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Balance

By: Saturne
folder French › Anime
Rating: Adult ++
Chapters: 4
Views: 1,255
Reviews: 7
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Disclaimer: I do not own the anime/manga that this fanfiction is written for, nor any of the characters from it. I do not make any money from the writing of this story.
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Part 1: Spiritual 1/4

Auteur : Sailor Mac

Traductrice : Saturne

Disclaimer : Hikaru no Go n’appartient ni à l’auteur de cette fanfic, ni à moi. L’histoire et à Sailor Mac. La traduction est à moi.

Rating : M ! Yaoi explicite à venir dans les prochains chapitres.

NdT : Je me lance dans la traduction de yaoi. J’ai fait de mon mieux. J’espère que ça vous plaira. Il y a certains termes du manga dont je ne suis pas sûre, puisque je n’ai pas les mangas chez moi. Si vous voyez une erreur, merci de me la signaler. Je sais que je ne suis pas encore tout à fait au point, mais le premier qui râle et je vous mets pas la suite lol. Bon par contre ce site est nul, j\'ai rien capté à leur système et du coup j\'ai rien pu mettre en gras ni en italique... Désolée.

Attention ! Cette histoire contient des relations homosexuelles explicites ! Vous êtes prévenus ! Je ne veux voir personne se plaindre.
Si ça ne vous plaît pas, appuyez sur la jolie croix en haut à droite, ou allez voir sur le site de Disneyland si j’y suis.

Bonne lecture ! Et n’oubliez pas les reviews, ou je traduirai lentement ! (oui, c’est du chantage)


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D’après les autorités du monde entier, il existe cinq différents types de bien pour lesquels luttent les êtres humains : Physique, Mental, Emotionnel, Spirituel et Social. Une vie saine et heureuse consiste à garder ces cinq éléments en équilibre.


BALANCE
A Hikaru no Go Sekkushiaru Roman Series
By Sailor Mac

PARTIE UNE : SPIRITUEL (1/4)


Il régnait un calme anormal dans la salle d’observation de la Chambre du Profond Secret quand Waya y entra. Normalement, il y avait un bourdonnement de conversation alors que la partie passé sur l’écran progressait, et que les observateurs essayaient de prédire le prochain mouvement, critiquaient ou louaient les joueurs, ou déclaraient l’inévitable \"Là si c’était *moi*…\"

Mais aujourd’hui, il n’y avait rien d’autre que le son *pachi* des pierres de Go étant placées sur le damier alors que la partie était recrée par les observateurs. Et il y avait assurément beaucoup de gens qui observaient. Waya ne se rappelait pas avoir déjà vu la salle si bondée.

Bien sûr, ça faisait longtemps qu’on avait pas autant parlé et attendu une partie.

Il jeta un coup d’œil rapide dans la salle. Tous les gros morceaux s’étaient déplacés pour l’occasion, d’accord. Ogata était assis en face du vieux Kuwabara, tous deux étudiant l’écran intensément. Kurata se trouvait quelques places derrière eux.

*Bon sang, qu’est-ce qu’il y a à propos de Shindou*, pensa-t-il, *qui attire toujours autant l’intérêt?*

Il entreprit de traverser lentement la pièce, en passant devant tous les joueurs de go de longue date . . . les hommes vêtus constamment en costard cravate, la plupart d’entre eux avec une cigarette fixée en permanence à leurs doigts . . . du moins, quand ces doigts ne tenaient pas de pierre de Go.

Il aurait été impossible à Waya de contraster plus avec eux. Il portait un blouson épuisé, un T-shirt vert et un jean bleu, et ses cheveux bruns dépassant de partout. Les anciens semblaient toujours enchantés par ce style de vêtements . . . ça le marquait comme faisant partie de la “nouvelle vague” de joueurs, ceux qui étaient supposés tirer le Go japonais de son actuel faible rang par rapport aux autres pays asiatiques.

*Qui je crois tromper?* songea Waya. *Ce n’est pas de moi qu’ils parlent. C’est toujours Shindou. Shindou et Touya.*

Il repéra Isumi au fond de la salle, à l’un des Gobans. La tête aux cheveux sombres du jeune homme était penchée sur le damier alors qu’il reproduisait ce qui était sur l’écran, et il fronçait légèrement les sourcils. Ce qui pouvait traduire soit une concentration intense . . . ou une réaction à Shindou faisant n’importe quoi.

\"Hey,\" dit Waya, en se laissant glisser sur la chaise en face de lui. \"Comment il s’en sort?\"

\"Jette un oeil,\" répondit Isumi, en balayant les pierres du damier et en commençant à les poser une à une, recréant la partie depuis le début. \"Shindou est Noir.\"

Waya grogna intérieurement alors que les motifs commençaient à se déployer devant lui. Shindou était en train de craquer sous la pression, d’accord.

\"Quel idiot!\" dit-il tout haut. \"Regarde ça! Il a attaqué trop tôt ici, et oublié de bloquer là . . . et puis qu’est-ce que ça veut dire *ce* mouvement?\" Il se renversa en arrière, les bras croisés sur sa poitrine, et poussa un profond soupir de dégoût. \"Oublie ça. Il est fichu.\"

Mais Isumi dit, calmement, \"C’est exactement ce qu’il veut que son adversaire pense.\"

\"Qu’est-ce que tu veux dire? Comment pourrait-on jouer comme ça exprès? Surtout si on a des résultats comme ceux de Shindou?\" Mais il devait admettre que les résultats de Hikaru étaient . . . inhabituels. Bon sang, il était juste de dire que c’était bizarre. Qui donc était déjà sorti d’un enchaînement de défaites pour devenir pro et se trouver là où était Shindou à présent?

\"Tu devrais savoir depuis le temps que la seule chose prévisible chez lui, c’est qu’il est imprévisible,\" dit Isumi, en reportant son regard sur l’écran.

\"Est-ce que tu penses vraiment qu’il peut . . .\"

A cet instant, il y eut une exclamation collective à travers la salle, et Waya reporta ses yeux sur l’écran.

*Bon sang!* pensa-t-il en clignant des yeux, stupéfait, *Il l’a encore fait! Mais comment il fait ça*?

Le jeu censé être bâclé de Hikaru venait de se révéler être un mouvement brillant. Soudain, il avait le contrôle de la situation, et gagnait le territoire que Waya était certain qu’il avait perdu . . . et son adversaire était pris complètement au dépourvu.

La partie entrait dans la phase finale, et Waya savait par expérience que lorsque Hikaru arrivait au yose avec l’avantage, il ne perdait presque jamais. *Bon dieu, il va le faire,* pensa-t-il. *Comment aurait-on pu croire . . .*

Il ne se souvenait que trop bien de lorsqu’il était assis dans cette même salle avec Ochi pendant que Shindou jouait sa partie de premier Dan contre Touya Koyou – une partie encore plus bizarre que celle-ci – et que tous deux se demandaient, encore et encore, \"Qui *est* Shindou?\"

Cette question, Waya se l’était posée depuis le jour où son ami était entré pour la première fois dans la classe Insei, se proclamant rival de Touya Akira alors qu’il savait à peine jouer. Et il se demandait s’il en connaîtrait vraiment un jour la réponse.

Il regarda à nouveau l’écran. Rien ne se passait, rien ne s’était passé depuis plusieurs minutes. Hikaru avait bien piégé son adversaire.

Puis, ils virent la tête du vieil homme venir au-dessus de l’image du damier alors qu’il s’inclinait. Personne n’avait besoin d’entendre ce qui était dit – c’était évident qu’il abandonnait.

Il y eut un soudain et lourd soupir de soulagement, comme si tout le monde dans la salle avait retenu sa respiration durant la partie entière. Et alors, tous se mirent à parler en même temps, rapidement, comme s’ils avaient hâte de lâcher tous les mots qu’ils s’étaient retenus de dire.

La porte s’ouvrit, et les pros commencèrent à sortir en foule dans le hall, en discutant comme des spectateurs de théâtre qui viendraient d’assister à la première d’une représentation sensationnelle.

\"Tu penses qu’on va réussir à entrer là-dedans pour l’écouter commenter la partie?\" dit Isumi.

Waya secoua la tête. \"Entre les journalistes et les vieux, il n’y aura pas un centimètre de libre dans cette pièce. Attendons dans le hall – on pourra peut-être l’attraper quand il ira vers l’ascenseur.\"

Il savait qu’ils pourraient obtenir une explication de la partie plus tard, dans une séance supplémentaire, juste pour leur petit groupe. Pour sa part, Waya avait hâte de l’entendre – bien qu’il se demandait s’il comprendrait vraiment mieux le style de jeu de son ami après ça.

Tous deux restèrent silencieux dans le hall pour ce qui sembla une éternité, regardant de temps en temps les gens qu’ils voyaient entrer et sortir de la salle de tournoi, jusqu’à ce que, enfin, la porte s’ouvre et leur ami émerge, semblant plus soulagé qu’autre chose.

Hikaru avait même mis un costume pour l’occasion, ce qui changeait énormément de ces ensembles habituels de T-shirts ou survêtements de sport et jeans, et ses cheveux – blonds devant, noirs derrière – étaient bien coiffés.

*Je crois qu’il ne nous a pas encore remarqués,* pensa Waya. Il agita la main pour attirer l’attention de son ami. \"Shindou!\"

\"Waya! