais c’était inutile, ses mots résonnèrent au loin dans un vide infini.
Il tendit la main vers l’homme en blanc, espérant pouvoir le toucher, attirer son attention, le forcer à répondre à ses questions.
Il y eut un grand bruit de bourdonnement, et Akira voulut le combattre, y résister, le faire partir . . . il *fallait* qu’il obtienne ses réponses . . .
Il s’assit brusquement droit sur son futon, haletant, son réveil toujours en train de bêler. Il tendit une main tremblante vers lui pour l’éteindre.
Akira se courba en avant, sa tête entre ses mains. *Pourquoi?* se demandait-il. *Pourquoi cette partie? Pourquoi encore cette personne . . . pourquoi ai-je la sensation que je devrais la *connaître* . . .*
Il vit à nouveau dans son esprit la silhouette vêtue d’étoffes, plaçant les pierres . . . remplacée par une image de Shindou Hikaru, 12 ans, plaçant les pierres avec hésitations pour former les mêmes motifs. Encore et encore, l’image se répétait.
*Oh, dieux,* pensa-t-il. *La personne dans le rêve . . . elle me semblait si familière parce que . . . parce qu’elle avait clairement un air de *Shindou* en elle. Mais pourquoi?*
A nouveau, il commença à se demander s’il revivait une vie antérieure, si lui et Shindou avaient eu affaire l’un à l’autre il y avait des siècles. Etait-ce pour cette raison qu’ils étaient tellement attirés l’un par l’autre, et que leur rivalité était si intense?
*Je ne peux pas faire ça,* pensa-t-il. *J’ai une partie aujourd’hui. Je dois me concentrer.*
Il se leva, encore tremblant, et roula son futon aussi vite que possible, le fourrant férocement dans l’armoire, comme s’il pouvait enfermer les rêves avec lui.
* * *
Alors que Akira se dirigeait vers les portes de l’Institut de Go, il vit une personne qui lui était familière le dépasser – un homme au début de sa trentaine, avec des cheveux sombres légèrement ondulés et un visage doux et amical. C’était Ashiwara, le plus jeune des pros dans le groupe d’étude de son père.
\"Oh, Akira-kun!\" dit-il. \"Je n’avais pas réalisé que tu jouais aujourd’hui.\"
\"Bonjour,\" dit Akira, s’inclinant poliment. \"Oui . . . Je joue contre Fujisaka le troisième dan.\"
\"Ca ne te posera aucun problème. Il est l’un de ces joueurs qui n’est à peine un pro. Il a passé l’exam pro de justesse, avec juste assez de victoires pour pouvoir progresser dans le classement, lentement . . .\"
\"Oui, et la plupart de ses parties ont été gagnées seulement par quelques moku,\" dit Akira. \"J’ai l’ai étudié.\"
\"Vas-y doucement pour cette partie, et garde ta force pour les parties de la Ligue Honinbou. Ca promet d’être intéressant, maintenant que Shindou est concerné.\"
Akira détourna le regard. Shindou . . . A nouveau, il vit le motif des pierres du rêve, recouvrant ce quoi cela avait ressemblé dans la vraie vie.
\"Je sais que ça le sera,\" dit-il calmement.
L’ancien pro s’adossa contre la grille, considérant pensivement Akira. \"Tu as toujours eu peur de lui, n’est-ce pas?\"
La tête d’Akira se releva brusquement comme si elle avait été au bout d’un élastique qui aurait été étiré puis relâché. *La peur,* songea Akira. *La peur d’être rattrapé . . . est-ce ce qui a amené ces rêves? Mais je ne vais pas le laisser me rattraper! Et même si j’avais peur . . . pourquoi les rêves se présenteraient-ils ainsi?*
A haute voix, il dit, \"Il est mon rival . . . mais je ne le laisserai pas me devancer.\"
\"Et je te connais,\" répondit l’autre homme. \"Tu ne le laisseras pas. Tu as cette détermination . .. plus que quiconque que j’aie jamais vu. Eh bien, je vais courir casser la croûte . . . et ensuite je reviendrai pour donner des leçons. A plus tard!\"
Akira entra dans l’ascenseur, appuya sur le bouton de l’étage du tournoi. Il prit une profonde inspiration, se concentrant, se préparant pour ce qui l’attendait.
Alors qu’il changeait ses chaussures, il entendit une conversation entre d’autres joueurs devant le tableau des classements.
