La femme de son ennemi

Il l'avait poussée dans sa chambre. Il l'avait laissée seule.
Elle chancela. Jamais elle n'avait éprouvé un tel sentiment d'impuissance et de terreur. Elle avait vraiment cru que Venom allait la violer. Persuadée qu'il ne se contrôlerait pas et qu'il la tuerait de manière effroyablement douloureuse durant le processus, elle n'avait vu d'échappatoire que dans une mort plus rapide.

Un nouveau vertige la saisit. Elle avait complètement craqué. Pourvu que Peter ne l'apprenne jamais...
quel triomphe pour Venom !
Pourtant... il s'était arrêté.
Se pouvait-il qu'il reste une parcelle d'humanité en lui ?
Peut-être avait-elle une toute petite chance.

Deux minutes...

Elle se redressa, et rassembla ce qui lui restait de courage et d'énergie.

Elle sélectionna un slip ordinaire de coton blanc, un épais pantalon de jogging et un vieux sweat informe qu'elle avait gardé pour son confort et les enfila à toute vitesse.
Ses yeux revenaient sans cesse à la porte. Elle avait encore du temps pour une paire de chaussettes et des running. Un nouveau coup d'œil sur le palier, et elle se précipita dans la salle de bains pour attraper un élastique à cheveux et se faire une queue de cheval à la hâte.

Elle était aussi prête que possible. Elle voulut se diriger vers le salon. Et resta figée.

Elle savait qu'il valait mieux ne pas énerver Venom, quelles que soient ses intentions à son égard. Mais elle ne parvenait pas à avancer. Son corps refusait tout simplement de faire les mouvements qu'elle lui demandait. Elle essaya de faire preuve de volonté, et sentit sa respiration s'accélérer, son cœur cogner dans sa poitrine.

La porte s'ouvrit à la volée et alla heurter la paroi, arrachant des éclats de plâtre au mur. Le monstre s'impatientait.

Venom la regarda de haut en bas et renifla.
« Très sexy » fit il avec ironie.

Il ne leur avait pas échappé qu'elle avait enfilé la tenue la moins attrayante possible, et choisi la coiffure la moins flatteuse.
Aucune importance.

En deux pas ils furent sur elle. Ils passèrent leur bras autour de sa taille et leur main glissa sur ses fesses pour lui saisir la cuisse. Ils la soulevèrent et l'installèrent sur leur hanche à la manière dont un parent porte un jeune enfant. Ils tournèrent la tête vers elle: leurs visages se touchaient presque. Son souffle mentholé effleura un instant leurs lèvres et elle se détourna.

- Passe tes jambes autour de notre taille et tes bras autour de notre cou »

murmurèrent-ils d'une voix rauque contre sa joue.
A leur grande surprise, elle obéit sans discuter.
Ils l'emportèrent avec eux, et la laissèrent déverrouiller la baie vitrée au lieu de la briser comme ils l'auraient fait s'ils avaient été seuls.
Ils reprirent le visage de Venom, et ils s'élancèrent dans la nuit.

Ils traversaient le Qeens à vive allure.
Mary Jane avait enfoui son visage contre l'épaule de son ravisseur et s'accrochait à lui de toutes ses forces.
Elle avait toujours apprécié d'être ainsi transportée par voie aérienne avec Peter. A présent, elle se demandait si elle serait encore capable de le supporter, en admettant qu'elle survive à cette nuit.

Alors que Spiderman se balançait avec fluidité d'immeuble en immeuble à l'aide de son fil, Venom préférait sauter de toit en toit. Il n'utilisait que rarement de sa toile, mais faisait des bonds impressionnants qui la secouaient violemment, et l'obligeaient à serrer les dents, afin qu'elles ne claquent pas à chaque rebond.
Elle était déchirée entre l'horreur que lui inspirait la proximité du monstre et la peur qu'il ne se décide à la lâcher.

Venom fit une pause.

Un vent glacial fouetta le visage de la jeune femme. Elle ouvrit les yeux.
Ils étaient perchés sur une poutrelle d'acier, au-dessus de l'East River. Elle reconnut immédiatement la structure métallique du pont de Queensboro. Un rire hystérique se forma dans sa gorge. Elle avait déjà failli perdre la vie ici, plusieurs années auparavant, lorsqu'un autre ennemi de Peter s'en était pris à elle. A l'époque, Norman Osborne avait mieux compris qu'elle les sentiments que lui vouait Peter Parker, alias Spiderman.
Elle ne connaissait pas encore sa double identité, ne le fréquentait qu'en tant que meilleur ami... et avait le béguin pour le héros qui l'avait sauvée d'une bande de voyous.
Osborne s'était servi d'elle pour tenter de briser son ennemi.
L'histoire ne cessait de se répéter.
Elle regarda les eaux noires qui reflétaient les milliers de lumières de la ville et du pont. Elle se sentit... presque calme. Anesthésiée.
- Vas-tu achever le travail du Bouffon Vert ?

Il fixait Roosevelt Island et semblait distrait.
- Hmmm? Pourquoi Nous parles-tu de ce guignol?
Il la regarda, et même à travers l'apparence monstrueuse du symbiote, elle le vit froncer des sourcils.
- Tu es gelée. Nous allons te réchauffer. De toute façon Nous allons avoir besoin de nos deux mains.

Avant qu'elle ne puisse lui demander une explication, le parasite noir se mit à la recouvrir, la liant au corps de Brock. Elle hurla et se débattit, inconsciente du fait qu'elle se trouvait en hauteur, à près de 100 mètres des eaux noires de l'East River.

Il resserra légèrement sa prise, puis susurra:

- Hmmm... Nous adorons lorsque tu gigotes ainsi contre nous... »

ce qui eut pour effet de la calmer immédiatement.
Il riait encore lorsqu'il s'élança à pleine vitesse sur les poutrelles d'acier du pont.