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Etats d\'Ames

By: Dreamcatcher83
folder French › Anime
Rating: Adult +
Chapters: 7
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Disclaimer: Les personnages de Yami no Matsuei appartiennent à Yoko Matsushita, pas à moi, hélas. Je ne fais que jouer avec eux, ce qui ne me rapporte évidemment pas le moindre centime.
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Ames blessées

CHAPITRE 2 : Ames blessées

Le lendemain matin, Hisoka se tenait debout sur le parvis du capitole, les bras croisés, tapotant nerveusement du pied les dalles de marbre, lorsqu'il aperçut Tsuzuki qui avançait à grands pas dans sa direction. En quelques secondes Tsuzuki avait rejoint l'adolescent et se répandait en excuses. Lorsqu'il vit de plus près le visage de son partenaire, Hisoka en oublia de le réprimander pour son retard. De larges cernes noires faisaient ressortir les yeux violets qui s'étalaient sur un visage aux traits tirés, plus pâle que de coutume. Tsuzuki n'avait visiblement pas fermé l'œil de la nuit. Hisoka, qui n'avait pas beaucoup mieux dormi, ne fit aucun commentaire, mais ressentit un pincement au cœur. Il évita néanmoins habilement la main que Tsuzuki lançait en direction de son épaule. Tsuzuki, surpris, s'immobilisa, puis, se mordant les lèvres, abaissa le bras en silence et fit un pas en arrière. Hisoka sentit ses joues s'empourprer de honte. Il détestait traiter Tsuzuki de cette façon, mais il ne se sentait pas le courage, dès le petit matin, d'être exposé aux pensées d'un Tsuzuki épuisé par une nuit blanche.

Tsuzuki sembla enfin sentir la réticence de son partenaire et ne chercha plus à s'approcher de lui à moins d'un mètre ou deux, ce en quoi Hisoka lui fut reconnaissant. À cette distance, il ne percevait l'état dépressif de son ami que sous la forme d'un malaise diffus et pouvait ignorer ses émotions pour se concentrer sur ses paroles. Tsuzuki entra immédiatement dans le vif du sujet.

— Hier, après la réunion, le chef m'a appelé dans son bureau. Il m'a donné les dossiers des trois victimes, l'adresse de la clinique, ainsi que le numéro de téléphone de notre contact dans la police, un dénommé Ken Nakamura. J'ai appelé le gars hier soir. Il est sur le terrain ce matin, mais nous avons rendez-vous avec lui en début d'après-midi. Donc, je propose de passer voir les victimes à la clinique ce matin, avant notre rendez-vous avec Nakamura. Ensuite, nous réserverons une chambre dans un hôtel de Nagasaki. Le chef pense qu'il vaut mieux que nous restions sur place pour la durée de l'enquête, ne serait-ce que pour que la police locale sache comment nous contacter en cas d'urgence. Gushoshin nous servira d'agent de liaison si nécessaire.

— Très bien. Mais...

Le jeune homme resta un instant silencieux, fixant sans le voir le bouquet rose des cerisiers, avant de reprendre :

— Ce Ken Nakamura, est-ce que tu sais quelque chose sur lui ? Comment un simple humain s'est-il retrouvé à travailler pour le Juo-Cho ?

— Ah, j'ai posé la même question au chef. Il parait que ce Nakamura a des capacités extra-sensorielles très développées. Il peut voir les fantômes, les esprits, et communiquer avec eux. Il peut aussi voir les shinigami comme nous, même quand nous ne sommes pas sous notre forme corporelle. Il en a souffert durant toute son enfance. Sa famille pensait qu'il était fou, il a même été interné en hôpital psychiatrique à plusieurs reprises.

— Je vois... Je peux compatir, dit Hisoka d'un ton sombre en repensant à sa propre enfance, enfermé dans la cave par ses parents à cause de ses propres perceptions extra-sensorielles.

— N'est-ce pas... Heureusement pour lui, ses capacités ont fini par attirer l'attention de l'un d'entre nous, qui lui a offert de travailler pour le Juo-Cho. Il l'a également aidé à obtenir un poste dans la brigade criminelle japonaise, où il utilise son talent particulier pour résoudre certaines enquêtes difficiles. Il a pu trouver un équilibre et il est apparemment heureux. Et cela fait maintenant plusieurs années qu'il collabore avec nous, bien que je ne l'aie personnellement jamais rencontré.

— Il a eu de la chance...

Hisoka fixait toujours les tourbillons de fleurs roses d'un air pensif et Tsuzuki n’osa pas interrompre les réflexions de son partenaire. Finalement, Hisoka releva les yeux.

— Bon, allons-y, fit-il sans plus de commentaire, et son corps commença à se dématérialiser.

***

Instantanément, les deux shinigami se matérialisèrent dans une ruelle déserte proche de la petite clinique privée où se trouvaient les victimes. Ils se dirigèrent vers celle-ci. À peine eurent ils pénétré dans le hall d'entrée qu'une infirmière les arrêta.

— Je suis désolée, Messieurs, mais il est encore trop tôt pour les visites. Revenez en début d'après-midi.

— Asato Tsuzuki, police criminelle, dit Tsuzuki en exhibant sa fausse carte de police. Et mon collègue est Hisoka Kurosaki, stagiaire dans notre département. C'est sa première enquête, ajouta-t-il en voyant le regard dubitatif que l'infirmière lançait en direction de son jeune partenaire. Nous somme ici pour voir les trois victimes d'enlèvement qui ont été admises dans cette clinique il y a quelques jours.

— Ah, je vois. Deux de vos collègues sont déjà passés hier pour interroger les victimes. Mais vous n'aurez pas plus de succès qu'eux, vous savez. Les trois victimes ne sont pas en mesure de communiquer avec quiconque. Malheureusement, j'ai bien peur qu'elles ne le soient plus jamais.

— Ça ne fait rien, nous voudrions seulement les voir. Mais, quand vous dites qu'elles ne sont pas en mesure de communiquer... Dans quel état sont les victimes, exactement ?

— Eh bien, Mlle Aoki et M. Oyama sont pratiquement dans un état végétatif. Leurs yeux sont ouverts et leur corps peut se maintenir assis ou debout, si quelqu'un les place dans une telle position, mais il ne répondent plus à aucun stimulus extérieur. Il ne bougent pas sans impulsion externe, ils ne se nourrissent pas par eux-mêmes... le mieux que l'on puisse dire est qu'ils sont plongés dans une sorte de coma éveillé, mais néanmoins profond. Mlle Tenjoh semble légèrement plus consciente. Elle peut bouger et traverse même, par moments, des crises de grande agitation. Cependant, elle ne semble pas s'apercevoir de la présence d'autres personnes et ne communique pas du tout, pas même par le regard. Elle semble plongée si profondément dans son monde intérieur que rien ne peut l'atteindre.

— Je vois. Pouvez-vous nous conduire à eux ?

— Suivez-moi.

Les deux shinigami emboîtèrent le pas à l'infirmière, qui les conduisit au travers d'un labyrinthe de couloirs déserts.

— Nous les avons placés tous les trois ensemble. Après vous, je vous prie, dit l'infirmière en ouvrant la porte d'une chambre.

Tsuzuki et Hisoka franchirent le seuil à pas mesurés. Tous deux éprouvaient une certaine nervosité à pénétrer dans cette chambre aux mur blancs, dans laquelle flottait une légère odeur de désinfectant. Les bruits filtrant à travers les portes des autres chambres - conversations, chocs d'objets métalliques, froissement d'étoffes, radio ou télévision allumée, soit tout ce qui indiquait la présence d'êtres humains - avaient disparu, et le silence était oppressant. L'endroit ressemblait plus à un mausolée qu'à une chambre où vivaient trois jeunes gens.

Sur le lit le plus proche de la porte, Michiko Aoki était assise, le dos soutenu par des coussins appuyés contre le mur. Hisoka sursauta. Comparée à la photo qu'ils avaient vue la veille, la jeune étudiante était presque méconnaissable. Les joues étaient creuses, le regard vide, la bouche perpétuellement entrouverte. Sa chemise de nuit à manches longues, entièrement boutonnée, ne réussissait pas à dissimuler les cicatrices qui débordaient sur son cou et ses poignets. Sa main droite était couverte d'un bandage et Hisoka frissonna en repensant à la photo de la main mutilée, aux ongles arrachés. Mais ce qui le choqua le plus fut le... vide, l'absence de toute émotion émanant de la jeune femme. Il avait beau détester son don d'empathie, il s'était habitué à percevoir au moins des traces d'émotions chez toutes les personnes qu'il approchait. C'était une sorte de bruit de fond constant, aussi familier que le bourdonnement des moteurs d'auto pour un citadin. Ne percevoir aucune émotion du tout chez quelqu'un, même en y prêtant attention, le mettait extrêmement mal à l'aise. La jeune femme respirait, elle avait les yeux ouverts, mais elle ne lui semblait pas vivante.

— Une coquille vide, murmura Tsuzuki derrière lui, faisant écho à ses pensées.

Le lit suivant était vide. A l'autre bout de la pièce, Ichirô Oyama était assis dans un fauteuil près de la fenêtre. Comme Michiko, son regard fixe était dépourvu de toute vie. Un filet de salive coulait au coin de sa bouche. L'infirmière l’essuya avec un mouchoir. Hisoka ne percevait pas plus d'émotions émanant de lui que de la jeune femme assise sur le lit.

Un gémissement étouffé arracha les deux shinigami à leur contemplation de l'adolescent. Un paravent dissimulait au regard un troisième lit, celui de Mayumi Tenjoh. Les deux hommes contournèrent l'écran. Derrière, une jeune femme aux cheveux courts était allongée sur le lit. En contraste avec l'immobilité parfaite de ses deux compagnons, tout son corps était agité de tremblements. La jeune femme gémit encore une fois, et agita sa tête de droite à gauche sur l'oreiller. L'infirmière s'approcha d'elle et essuya son front, en lui parlant doucement. La jeune fille ne réagit pas et continua de gémir.

Hisoka chancela, et sentit la main de Tsuzuki soutenir son coude. Il s'appuya quelques instants sur le bras solide de l'autre shinigami, heureux pour une fois de sentir la présence réconfortante de son partenaire. L'émotion émanant de la jeune femme allongée sur le lit était différente de tout ce qu'il avait ressenti jusqu'ici. C'était une sensation violente, malsaine, presque inhumaine, mais indubitablement douloureuse, qui perçait l'esprit d'Hisoka comme le gémissement d'un violon désaccordé ou le grincement d'un ongle frottant contre une vitre.

Tsuzuki avala sa salive. "Elle souffre, " dit-il à voix basse, sans quitter des yeux la jeune femme tremblante.

— Nous lui donnons des antalgiques tous les jours. Ce matin, nous avons essayé la morphine, mais ça ne semble pas avoir le moindre effet.

Sans un mot, Tsuzuki s'agenouilla auprès de la jeune femme et posa sa main sur son front. Elle ne parut pas consciente de sa présence et continua à trembler. Tsuzuki se concentra, immobile. Hisoka pouvait voir l'aura rouge qui émanait de son partenaire, sentir la puissance de son esprit dirigée vers l'âme en peine. Petit à petit, les tremblements diminuèrent. La jeune femme cessa de gémir et son cri psychique s'atténua pour atteindre un volume supportable pour Hisoka.

— C'est incroyable ! s'exclama l'infirmière. Jusqu'ici personne n'avait réussi à la calmer ! Comment avez-vous fait ?

— Juste un peu de compassion, fut l'énigmatique réponse de Tsuzuki.

Hisoka pouvait voir les larmes qui brillaient dans les yeux fixés au sol de son partenaire, menaçant de déborder de ses paupières. A cet instant, il ne souhaitait rien de plus que serrer son ami dans ses bras, mais la peur le retint. Toutes ses connexions nerveuses étaient encore endolories après l'assaut du hurlement psychique de la jeune femme. Il n'était pas en état de supporter un contact mental semblable à celui qu'il avait subi la veille en touchant Tsuzuki.

— Je ne peux rien faire d'autre pour elle, malheureusement, reprit l'aîné des shinigami. Bien, je crois que nous n'avons plus rien à faire ici. Merci beaucoup pour votre collaboration.

***

Apres avoir quitté la clinique, les deux shinigami déambulèrent en silence dans les rues de la ville. Il était près de midi et leur petit déjeuner était loin derrière eux mais Tsuzuki n'avait pas encore émis le désir d'aller manger, ce qui inquiétait Hisoka au plus haut point. Finalement, incapable de faire taire son estomac plus longtemps, l'adolescent proposa à son partenaire de s'arrêter dans une petite échoppe qui servait des bols de ramen. Les deux shinigami choisirent une table à l'écart des autres au fond du petit restaurant. Lorsqu'ils furent tous deux attablés devant un grand bol de soupe de pâtes brûlante à l'appétissant fumet de poisson, Tsuzuki s'arracha enfin à ses pensées et tourna les yeux vers son partenaire.

— Eh bien... qu'as-tu pensé de notre visite de ce matin ?

— C'était vraiment bizarre. Aoki et Oyama m'ont semblé... vides. Je n'ai pu percevoir aucune émotion du tout, comme s'ils n'étaient pas vivants.

— "Vide"... Ça tu peux le dire. Leurs âmes ont déjà quitté leur corps, ce qui explique pourquoi les chandelles se sont éteintes. Les corps ont continué à vivre pour une raison qui m'échappe. Je n'ai vu ça que deux fois en soixante et onze ans et dans les deux cas la personne était plongée dans un coma profond. Ce "coma éveillé" est quelque chose de rarissime. Je peux comprendre que, sous le coup d'une douleur extrême, l'âme abandonne le corps. C'est ce qui arrive quand une victime meurt sous la torture. Mais ici, que les corps soient restés vivants, non pas une, mais deux fois... Il est impossible que ce soit une coïncidence. Seulement, penser que le meurtrier a pu vouloir obtenir ce résultat... Que, peut-être, c'est la seule raison pour laquelle ces jeunes gens ont été torturés.... C'est... terrifiant.

Tsuzuki se tut et resta immobile, les coudes sur la table, le menton reposant sur ses doigts croisés, le regard fixé sur son bol de soupe. Il était d'une pâleur extrême. Pour ne pas laisser son partenaire se perdre une nouvelle fois dans des pensées dont il n'osait même pas imaginer le contenu, Hisoka se força à continuer.

— Donc, si leurs âmes ne sont plus dans leur corps, que sont-elles devenues ?

— Nous savons qu'elles n'ont pas rejoint le Meifu donc elles doivent toujours errer quelque part dans le monde des vivants. Nous allons devoir les localiser. Quant à Tenjoh... Quelle a été ton impression ?

Hisoka frissonna.

— C'était affreux. Son esprit était comme... comme s'il n'était plus entièrement humain. Et elle... hurlait, dit finalement le jeune homme après une hésitation, ne sachant trop bien comment exprimer avec des mots l'horrible sensation qu'il avait eue dans la chambre d'hôpital.

Tsuzuki, qui n'avait entendu d'autre son que les gémissements de la jeune femme, hocha néanmoins la tête, comprenant ce que son partenaire tentait d'exprimer.

— C'est plus ou moins ce que j'ai ressenti. Une âme... tordue, privée de son humanité, rendue folle par la douleur. Une âme mutilée. Rendue méconnaissable au point que la chandelle représentant la vie de cette personne s'est éteinte.

Un froid glacial semblait s'être abattu sur la petite échoppe. Hisoka ne savait plus quoi dire pour rompre le pesant silence, et les deux hommes engloutirent leurs pâtes sans un mot. Finalement, Tsuzuki posa ses baguettes et se leva.

— Notre rendez-vous avec Nakamura est dans vingt minutes. Il est temps d'y aller.

L'aîné des shinigami laissa quelques billets sur la table et sortit du restaurant sans mot dire. Tsuzuki était calme, anormalement calme, en fait, mais Hisoka, qui n'avait rien perdu des émotions agitant son partenaire durant leur conversation, le suivit d'un regard inquiet avant de lui emboîter le pas.

***

Les deux hommes n'échangèrent pas un mot alors qu'ils se dirigeaient vers le commissariat. Cependant, lorsqu'ils atteignirent l'imposant bâtiment, Tsuzuki arborait de nouveau un visage souriant. A l'entrée, un planton peu avenant leur indiqua d'un geste le bureau de l'inspecteur Nakamura.

— Inspecteur Nakamura ? appela Tsuzuki depuis le seuil de la porte ouverte. Je suis la personne qui vous a téléphoné hier soir...

— Entrez, entrez, je vous en prie, dit l'inspecteur en se levant pour accueillir ses visiteurs. Je suis Ken Nakamura. Ravi de faire votre connaissance, ajouta-t-il en s'inclinant.

L'homme paraissait avoir entre trente-cinq et quarante ans. Il était de taille moyenne, bien en chair sans être gros. Une épaisse brosse de cheveux noirs couronnait son visage rond et sympathique.

— Asato Tsuzuki, Enma-Cho, Département des Invocations. Enchanté de vous connaître, dit le shinigami en s'inclinant à son tour. Et mon partenaire est Hisoka Kurosaki, ajouta-t-il en voyant que Hisoka hésitait à se présenter.

— Enchanté, dit un peu sèchement le jeune homme, dissimulant comme à son habitude sa timidité envers les étrangers sous un abord renfrogné.

L'inspecteur ne sembla pas offensé le moins du monde par l'attitude du jeune shinigami. Au contraire, il lui sourit gentiment avant de s'adresser de nouveau à ses deux visiteurs :

— Puis-je vous offrir quelque chose à boire ? Nous n'avons pas grand chose, mais il y a un distributeur automatique dans le couloir, qui a... voyons... thé ou café chaud, thé glacé, soda, jus d'orange, lait fraise...

— Un café, dit Tsuzuki qui mourrait d'envie de demander un lait fraise, mais se sentait embarrassé à l'idée de montrer à l'inspecteur Nakamura l'étendue de sa gourmandise.

— La même chose, dit Hisoka qui n'aimait pas les boissons sucrées.

L'inspecteur quitta la pièce et revint quelques instant plus tard, portant délicatement trois canettes brûlantes.

— Quelle affaire horrible, n'est-ce pas ? dit-il lorsque les trois hommes se furent assis autour du bureau, leur canette de café en main. Avez-vous déjà vu les victimes ? Je suis passé hier à la clinique, et je dois dire que la visite m'a laissé une impression très désagréable. En tant qu'inspecteur de police, j'ai vu mon compte de cadavres et de blessés, mais là... il y avait quelque chose d'anormal, de malsain...

Tsuzuki hocha la tête et jeta à l'homme un regard approbateur. Konoe avait raison, il avait en effet des perceptions extra-sensorielles, quoique à un niveau inférieur à celui des deux shinigami.

— Nous y sommes passé ce matin. Et en effet, quelque chose est clairement "anormal". Deux des âmes sont manquantes, la troisième est... endommagée.

Nakamura déglutit et pour une seconde son sourire s'effaça de ses lèvres. Il sembla un instant sur le point de demander ce qu'était une "âme endommagée" mais se ravisa.

Apres quelques moments d'hésitation, l'inspecteur ajouta :

— Je sais que les âmes des victimes sont la préoccupation principale du Département des Invocations, mais... en ce qui me concerne, je ne me sentirai en paix que quand nous pourrons mettre sous les verrous le monstre qui leur a fait ça.

— Oh, ne croyez pas que nous ne voulions pas lui mettre la main dessus, nous aussi. D'abord, il s'agit probablement d'un criminel en série et le Département ne veut pas que des faits similaires se reproduisent. Et de plus...

Tsuzuki serra les dents en terminant sa phrase :

— De plus, je me fiche de ce que diront mes supérieurs, mais ce monstre doit payer pour ce qu'il a fait.

Le shinigami pris une longue inspiration, avant d'ajouter d'une voix plus calme :

— Vous pouvez donc compter sur notre entière collaboration à votre enquête, inspecteur Nakamura.

— Merci, M. Tsuzuki. Vous avez également la mienne. Et à ce propos... Il y a un élément nouveau depuis les dossiers que je vous ai fait parvenir. C'est le résultat des analyses conduites par notre section scientifique.

Nakamura tira un dossier beige de son tiroir, l'ouvrit sur le bureau, et entreprit de résumer son contenu pour ses deux visiteurs.

— Les vêtements des victimes étaient maculés de sang mais il s’agissait du leur. Les vêtements étaient aussi tachés de boue. Celle-ci provenait du parc dans lequel nous les avons retrouvés, donc cet indice ne nous apprend pas grand-chose. Le labo a aussi trouvé des traces de poussière sur leurs vêtements, ainsi que des grains de sable.