\"Touya? C’est sûr qu’il va l’écraser.\"
\"Je ne m’attends pas à ce que la partie dure une heure.\"
\"Pourquoi cet enfant joue-t-il encore contre les dans inférieurs de toute façon? On penserait qu’il devrait jouer contre Ogata depuis le temps . . .\"
Il rejeta sa tête en arrière, ses longs cheveux s’écoulant hors de son visage. Il ne jouait pas contre les dans supérieurs parce qu’il n’était encore lui-même qu’un 4ème dan, bien qu’il soit dans la Ligue Honinbou. Il respectait le système d’avancement, qui avait été en place depuis des siècles . . .
A nouveau, lui vint à l’esprit l’image d’une silhouette vêtu d’étoffes anciennes, posant les pierres en formant exactement les mêmes motifs que Shindou l’avait fait.
*Non,* pensa Akira. *Je ne peux pas penser à ça maintenant. Je ne peux rien laisser gêner ma partie . . . parce que si je fais ça, Shindou *va* me rattraper.*
Il se dirigea vers la salle de jeu, la tête haute.
* * *
Ashiwara s’assit dans le salon des joueurs, buvant lentement son café. Il jeta un œil à sa montre . . . il avait encore quarante-cinq minutes avant d’aller enseigner. Comme beaucoup de joueurs, il se trouvait attiré par l’Institut de Go même quand il n’avait pas de partie ou un cours directement – c’était leur lieu de travail, leur club, leur chez-soi hors du chez-soi.
Pour certains d’entre eux, *c’était* leur vrai chez-soi, et ils ne faisaient à peine que dormir dans leurs maisons et appartements. A ce niveau, Go n’était plus un simple jeu. C’était la vie elle-même.
Personne ne comprenait mieux cela que Touya Akira, qui avait grandi en ne connaissant rien d’autre que le jeu. Ashiwara avait été l’un des joueurs privilégiés qui avaient vu grandir le garçon, qui de petite chose assise sur les genoux de son père devant le damier était devenu le génie adolescent dont tout le monde prédisait déjà qu’il deviendrait l’un des plus jeunes détenteurs de titre majeur dans l’histoire.
Un groupe de jeunes insei passa devant la pièce, discutant bruyamment et riant. L’un des garçons avait un paquet ouvert de Pocky (NdT : une marque de gâteaux ?), et un autre garçon n’arrêtait pas d’essayer d’en piquer les bâtonnets couverts de chocolat.
*Akira n’a jamais été comme ça,* songea le pro. *Il n’a jamais vraiment été un *enfant*. Depuis le moment où il sut marcher, il était soit à l’école, soit jouait au Go ou fréquentait des joueurs de Go plus âgés.*
Ce n’était pas la première fois qu’il se demandait si le garçon n’avait pas payé trop cher pour ses dons. Il n’avait jamais semblé être avec les gens de son âge. Ses chances de trouver l’amitié, ou l’amour, étaient très minces.
Ashiwara en avait discuté avec Ogata – qui avait observé Akira tout au long de sa vie de plus près que quiconque autre que son père – plus d’une fois. Il n’avait pas semblé inquiet.
\"Akira vit pour son jeu,\" avait dit Ogata. \"Il n’a besoin de rien d’autre.\"
\"Vraiment?\" dit Ashiwara.
\"Est-ce que tu le vois malheureux?\"
Ashiwara réfléchit un moment. \"Pas malheureux, mais . . . il semble parfois chercher quelque chose qu’il ne peut trouver.\"
\"Comme nous tous,\" répondit Ogata. \"Nous cherchons tous le Coup Divin.\"
Il médita les paroles de Ogata. Le Coup Divin . . . le mouvement parfait . . . c’était en effet quelque chose qu’ils poursuivaient, quelque chose que tous les joueurs de Go avaient poursuivi depuis l’invention du jeu il y a des siècles.
Akira semblait plus proche que quiconque d’atteindre cet idéal. Parfois son esprit semblait être un satellite capable de capter les pensées de l’adversaire et accéder aux archives d’un nombre incalculable de parties jouées dans un nombre incalculable d’années d’un coup. Chaque mouvement était exécuté avec une confiance absolue, aucune hésitation.
Non, ce qu’il recherchait ne concernait pas le Go. Ca semblait être quelque chose de plus terre-à-terre.
Le cours des pensées d’Ashiwara fut interrompu lorsque entra dans la pièce une femme avec une lourde coiffure blonde à l’ange, avec la carrure robuste d’une athlète et un tailleur gris comme l’acier qui ne semblait pas tout à fait lui aller. Elle était un visage familier par ici -- Shirakuro Ryoko, pro et l’une des favorites pour le titre Honinbou des femmes cette année.
\"Eh bien, ça n’a pas pris longtemps,\" dit-elle, s’asseyant en face de Ashiwara et sortant un paquet de cigarettes de son sac à main. \"Le type avait la gueule de bois – ça se voyait. Il aurait aussi bien pu avoir lancé les pierres sur le damier comme pour le jeu de la puce.\" Elle en alluma une et prit une profonde bouffée.
\"Laissez-moi deviner -- Ukiya?\" Il avala la dernière gorgée de son café.
Shirakuro souffla un long flot de fumée grise vers le plafond. \"Vous aussi vous avez joué contre lui, hein? La seule personne qui était aussi facile à battre que lui était Fujisaka. Mais . . . je pense qu’il s’est soudain amélioré.\"
Fujisaka? Mais il était en train de jouer contre . . . Ashiwara fronça les sourcils. \"Que voulez-vous dire?\"
\"Je veux dire que Touya Akira, lui-même, reste à peine devant lui en ce moment. J’ai jeté un coup d’œil à la partie avant de partir. On aurait dit que c’était la partie de n’importe qui.\"
Ashiwara se leva soudain, lançant sa tasse vers la poubelle. \"Veuillez m’excuser . . . \" Il se précipita vers la salle de jeu. Ce n’était pas possible qu’elle ait raison . . . n’est-ce pas? Akira, se faisant battre par quelqu’un comme Fujisaka?
Il se glissa en silence dans la pièce. Plusieurs rangées de têtes étaient penchées sur des damiers. L’air était empli de sons de pierres frappant le bois, et de quelques autres occasionnels éternuement ou reniflement.
Il sut immédiatement quel damier était le bon. C’était celui autour duquel était rassemblé un petit groupe de personnes, qui semblaient ne pas en croire leurs yeux.
Ashiwara approcha du damier et baissa les yeux pour regarder. La partie était en yose. Akira était noir. Et il était impossible de dire qui avait l’avantage.
Les yeux de l’ancien pro parcoururent le damier. Ce n’était *pas* le Touya Akira qu’il connaissait. Les motifs étaient hasardeux, bâclés, comme si quelque chose détournait en permanence son attention. Il n’y avait pas le moindre signe des attaques minutieusement calculées qui d’ordinaire étaient le point fort de Akira.
La partie s’acheva. Le réarrangement et le comptage des pierres commença. Ashiwara regarda le visage de Akira, pour essayer d’y lire un quelconque signe de trouble, mais c’était un masque dénué d’expression.
Il entendit quelqu’un près de lui dire, \"Touya gagne . . . d’un moku et demi.\"
Un moku et demi! Face à un adversaire qu’il aurait dû démolir . . .
Soudain, les pensées de tout à l’heure de Ashiwara lui revinrent en tête. Se pourrait-il que le manque d’enfance de Akira soit finalement en train de le rattraper? Etait-il en train de se consumer?
Akira s’inclina face à son adversaire, et dit \"Merci pour la partie,\" et se leva pour marquer sa victoire. Ashiwara le suivit, se demandant s’il devait faire face à son jeune ami.
Il n’en eut pas le temps. Akira se tourna rapidement et s’échappa de la pièce. Ashiwara commença à le suivre . . . et puis il comprit que Akira ne lui parlerait pas même s’il le rattrapait.
* * *
Dans l’ascenseur, Akira cogna le mur de frustration, puis posa son front sur son avant-bras.
La partie était un désastre. Un désastre complet. A chaque fois qu’il essayait de se concentrer, son esprit ramenait ces mêmes images, encore et encore . . . l’homme en ancien costume . . . les motifs de sa première partie contre Hikaru . . .
Il savait que les gens qui avaient regardé se demandaient probablement en ce moment \"Qu’est-ce qu’il lui arrive, à Touya?\". Et lui-même n’en savait pas même la réponse.
L’ascenseur arriva au niveau de la rue. Il s’éloigna rapidement, peu désireux de croiser quelqu’un de sa connaissance.
*Il faut que je parle à Shindou,* pensa-t-il. *Il le faut . . .*
Il atteignit la station de métro et dévala les escaliers. En bas, il frôla en passant un jeune couple, sans même réaliser qu’il les poussait hors du passage. Ils lui jetèrent un regard furieux. Il ne s’en rendit pas compte.
Quand le métro arriva et qu’il y monta, il réalisa que parler à Shindou serait ridicule. Comment Shindou pourrait-il seulement savoir pour ses rêves? Ce n’est pas comme s’il les lui avait transmis!
Mais Akira ne pouvait toujours pas se débarrasser de ce sentiment qu’il y avait une sorte de *lien* entre Shindou et la silhouette du rêve. L’incarnation antérieure de Shindou? Mais même si c’était le cas, il n’en serait pas conscient. Et pourquoi *lui* rêverait-il de la vie antérieure de *Shindou*?
Il se pencha en avant, sa tête entre ses mains. Il ne s’était pas senti si désarçonné, si précipité dans un tourbillon en vrille depuis ces premières parties contre Shindou, qui lui semblaient remonter à une éternité.
*Pourquoi toujours lui?* songea-t-il. *Pourquoi tout ce qui me fait ça a un rapport avec Shindou?*
Mais il n’était pas plus proche de la réponse qu’il ne l’avait toujours été depuis ses 12 ans.
* * *
Hikaru se trouvait devant son goban, une photocopie d’un ancien kifu posée sur le sol à côté de lui. Il l’étudia pendant un moment, puis entreprit de retirer les pierres hors des deux gokes devant lui, en posant quelques unes, puis s’arrêtant pour examiner et contempler les motifs.
C’était une partie de Shuusaku. Il n’en avait pas recréé depuis longtemps . . . mais cette nuit il en avait besoin. Lorsqu’il était troublé, ça l’aidait toujours à avoir un souvenir palpable de Sai.
Il s’était senti troublé depuis cette dispute avec Touya. Et il ne pouvait pas tout à fait comprendre pourquoi. Ce n’était pas comme si les disputes entre eux sortaient de l’ordinaire.
Ses yeux s’égarèrent hors du goban pour se poser sur son téléphone portable, posé juste à droite de celui-ci. Quelque chose en lui voulait prendre ce téléphone et former une combinaison rapide de chiffres familiers.
*Non,* pensa-t-il. *Si Touya veut me parler . . . alors laissons-le venir à moi.*
Il recommença à poser des pierres. D’habitude il ne recréait pas des parties juste après avoir joué, et il revenait tout juste d’une partie contre Isumi chez Waya.
Mais cette partie lui avait fait l’effet d’être tellement . . . peu satisfaisante.
*Waya et Isumi sont de supers joueurs,* songea Hikaru, *mais c’est juste qu’ils ne me défient pas comme Touya. Rien n’est comme jouer avec lui.*
Ce n’était qu’avec Touya qu’il y avait cette sensation que l’adversaire essayait de sonder son cerveau, de deviner ses motifs en pensées avant que Hikaru lui-même ne les connaisse. Et Touya était le seul adversaire dont Hikaru essayait de sonder le cerveau.
\"Sai,\" dit-il tout haut, \"Je me suis senti si vide quand tu m’as laissé . . . comme si je ne serais jamais complet à nouveau. Mais lorsque Touya et moi avons commencé à jouer ensemble, j’ai pensé que tout était à nouveau bien . . .\"
Il acheva cette pensée silencieusement. Et maintenant que lui et Touya ne se voyaient plus, il se sentait à nouveau vide.
Ils étaient censés avoir leur partie habituelle au salon de Go le jour suivant. Hikaru se demanda s’il viendrait encore. *Laissons-le m’appeler s’il veut que je vienne,* pensa-t-il.
Il regarda le téléphone portable à nouveau, comme s’il voulait le voir sonner. Il ne sonna pas.
Il prit une profonde inspiration, et se remit à recréer la partie.
* * *
Akira avait eu peur de s’endormir.
Il fit tous les mouvements pour se préparer à aller au lit comme d’habitude, et s’allongea sur son futon . . . mais il ne voulait pas que ses yeux se ferment.
Il ne voulait pas être tiré dans cette brume à nouveau, être arraché à la réalité qu’il connaissait, être déposé dans un autre temps, dans un autre endroit qui le hanterait et bouleverserait sa vie.
Mais la fatigue finit par vaincre. Ses membres étaient comme du plomb, ses paupières encore plus lourdes. Il essaya de se forcer à les garder ouvertes, mais en vain.
Et alors, il était en train de dériver au travers de nuages de vapeur à nouveau. Il fit un geste du bras comme s’il pouvait les bannir, mais ils tourbillonnèrent de plus en plus vite autour de lui, comme pour le railler, pour lui dire qu’il ne pouvait combattre ce qui arrivait.
Ses pieds heurtèrent le sol, et alors il se trouvait à nouveau à marcher le long du couloir du même palais.
Il savait où aller, comme si quelqu’un le lui murmurait dans son oreille. Il tourna à gauche, et il se trouvait dans la même cour où il avait été avant.
Il y avait le même goban, avec les deux mêmes joueurs penchés dessus. Akira sentit son coeur se serrer. C’était le même rêve qui se répétait encore.
