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les princes sorciers

By: Alb
folder French › Originals
Rating: Adult
Chapters: 32
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Disclaimer: This is a work of fiction. Any resemblance of characters to actual persons, living or dead, is purely coincidental. The Author holds exclusive rights to this work. Unauthorized duplication is prohibited.
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nuit romantique

3. Nuit romantique

Victoria a raison, se dit Georges. La nuit est vraiment magnifique et nous devrions en profiter. Cette île a un côté paradisiaque.
Ils sont debout au milieu d’une prairie. Pas loin d’ici se trouvent les ruines d’une ferme. Ils ont passé un temps fou à creuser le sol pour l’exhumer, à la recherche des indices qui leur permettront de mieux comprendre comment vivaient les indigènes.
Victoria, sans un mot, s’assied. Il la trouve toujours aussi belle. Elle porte ses vêtements habituels : un short et une chemisette beige, avec de grosses chaussures de marches. Rien qui mette sa féminité en valeur, et pourtant, il la désire. Il lui suffit de la regarder pour ça.
Il n’a jamais osé lui avouer qu’elle est la seule femme de sa vie. Avant, il était puceau. Et il ne l’a jamais trompé, juste parce qu’il n’en a jamais eu envie.

Il s’assied à ses côtés. Deux gratteurs de terre, à la recherche d’un passé enfoui, vêtu de leurs vêtements de travail, sur une île paumée au milieu du Pacifique, presque sans contact avec le reste du monde.
Un homme et une femme, surtout.
- Pourquoi insistes-tu tellement pour nous rapprocher, moi et ce gamin ? fait-elle d’une voix où se mêlent reproche et curiosité. Ce n’est pas le tien. En plus, ça ne sert à rien. Tu te fatigues en vain… Dès que je le vois, c’est à son père que je pense. Tu ne peux rien y faire. Même moi, je ne peux rien y faire. Alors, laisse tomber.
Elle le regarde avec attention, comme si elle le jaugeait, avant d’ajouter :
- Il est très bien avec mon frère. Il ne manque de rien. Pourquoi me sentirais-je coupable ? Tu crois vraiment qu’il m’attend ? Tu l’imagines avec un calendrier dont il barre chaque matin le jour qui commence, avant de compter ceux qui restent ? Tu plaisantes… Tu te fais des illusions parce que tu le connais mal.
- Je ne le connais pas mieux que tu ne le connais, répond Georges en haussant les épaules. Ça fait deux ans que nous ne l’avons pas vu. Un gosse, ça change incroyablement en peu de temps. C’est un ado maintenant, plus un enfant.
- Il doit avoir une petite amie, fait Victoria avec rancœur. Plusieurs même… Il les a engrossées.
- Ne le confonds pas avec son père, soupire Georges.
Il voit bien que Victoria a envie de l’étriper, mais elle ne laissera pas la colère qui bouillonne en elle s’exprimer. Pour elle, il est important de contrôler chaque sentiment, chaque émotion, ne pas se dévoiler à l’autre. L’autre est un ennemi. Même moi, ne peut-il s’empêcher de penser.