— Du sable et de la poussière ? Intéressant... Pourraient-ils provenir de l'endroit où les victimes on été séquestrées ?

— C'est très possible. Mais l'analyse de la poussière n'a rien donné d'inhabituel, elle peut venir de n'importe où dans la région. Quant au sable, c'est celui que l'on trouve partout sur la côte. Nous n'avons donc toujours pas d'hypothèse crédible quant à l'endroit où les victimes ont été séquestrées.

L'inspecteur tourna quelques pages de son dossier et continua.

— L'observation du corps des victimes a donné des résultats plus tangibles. Nous avons trouvé trois cheveux. Les trois appartiennent à la même personne, dont nous avons pu obtenir l'empreinte génétique. Il y avait aussi des traces de sang et des fragments de peau sous les ongles de Mayumi Tenjoh, ainsi que... hum... que de nombreuses traces de sperme sur le corps des trois victimes. Peau et sperme appartiennent à un second individu. Nous avons entré les deux empreintes génétiques dans notre base de données, mais ça n'a donné aucun résultat. Il nous faudra donc attendre d'avoir arrêté un suspect pour pouvoir utiliser cette information.

— Inspecteur... de quelle couleur étaient les cheveux ?

Nakamura et Tsuzuki sursautèrent en entendant la voix de Hisoka, qui était resté totalement silencieux jusque là. L'inspecteur hésita un instant avant de consulter à nouveau son dossier.

— De quelle couleur, dites-vous ? Hmm, voyons... Noir, pourquoi ?

— Oh... pour rien, juste une idée. Merci.

L'adolescent semblait quelque peu rassuré.

— De toutes façons, ajouta Tsuzuki avec animation, notre base de données à l'Enma-Cho est beaucoup plus étendue que la votre. Donc je ne serais pas étonné que nous puissions identifier les suspects. Vous serait-il possible de nous donner une copie de cette information ?

— Ceci est la copie que j'ai faite pour vous, répondit Nakamura en tendant au shinigami la pochette beige et une disquette. Normalement, je ne suis pas censé avoir ce dossier dans mon bureau personnel, encore moins en faire une copie, ajouta-t-il avec une pointe d'embarras.

Tsuzuki prit dossier et disquette avec un sourire de gratitude, conscient des efforts que faisait l'inspecteur pour leur être utile et sortit son téléphone portable.

— Gushoshin ? C'est Tsuzuki. ... Oui, très bien. ... Oui, justement, j'ai du nouveau. Dis-moi, pourrais-tu venir ? J'ai un service a te demander.

— Un téléphone portable ? Pour appeler l'Au-Delà ?

Tsuzuki, qui venait de raccrocher, faillit éclater de rire devant l'air stupéfait de Nakamura. Mais il n'eut pas le temps d'expliquer à ce dernier le fonctionnement de son amplificateur d'ondes psychiques, qui ne devait son apparence d'innocent téléphone portable qu'au sens de l'humour très particulier de Watari. Gushoshin, en effet, choisit ce moment pour se matérialiser dans la pièce. Nakamura, de plus en plus ébahi, regarda fixement le petit dieu à tête de hibou qui flottait dans les airs à une vingtaine de centimètres au dessus de son bureau. Les jumeaux Gushoshin n'avaient apparemment pas fait partie de ses contacts à l'Enma-Cho.

— Oh, ça alors, vous pouvez me voir ? Je m'appelle Gushoshin. Enchanté de vous connaître, dit le petit dieu ailé de sa voix enfantine, avant de se tourner vers Tsuzuki.

— Gushoshin, pourrais-tu essayer de m'identifier ces deux empreintes génétiques ? demanda Tsuzuki en lui tendant la disquette.

— Ah... Oui, mais ça va prendre un petit moment. Le serveur de la bibliothèque est en panne et à présent nous ne pouvons plus accéder à aucune base de données. Mon frère est en train de travailler sur le problème en ce moment même mais je pense qu'il va nous falloir encore un peu de temps. Je vous contacterai dès que j'aurai une réponse pour vous.

— Bon, très bien, fais pour le mieux, soupira Tsuzuki.

Le petit dieu agita une aile amicale en direction des trois hommes et se dématérialisa.


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