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les princes sorciers

By: Alb
folder French › Originals
Rating: Adult
Chapters: 32
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Disclaimer: This is a work of fiction. Any resemblance of characters to actual persons, living or dead, is purely coincidental. The Author holds exclusive rights to this work. Unauthorized duplication is prohibited.
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Shark

4. Shark

Shark s’est rendu à la cathédrale de Barcelone sans s’intéresser particulièrement à son architecture baroque. Il est venu parce qu’un dealer lui a donné rendez-vous. L’échange se fait rapidement. Quelques billets contre un minuscule sachet de poudre blanche.

Shark est le père de Bambi. Son géniteur, comme dirait le garçon.
Une horde de spermatozoïdes qui se précipitent vers un unique ovule, prêt à en accueillir un. Un seul. Le vainqueur de la course, le champion. Et tant pis pour les autres.
Dans le grand jeu de la vie, la pitié n’existe pas. Les perdants auront à peine le temps de récupérer leur souffle avant de disparaître. Qui se soucie de ces gamètes mâles, des questions qu’ils peuvent se poser, du choix qu’il leur reste une fois leur unique objectif raté ? Comment ressentent-ils leur échec ?

Shark est capable de se poser ce typé de questions. Ça lui évite de réfléchir à l’essentiel, à ce qu’il vient d’apprendre, par exemple.
Il est celui qui a éjaculé, celui dont le sexe a envoyé une foule à l’assaut de la forteresse. C’est lui qui a ressenti un intense moment de plaisir. Enfin, il lui semble. Ça fait tellement longtemps qu’il ne s’en souvient plus vraiment.
Ce qui est certain, c’est que cette jouissance ne fut pas unique. Elle ne fut ni la première, ni la dernière. Juste une parmi d’autres, d’innombrables autres.
Sauf que celle-ci a abouti.
Elle a donné naissance à Bambi.

Shark ne se définit pas comme le père du garçon. Il le connait trop peu pour ça, l’oublie la plupart du temps.
C’est le résultat d’une fusion, celle entre lui et Victoria. Une fusion ratée, sans suite. Un souvenir.
Mais Bambi ne se voit pas comme un souvenir. C’est juste un jeune garçon qui veut sa part de bonheur et de vie. Enfin, son père suppose que c’est ça qu’il veut. La dernière fois qu’il l’a vu, il n’a rient trouvé de mieux à faire que de lui demander de l’argent. Pas malin de sa part.
Mais il n’est pas malin.
S’il l’était, il ne serait pas là.

Shark a 46 ans. Dans son métier, il est un vieillard. Il se considère comme un looser et perd beaucoup de temps à s’apitoyer sur son triste sort.
Il voulait être une pop star, un guitariste de génie, adulé et riche… Mais il n’a jamais percé.
Il est un spermatozoïde essoufflé, arrivé bien trop tard.
De la pop star, il a aussi les défauts. Un ego démesuré qui n’est qu’un égoïsme banal lorsque le génie n’est pas au rendez-vous. Son compte en banque additionne les chiffres négatifs et il cumule des dettes qu’il ne pourra jamais rembourser.
C’est aussi, et avant tout, un junkie. Un junkie raisonnable, qui arrive à composer suffisamment bien avec la drogue pour ne pas sombrer entièrement et garder la tête au-dessus de l’eau… En tout cas, jusqu’à présent.

Il a participé a un nombre incalculable de tournées, sans jamais être applaudi par quiconque. Il est juste la silhouette qui tient une guitare, tout au fond de la scène, et lorsqu’un projecteur l’éclaire, ce n’est pas pour le montrer, c’est juste par hasard.
Il a joué sur un nombre incalculable d’albums, dont certains légendaires, sans que son nom n’apparaisse jamais.
Rien de surprenant, donc, à ce qu’il passe le plus clair de son temps à s’apitoyer sur son sort, à maudire ceux qui ont réussi et rêver ce qui aurait pu être si quelqu’un avait reconnu son talent.
Si seulement quelqu’un lui avait donné sa chance…
En tout cas, elle est passée, sa chance. La guitare n’est plus qu’un instrument parmi d’autres. Les jeunes préfèrent la pulsion de la basse au solo interminable des guitares. Il est suffisamment clairvoyant pour le reconnaître.
Parfois, il atterrit et se voit tel qu’il est. Alors, il cherche un élément positif auquel se raccrocher. Le problème, c’est qu’il n’en existe pas beaucoup. Un seul, pour être précis : son fils. Un gamin encore, mais plus un gosse.
Comment le voit-il ?
La question ne mérite même pas l’effort d’être posée tellement la réponse est évidente.

Il y a quelques jours, il lui a envoyé un petit mot où il l’invitait à le rejoindre pour cette tournée merdique où il accompagne une chanteuse sur le déclin.
Viens voir un guitariste anonyme jouant les notes de hits déjà oubliés, derrière une star bientôt oubliée aussi. Voici ce qu’il lui a proposé, dans l’espoir qu’il y ait encore suffisamment de lumière pour éblouir un garçon dont il ignore tout si ce n’est l’essentiel : c’est son fils.
Même pour un monstre d’égoïsme, ça compte. Il espérait vraiment qu’il vienne. Mais il souhaitait aussi le contraire pour ne pas avoir à l’affronter.
Il faut savoir gérer ses ambigüités, disait souvent Victoria. Il n’a jamais su le faire.

Il rejoint l’hôtel et regarde autour de lui d’un air perplexe. Un décor comme celui-là, il n’en a que trop connu depuis ses dernières années, et c’est ce qu’il peut espérer de mieux. Une chambre minuscule, avec un lit, une armoire, une table de nuit et une télévision accrochée au mur. La fenêtre donne sur une cour d’où monte l’odeur suave des poubelles d’un restaurant de poisson. Une porte coulissante permet d’accéder à l’ensemble lavabo-douche-toilette.

Les flics sont venus le matin. L’un d’eux parlait le français. Ils l’avaient retrouvé grâce à la lettre envoyée à Bambi. Ils lui ont tout raconté, et maintenant, il est là, à se demander ce qu’il est sensé faire.
Son fils a disparu et la police a perdu sa trace.
- Mettez-vous en relation avec la police française, lui a conseillé le flic avant de s’en aller avec son collègue.
Après un temps d’hésitation, l’esprit vide, il a fait ce qu’il sait le mieux faire. Il a décroché le téléphone et pris contact avec un dealer du coin.
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