Puis, il réalisa que la partie actuelle était différente.
Il s’approcha du damier et se pencha au-dessus, toujours sans projeter d’ombre. Les deux joueurs ne le remarquèrent pas, ne rompirent pas leur concentration.
Ses yeux suivirent les motifs des pierres, et il se recula, le souffle coupé.
C’était la *seconde* partie qu’il avait jouée contre Shindou. Celle qui s’était vite achevée de manière impitoyable.
\"Pourquoi?\" cria-t-il tout haut. \"Pourquoi continuez-vous de me montrer . . .\"
Soudain, il sentit le sol faire une embardée, et les nuages de brume se mirent à se rassembler autour de lui à nouveau. La scène devant lui se dissipa dans un tourbillon de couleurs, de grandes rayures de rose et bleu et blanc et noir tourbillonnant tout autour de lui comme une tornade.
Le tourbillon s’arrêta, les nuages s’éloignèrent. Il regardait la cour à nouveau, mais de plus loin. Le goban était toujours là, et la personne qu’il avait vue encore et encore y était toujours assise . . . mais il y avait une personne différente assise en face de lui, un homme aux traits rudes avec des yeux fuyants au-dessus de sa moustache tombante. Ils étaient entourés par un groupe d’autres hommes, tous avec les hauts chapeaux et les étoffes de cette période, tous regardant attentivement le damier, y compris un en costume impérial agenouillé devant et au centre du groupe.
Il n’y avait pas d’autre son que le *pachi* des pierres. Akira s’avança plus près, absorbé par l’envie de voir le damier, se demandant si cette fois, il verrait se troisième partie contre Shindou, celle où son rival avait joué si incroyablement mal.
A la place, il vit quelque chose de bien plus dérangeant.
L’homme aux yeux fuyants glissa sa main dans le goke pendant que son adversaire était concentré sur le damier, en sortit deux pierres et les glissa sous la manche de son vêtement.
Akira regarda frénétiquement aux alentours . . . sûrement que quelqu’un devait avoir vu cet homme faire ça? Mais nul ne cilla.
\"Hé!\" cria-t-il tout haut. \"Cet homme est un tricheur! Aucun de vous n’a vu ça? Hé!\"
Silence. Et ça continua d’être silencieux alors que les hommes se mirent à compter leurs pierres à la fin de la partie (NdT : Il me semblait que dans le manga, l’homme trichait au milieu de la partie, et que bouleversé, Sai n’arrivait pas à se concentrer pour le reste de la partie, et perdait. Mais bon, moi je me contente de traduire, hein..). Il semblait que même avec la tricherie, celui qui avait hanté Akira allait gagner.
Et alors, son adversaire se leva, le pointa du doigt, et hurla, \"Il a triché!\"
L’autre eut l’air bouleversé. \"Non . . . non, je n’ai pas triché! C’est lui qui . . .\"
\"Menteur! Il m’accuse juste pour se couvrir!\"
L’homme regarda l’empereur, les yeux suppliants. \"Votre majesté, vous savez que je ne ferais jamais. . .\"
L’empereur se leva. \"Otaka-sama est dans cette cour depuis plusieurs années. Je considère que sa parole est la plus digne de confiance.\"
\"Mais sire, vous savez que je . . .\"
\"Je sais seulement que vous êtes un joueur de Go, et que vous êtes doué . . . bien qu’il semble que vous comptez sur des méthodes douteuses pour gagner. Je ne peux avoir ça dans cette cour.\"
L’homme des autres rêves de Akira se leva, marcha vers l’empereur et se jeta à genoux. \"Mon seigneur, je vous supplie de . . .\"
\"Il n’y aura aucune supplication! Je n’aurai pas de professeur de Go malhonnête à ma cour! Fujiwara no Sai, vous êtes banni!\"
Le nom frappa Akira dans les tripes comme un boulet de canon. *Sai*. Le Sai sur Internet, qui avait battu son père juste avant qu’il ne se retire . . . le Sai qu’il avait soupçonné d’être Shindou, qu’il avait cru voir dans le Go de Shindou.
L’homme nommé Sai courrait hors de la cour à présent, sanglotant. Akira se rua après lui, en hurlant, \"SAI! Il faut que je te parle! Qui es-tu? Pourquoi je n’arrête pas de te voir? SAI!!!\"
Et alors les nuages de brume revenaient vers lui. Akira essaya de les chasser avec frénésie – comment allait-il trouver Sai? – mais ils venaient plus épais et plus rapides, jusqu’à ce qu’ils obscurcissent sa vision et semblent le presser physiquement.