Elle se relève. Il hésite un court instant avant de faire comme elle.
- Nous avons bossé comme des dingues, dit-elle en se mettant à marcher vers le campement. Nous avons dégagé une cité de la gangue de boue qui la protégeait. Elle est pour ainsi dire intacte, mieux conservé que Pompéi. Il y a des statues, des fresques, des vases, des outils… Nous pensions en avoir fini lorsque nous avons découvert ce dessin sur un des murs du palais, des gens qui vont en procession vers un temple. Nous avons cherché et nous venons de le trouver. Nous allons en dégager l’entrée…
Elle reprend son souffle avant de continuer.
- Qu’allons-nous découvrir ? … Tu crois vraiment que je vais m’en aller maintenant ? La fondation nous propose une rallonge de contrat, des fonds pour continuer nos recherches. Nous touchons au but. Jamais, je ne sacrifierai ça.
Il ne dit rien, se contentant de marcher à ses côtés.
Elle hésite avant d’ajouter :
- Tu le sais : je ne partirai pas. Tu me connais… Tu fais juste ça pour te donner bonne conscience. C’est idiot. Tu n’as pas besoin de ça, parce que ça ne te concerne pas.
- J’aime ce gosse, c’est tout.
- Il ne te le rend pas… Ecoute, je suis certaine que la plupart des questions que nous nous posons sur cette civilisation vont trouver une réponse une fois le temple ouvert.
- Je te comprends, soupire-t-il. Mais un jour, tu vas regretter cette décision. Il s’agit de ton fils et tu vas le perdre.
- Rassure-toi, lui rétorque-t-elle sèchement. Je ne regretterai jamais cette décision. Je reste… Ces gens sont fascinants, bien plus que ceux qui ont vécu sur l’île de Pâques, bien plus que les mayas qui ont déserté leurs cités… Où sont-ils passés ? Pourquoi ont-ils disparus ? Cet endroit est un paradis. Pas de prédateurs, pas d’ennemis, pas de barbares…
- Ils me fascinent aussi, fait Georges.
- Oui, et le problème, c’est que mon fils, lui, ne me fascine pas.
Elle a dit ça d’un ton méchant tout en s’arrêtant de marcher.
Le campement n’est plus très loin maintenant.

Georges la contemple, essayant de deviner jusqu’à quel point elle est sérieuse.
Il n’y réussit pas. C’est comme s’il se heurtait à un mur. Il n’a jamais réussi à aller au-delà d’un certain seuil chez elle. Victoria est un appartement dont il ne connaît que le hall. Elle ne l’a jamais invité plus loin. Tout ça à cause de Shark, ce junkie vaniteux, imbu de lui-même, égoïste, centre de l’univers.
Je le hais, conclue-t-il.

C’est la première fois qu’il formule une pensée aussi claire envers le premier amant de Victoria. Il en reste atterré. Pire : choqué, pour ne pas dire traumatisé.
Georges n’est pas du genre à haïr. C’est un gentil.
Pendant longtemps, il a été croyant et pratiquant. C’est ce qui lui a fait conseiller à Victoria de garder son enfant. Maintenant, il doute. Peut-être aurait-ce été mieux…

Victoria le contemple, la tête penchée de côté, comme s’il était un animal exotique et rare qu’elle examinerait avec la méthodologie du scientifique.
- Tu es incroyable, murmure-t-elle avec un petit sourire attendri. Un saint. Méfie-toi : ils finissent mal en général. Les gens n’aiment pas ceux qui sont trop gentils, trop bons.
Georges baisse la tête comme un gamin pris en faute.
- Ecris-lui, fait-il subitement. Explique-lui tout ça… Essaye de partager ta passion. Ça ne devrait pas être difficile.
- Ce n’est qu’un gosse…
- Il ne l’est plus, et tu lui dois bien ça. Parle-lui des travaux que nous effectuons sur l’île, de la cité, de ce que nous avons découvert et de tout ce que nous espérons encore découvrir. Raconte-lui notre vie. Ça le changera de ce que j’écris et que tu signes.
Victoria laisse échapper un long soupir découragé.
- Tu es chiant, fait-elle. Vraiment.
Elle sent la main de Georges se glisser dans la sienne. Elle se tourne vers lui. Il l’attire contre lui avant de l’embrasser tendrement.
Il m’aime, songe-t-elle. Comment il fait ?

Comme s’il avait deviné sa pensée, il lui souffle au creux de l’oreille :
- J’ignore qui tu es, Victoria. J’ai l’impression que je ne te connaîtrai jamais… Mais je sais que je t’aime.
Elle a un petit rire heureux lorsqu’il la force à repartir dans l’autre sens, vers la prairie.

Sans très bien comprendre pourquoi il pense ça, précisément en cet instant, il se dit que la vie n’est pas compliquée.
Ce sont les gens qui le sont.
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