Ta main de fer

Harry gisait là, sur le pas de porte de Severus et n’eut été du fait que ce dernier allait sortir, il n’aurait pas vu le jeune homme. Un cri d’horreur sortit de la bouche du maître de potions. Au courant de toutes ces années en tant que mangemort et ensuite en tant qu’espion, jamais un corps mutilé ne lui avait paru autant violenté. Peut-être que la violence lors de ces attaques étaient magiques, peut-être laissait-elle moins de traces physiques apparentes, mais Severus savait que le corps qui se trouvait devant lui avait été réduit depuis longtemps au statut d’animal et même encore, les animaux ne sont jamais aussi cruel entre les membres de leur espèce. Les animaux tuent pour survivre, les humains tuent les leurs par violence pure. Il aurait voulu sortir Harry des griffes de Lucius depuis longtemps, dès que Harry avait emménagé chez Lucius en fait. Mais comment sauver une personne qui ne veut pas être sauvée, comment sauver une personne qui ne croit pas qu’elle doit être sauvée, une personne qui finalement croit vivre une Éden parfait, qui croit recevoir ce qu’elle mérite? Il avait dû observer silencieusement, attendre de pouvoir tendre la main. Et cette main il avait été près à la tendre depuis si longtemps qu’il avait commencé à perdre espoir.

Il prit doucement Harry dans ses bras, tentant de ne pas trop le toucher, tentant de ne pas le blesser davantage.

L’odeur de sang qui émanait du corps lui montait au nez, à la tête, lui donnait la nausée, lui brisait cœur. Lui, il avait aimé Harry, il l’aimait encore. Mais Harry avait choisi Lucius. Severus avait cru voir son cœur se briser, car lui il savait, il savait ce que le pauvre endurerait. Il n’existe certainement aucun bon présage pour ceux qui deviennent le deuxième conjoint d’un homme qui a déjà tué. Harry n’avait, en fait, jamais su que Severus l’aimait. Lucius l’avait devancé dans sa demande et Severus n’avait pas eu la force de subir un refus, il avait vu Harry tellement enjoué à l’idée de fréquenter Lucius, qu’il avait préféré demeurer dans l’ombre, se disant que la journée, car il savait qu’il y en aurait une, où Harry voudrait fuir, avec chance il viendrait le rejoindre. Dans ces moments, lorsque vous tentez de sortir d’une relation abusive, c’est rarement pour en entreprendre une autre.

Severus le coucha finalement sur un des grands lits d’une des suites les plus protégées de son manoir. Il savait que Lucius viendrait voir dans sa demeure en premier, il savait que ce dernier ignorait l’existence de ces suites, elles avaient été conçues de telle sorte à permettre une sécurité quasi absolue si les protections magiques avaient flanché et laissé pénétrer des inconnus dans le manoir.

Le maître de potion tenta de ne pas penser à l’amour qu’il éprouvait encore pour le jeune homme, lorsqu’il lui retira ses vêtements, lorsqu’il fut confronté aux plaies à vif, au corps en sang. Bien sûr Severus pu tout soigner, bien sûr il remit le corps dans un état de fonctionner, mais il savait que malgré les nombreuses potions, Harry aurait encore mal, qu’il se réveillerait le lendemain matin, des pulsions douloureuses battant ça et là dans tout son être.

Et alors qu’il le veillait Severus s’installa sur un divan, près du feu, non loin du lit où dormait le jeune garçon et il reposa sa tête dans ses mains. Pourquoi n’avait-il pas agi avant, pourquoi n’avait-il pas pu trouver un moment, une méthode, les mots justes, peut-être pour le délivrer de sa prison de haine, de sa prison d’amour. Ce n’est pas qu’il n’y avait pas songé, ce n’est pas qu’il n’avait rien essayé, mais chaque avenue semblait bloquée à un moment par la jalousie de Lucius, à un autre par l’amour de Harry. D’un côté comme de l’autre, les essais étaient infructueux.

Severus se releva finalement, nourrissant le feu, sachant que la nuit serait longue, comme le serait les prochains jours, ceux où il attendrait le réveil du garçon, ceux où il espérerait que ce dernier n’ait pas pris une décision futile, ceux où il tenterait d’oublier tout le malheur que Lucius avait pu faire en une seule existence.

Plus de quatre jours passèrent, quatre jours, douze heures, trente-cinq minutes et quelques secondes pour être davantage exact…oui, il avait fait le compte, oui il avait attendu ce moment et oui il l’avait craint aussi.

Il le vit se réveiller, il le vit ouvrir lentement ses yeux, tenter de reconnaître l’endroit, de mettre un nom sur ce qu’il ressentait, un nom sur celui qu’il voyait, des explications sur ce qu’il vivait. Il le vit refermer les yeux; il venait de se souvenir, le souvenir le blessait, sa vie entière faisant certainement de même. Il le vit finalement verser une larme, la seule qu’il se permettrait, la seule qui dénotait dans sa lourdeur, les méandres passées…et celles à venir.

- Où suis-je, demanda finalement Harry?

- Tu es dans mon manoir, répondit Severus en s’approchant de lui.

Il ne s’approcha pas trop, sachant que le jeune homme aurait de la difficulté avec la proximité des corps.

- Que…comment…quand…Lucius …?

- Je comprends que tu sois confus, Harry, on le serait à moindre. Laisse-moi te donner cette potion, c’est simplement une potion calmante et ensuite je vais tout t’expliquer, promit Severus.

Harry, habitué à obéir, avala la potion sans broncher, sans s’opposer. Bien que cette attitude facilitait sa tâche, Severus savait que c’était un mauvais signe, un très mauvais signe.

- Tu es arrivé ici il y a quatre jours, entama alors Severus, tu as perdu conscience devant le pas de ma porte, je t’ai alors soigné et j’ai attendu que tu te réveilles. Comment tu as pu te trouver dans cet état, et bien c’est à toi de me le dire, malgré que je puisse imaginer mille et un scénarios.

- Lucius…, fit Harry avant de se taire rapidement.

Un éclair de frayeur passa dans son regard. Il avait trahi Lucius, il était partit. Lucius serait certainement en colère contre lui. Harry se tendit en songeant aux évènements passés. Pourquoi avait-il fuit? Oui Lucius avait été en colère contre lui, mais cette colère avait été justifiée, Harry faisait toujours en sorte de l’enrager, il était vraiment idiot.

- Lucius est dans son manoir. Il va bien. Il te cherche bien sûr, mais ce que je vais te dire est très important Harry, tu n’es pas obligé de retourner avec lui, tu peux demeurer ici, il y a suffisamment de place pour nous deux.

- Je dois retourner près de lui, dit Harry doucement. Il va m’attendre. Je ne peux vivre sans lui. Je l’aime…

- Peut-être serait-il prudent de ne pas y retourner Harry, après tout, regarde dans quel état il t’a mis, il aurait pu te tuer.

- Je l’ai enragé, c’était de ma faute….

- Ce ne sera jamais de ta faute, Harry, fit Severus un peu plus fortement qu’il ne le voulait. Comprends bien ceci, tu ne seras jamais à blâmer…Lucius agit, toi tu subis. Tu ne ferais rien qu’il te battrait à nouveau.

- Il ne me bat pas!

- HA non? Et que fait-il, s’indigna Severus?

- Il…il…m’aime, comme personne ne pourra le faire…il m’aime….

Malgré tout…malgré ma laideur…malgré mon passé…malgré toutes les personnes que j’ai tuées…

Severus secoua la tête, il semblait n’y avoir rien à faire, Harry était persuadé de cet amour, il était persuadé de cette authenticité, comment le convaincre que c’était tout faux, comment le convaincre autrement…comment briser toutes les croyances que Lucius lui avait imposées.

Severus constata alors à quel point Harry était brisé. Même Voldemort, avant que Harry ne le tue une bonne fois pour toute, ne l’avait pas autant brisé. Il soupira en sentant sa poitrine se serrer, en sentant qu’il n’y avait rien à faire. Harry était un adulte il ne pouvait pas le retenir contre son gré, il ne pouvait pas lui imposer de ne plus jamais revoir Lucius. Il pouvait essayer de le raisonner, mais il savait que Harry avait tellement été mentalement manipulé que ses efforts étaient pratiquement voués à ne rien produire.

- Et s’il te bat encore, Harry? Et si tu n’as pas la force de transplaner à nouveau et s’il te brise tellement que tu rejoindras les Londubat à Sainte-Mangouste?

Une lueur de crainte passa encore une fois dans le regard du jeune homme, mais fut rapidement remplacée par un déterminisme étonnant.

- Lucius sait quoi faire, si j’en viens là c’est que je l’aurai mérité. Lucius doit me punir…autrement je vais toujours mal agir, autrement je ne serai pas capable de devenir un homme…un vrai homme.

- L’amour ce n’est pas cela, Harry. Tu pourrais te trouver quelqu’un qui t’aimera autant, sinon davantage que Lucius et cette personne ne te blessera pas.

- C’est faux. Personne ne peut m’aimer, seul Lucius en est capable. Je veux le voir, je veux retourner à lui.

Severus soupira, résigné, il ne pouvait absolument rien faire. Il allait regarder Harry se lancer dans le vide sans parachute, il allait même l’aider à sauter.

- Je vais le contacter, je vais lui demander de te voir, Harry, mais je veux que tu réfléchisses bien. Tu as le droit de désirer demeurer ici, tu as le droit de te séparer de Lucius. Tu as le droit de vivre ta vie.

Il hocha sa tête, sachant pertinemment qu’il retournerait avec l’homme de sa vie, même s’il devrait payer cher sa fuite, même si Lucius lui faisait vivre les pires sévices, de toute façon ça serait mérité, de toute façon il se ferait ainsi pardonner.

Severus sortit de la pièce, se dirigea vers l’antre et c’est la mort dans l’âme qu’il contacta Lucius. Il savait que ce n’était pas une sage décision, mais que pouvait-il faire?

Lucius arriva dans les minutes suivantes, l’air certainement faussement paniqué. Severus le fit attendre au salon, alors qu’il alla chercher Harry dans la suite secrète. Ce dernier, lorsqu’il entendit que Lucius était présent sembla renaître et c’est bien ce qui fit mal à Severus. Il le guida vers le salon, leur disant qu’il serait dans la pièce d’à côté s’il y avait un besoin. Severus ne voulait perdre pas contact avec Lucius, même si avec le temps, avec les années, il en était venu à le détester plus que quiconque. Il ne voulait pas perdre le contact car il savait qu’ainsi il allait perdre le contact avec Harry et ne serait plus en mesure de l’aider…éventuellement. Car il savait bien qu’un jour Harry aurait encore besoin de lui.

La violence conjugale, la jalousie ne partent pas d’elles-mêmes et Lucius n’irait pas avouer qu’il avait un problème.

Harry, dès que Severus fut partit, baissa la tête, s’approchant doucement de Lucius.

- Comment vas-tu, Harry, fit ce dernier calmement?

Harry n’appréciait pas ce calme, car habituellement il était suivit d’une tempête incroyable.

- Je m’excuse, Lucius, je m’excuse d’être partit…fit Harry douloureusement en se jetant aux pieds de l’homme en agrippant sa taille, en couchant sa tête sur ses genoux. Je suis vraiment désolé. Je ne partirai plus, je te le promets…

- Tout ceci est bien beau, Harry. Mais je croyais t’avoir demandé comment tu allais.

- Je m’excuse…Je vais bien Lucius.

Il se sentait si faible, il se sentait si misérable, il se sentait si sale. Lucius avait tellement fait pour lui et voilà comment il le remerciait. C’était certainement une piètre récompense.

- Bien, bien, fit Lucius en passant une main dans les cheveux du jeune homme, une main qui le caressait doucement. C’est moi qui te dois des excuses, Harry. J’ai mal agit, je n’aurais jamais dû te faire du mal. Je t’implore, mon bel amour, peux-tu revenir au manoir avec moi.

Harry se sentait au Paradis, c’était le Lucius qu’il avait connu, il avait tellement raison de l’aimer.

- Je vais revenir, Lucius…je t’aime.

- Je te promets de ne plus te blesser, Harry.

Harry lui sourit franchement en le serrant davantage.

Lorsque Harry partit, suivit de Lucius, quelques minutes plus tard, Severus s’assit sur le divan que venait de quitter ses invités et il pleura. Il savait que tout ce que Lucius avait pu promettre se révèlerait faux, il savait que Harry en ressortirait blessé, il craignait finalement que le jeune homme en soit tué.

Il pleura franchement, se désolant de n’avoir pu rien faire, sachant qu’il allait observer de loin, Harry se faire gruger lentement par la bête…