Lorsqu’ils se dégagèrent, Akira était dans une autre partie des frontières du palais, entouré de verdure. *Ce doit être les jardins du fond,* songea-t-il.
Un coup d’œil à la position du soleil dans le ciel lui fit comprendre que c’était le matin. Avant ça avait été tard dans l’après-midi. Visiblement, Akira avait été amené dans un autre jour.
*Mais où est Sai?* pensa-t-il. Il commençait à se sentir plus énervé de ne pas être capable d’attraper Sai que quoique soit d’autre qui soit arrivé dans ces rêves – s’il pouvait attraper Sai, s’il pouvait lui parler, il aurait la réponse aux mystères qui l’avaient tourmenté pendant des années.
*Peut-être,* pensa-t-il, *si Sai est au contrôle, il m’a amené ici pour me parler. Il est peut-être dans une autre partie du jardin.*
Il se mit à marcher, puis courir à travers la verdure arrangée avec soin, dépassa des arrangements de sable et de pierre, jusqu’à ce qu’il arrive à une rivière . . .
Fujiwara no Sai y flottait, sans vie.
Akira se contenta de rester sur la berge, le coeur battant, son souffle se faisant saccadé. Il s’était suicidé . . . il ne pouvait supporter l’idée de ne plus jouer au Go à la cour, et il s’était suicidé . . .
\"NON!\" cria-t-il \"Tu dois encore me dire . . .\"
Il y eut un bruyant bourdonnement, et les yeux de Akira s’ouvrirent brusquement.
Il tendit le bras et claqua le bouton off de son réveil, puis s’assit, tremblant.
Sai. La silhouette dans ses rêves était *Sai* . . . mais comment pourrait-ce être le même Sai d’Internet, s’il avait vécu et était mort il y avait des centaines d’années? Et pourquoi jouait-il toutes les parties qu’il avait jouées contre Hikaru?
A nouveau, il se rappela la première fois que lui et Hikaru avaient joué l’un contre l’autre en tant que pros, comment il avait soudain eut le sentiment de voir *une autre personne* dans le Go de Hikaru, comment il avait reconnu les mouvements comme étant typiques de *Sai* . . .
Se pouvait-il que la signification des rêves était que Hikaru avait vraiment été Sai depuis le début? Mais alors, pourquoi toutes ces images anciennes?
Hikaru était-il une réincarnation de ce Sai? Son ancien lui-même se matérialisait-il parfois dans sa conscience pendant qu’il jouait?
Il se frictionna les tempes. Sa tête recommençait à lui faire mal.
Ca allait être une autre horrible journée.
* * *
Hikaru s’avança dans l’ascenseur familier du salon de Go Touya, se demandant pourquoi il était là au juste. *Il ne va peut-être même pas prendre la peine de venir*, songea-t-il.
Les portes s’ouvrirent, et il sortit. Ichikawa semblait un peu nerveuse alors qu’elle lui jeta un regard. \"Oh, bonjour . . . Akira-kun est au fond . . . il n’a pas dit un mot quand il est entré aujourd’hui.\"
\"Rien?\" dit Hikaru, embrassant la pièce du regard pour repérer son rival.
Elle saisit un torchon et entreprit d’essuyer méthodiquement le comptoir devant elle. \"Il a été silencieux ces quelques derniers jours, depuis la dernière fois que tu étais là.\" Ses yeux semblaient ombragés d’inquiétude.
*Vraiment?* pensa Hikaru. *Notre dispute a-t-elle eu un si grand effet sur lui?* Mais il savait que lui-même n’avait pas été aussi énergique que d’habitude depuis, non plus.
\"Est-il venu par là chaque . . .\"
\"Shindou!\"
Hikaru leva les yeux. Akira se tenait face à lui, ses yeux brûlant comme des braises, ses mains serrées le long de son corps. Il semblait sur le point de jouer dans un tournoi majeur, pas une partie de routine.
\"Touya?\" Hikaru se sentit soudain mal à l’aise. Il avait été le destinataire des regards fixes les plus vils de Akira en mode jeu plus de fois qu’il ne pourrait le compter, mais il y avait quelque chose de différent cette fois . . . comme ces yeux qui essayaient de perforer son crâne et lire son esprit.
\"Jouons. Maintenant.\"
Akira fit volte-face en tournant les talons, ses cheveux se déployant autour de sa tête, et marcha majestueusement à grands pas vers le fond de la salle, comme un léopard sur la trace d’une proie. Hikaru le suivit, un peu penaud.
Il pouvait sentir les yeux des autres joueurs percer son dos, et entendre leurs chuchotements. Visiblement, ils étaient tous conscients que ce n’était pas seulement une autre partie Shindou/Touya.
Il s’assit face au damier, saisit un goke et retira le couvercle. \"Touya, Ichikawa vient de dire que tu as . . .\"
Son rival claqua l’autre bol sur le goban avec un bruit sourd, arracha le couvercle et dit, \"Nigiri. Maintenant.\"
Hikaru déglutit avec difficulté alors qu’il atteignit le goke. Lui et Akira avaient toujours échangé quelques mots avant de jouer, quelles que soient les circonstances. Ce n’était tout simplement pas . . . normal. Il pouvait entendre un autre bourdonnement de murmures derrière lui . . . l’attention de tout le monde dans le salon semblait maintenant concentrée sur eux deux.
Il sortit deux pierres noires et les laissa tomber sur le damier. Akira déposa une poignée de blanches, puis entreprit de les compter. Etait-ce l’imagination de Hikaru, ou les mains de l’autre garçon tremblaient, juste un peu?
\"Je suis noir,\" dit Hikaru, calmement.
Il s’inclinèrent et dirent \"Bonne partie,\" et la partie commença. Hikaru posa sa première pierre et regarda Akira avancer la main vers le goke pour y répondre . . . ce n’était pas son imagination, ses mains tremblaient *vraiment*. En fait, il tremblait des pieds à la tête.
Hikaru pensa au jour du tournoi des lycées, la partie que Sai avait commencée et il avait insisté pour la reprendre, quand Akira avait été si empli d’agitation nerveuse à la perspective de jouer à nouveau contre Sai qu’il en avait fait tomber le couvercle du goke et avait à peine réussi à le ramasser.
*Il est exactement pareil maintenant*, pensa-t-il. *Mais pourquoi? On joue ensemble tout le temps . . . et il sait comment *moi* je joue, différemment de Sai . . .*
Il progressèrent rapidement à travers la partie fuseki du jeu, comme toujours, mais . . . quelque chose semblait toujours clocher. *Concentre-toi sur la partie elle-même*, pensa-t-il, *ne pense pas trop à Akira, ou à ce qu’il lui arrive . . .*
Mais c’était dur. Ichikawa avait paru sincèrement inquiète, et ils attiraient encore beaucoup une attention désagréable de la part des autres clients – ils étaient retournés à leurs propres parties, mais ils continuaient de leur jeter des coups d’œil. Et Hikaru commençait à comprendre pourquoi.
Et il ne prêtait qu’à moitié attention à ce qu’il faisait, laissant son instinct prendre le relais de la partie. Akira jouait plus vite que jamais, et son processus de décision ne semblait pas embrouillé, mais . . il y avait cette impression que quelque chose *n’allait pas* . . .
Hikaru avança la main pour saisir sa pierre suivante, la déposa sur le damier . . . et réalisa soudain ce qu’il venait de faire. Le motif qu’il venait juste de former . . .
Kosumi. Ancien style de Go. Et tout ce à quoi il pouvait penser était Sai . . .
Akira cligna des yeux en voyant le motif. Il semblait se contenter de le fixer, son visage si pâle que sa peau semblait translucide, le souffle coupé dans sa gorge.
\"Touya?\" dit Hikaru, en se penchant au-dessus du damier. \"Touya? Tu vas bien?\"
Akira restait immobile, ses yeux fixés sur les pierres, et son tremblement s’accéléra.
Puis, soudain, il claqua ses deux mains sur le goban avec une force qui fit sauter toutes les pierres, et hurla, \"Que sais-tu à propos un certain Fujiwara no Sai?\"
Chaque tête dans la salle se tourna. Les conversations et le tintement des pierres s’arrêtèrent.
Hikaru se sentait comme s’il était suspendu hors du temps et de l’espace, quelque part dans un cauchemar.
Avait-il bien entendu . . . pas juste Sai, mais *Fujiwara no Sai*? Comment Touya pourrait-il savoir ça? Il avait promis au garçon il y a quelques temps qu’il lui dirait son secret, mais c’était une promesse qu’il n’avait pas tenue.
*Oh, dieux,* pensa-t-il, la panique qui s’élevait rapidement lui serrant la gorge, *qu’est-ce que je fais maintenant? Je ne peux pas nier savoir à propos de Sai, il ne me croira jamais quand je lui dirai la vérité si je la lui dis.*
Prenant une profonde respiration, il dit, \"Pourquoi demanderais-tu quelque chose comme ça?\"
Akira se raffaissa dans son siège, semblant s’effondrer comme un jouet gonflable ayant une rapide fuite d’air. \"Je l’ai entendu dans un rêve,\" dit-il d’une voix calme et sourde.
L’air fut empli d’un bourdonnement de chuchotements alors que les autres joueurs attachaient à nouveau leur attention complète sur eux deux. Le cœur de Hikaru se mit à cogner dans sa poitrine. Il avait entendu le nom entier de Sai dans un rêve? Est-ce que cela signifiait que . . . Sai avait été dans son rêve? Sai était-il à nouveau actif dans ce monde? Revenait-il?
Un flot d’émotion emplissait Hikaru à la perspective de rentrer à la maison, d’ouvrir la porte et de voir Sai assis là au goban dans sa chambre, cette vision qu’il avait tellement désiré ardemment voir dans ces jours et semaines affreuses qui avaient suivis sa disparition.
*Mais,* pensa-t-il, *pourquoi Sai apparaît-il dans le rêve de Touya, et pas dans les miens? Je n’ai pas rêvé de lui depuis la nuit après ma première partie contre Touya.*
Akira restait affaissé sur son siège, baissant les yeux et fixant le sol.
\"J’ai eu ces rêves,\" dit-il, calmement. \"Chaque nuit. Depuis que tu as réussi la Ligue. Un homme . . . grand, avec des cheveux très longs, dans des étoffes et un grand chapeau . . . il jouait au Go. Les mêmes parties que j’ai jouées avec toi.\"
Maintenant Hikaru agrippait les bords du goban, d’excitation. C’*était* Sai! Il en était sûr maintenant! Il se demanda si Akira pouvait voir la pure joie qui s’élevait dans son coeur et se reflétait sur son visage.
\"Il me rappelait quelqu’un,\" continua Akira, sans bouger. \"Il y avait en lui un air . . . Au début je ne pouvais pas poser le doigt dessus, mais quand j’ai vu ces parties, j’ai su ce que c’était. Cet homme me rappelait *toi*.\" Il leva les yeux, lentement. \"Mais . . . tout le temps, je ne pense pas avoir jamais su qui *tu* es.\"
Hikaru se renversa dans sa propre chaise. Maintenant c’était *lui* qui tremblait d’émotion. *Il faut que je me reprenne *, pensa-t-il. *Je dois lui en parler, en savoir plus sur la manière dont Sai l’a contacté.*
\"Touya,\" dit-il, \"Allons autre part. Je peux expliquer . . .\"
Mais Akira continuait de parler. \"Tout à propos de toi, depuis le jour où nous nous sommes rencontrés, a été un mystère que je ne peux pas comprendre. Quand on s’est rencontrés la première fois . . . pourquoi as-tu joué comme un génie alors que tu ne savais même pas tenir les pierres correctement? A ce tournoi . . . pourquoi as-tu commencé brillamment, et ensuite fait des mouvements atroces et bâclés?\"
Hikaru se contenta de rester assis, enraciné au siège, réduit au silence.
Akira leva le yeux vers lui, lentement, commençant à se redresser de toute sa hauteur sur sa chaise, sa voix montant en volume et haussant le ton tout en se redressant. \"Pourquoi il y a-t-il toujours cette impression qu’il y a une *autre personne* en toi? Quel était ce *secret* que tu as dit que tu me dirais, mais que tu ne m’as jamais dit?\" Il sauta sur ses pieds, cognant à nouveau sur le goban. \"Qui ES-tu, en fin de compte?\"
Maintenant la salle, qui s’était plongée dans un silence total, éclata en conversations frénétiques, un fouillis de voix, comme des gens qui assisteraient à un désastre et ne pourraient pas croire que qu’ils voyaient. Un homme dit, \"Akira-kun a perdu?\"
L’homme en uniforme de garçon de café approche de Akira, essayant de poser une main réconfortante sur son épaule. Akira fit un brusque mouvement de bras pour l’écarter, lui jetant un regard noir qui fit bien vite reculer l’homme.
Hikaru ne savait pas s’il devait pleurer, crier en réponse, ou commencer à lui jeter des pierres. Ses cordes vocales étaient comme paralysées, il était incapable de répondre.
Akira resta debout, les poings serrés, la respiration lourde, les yeux brûlants. Hikaru ressentit réellement un éclair de terreur, en se demandant si l’autre garçon allait faire quelque chose d’étrange, quelque chose de violent, quelque chose qui ne lui ressemblait pas.
Alors, il fit volte-face. \"Je ne peux pas continuer cette partie,\" dit-il, se ruant vers la sortie. Ishikawa l’appela quand il la dépassa, mais il l’ignora.
A SUIVRE…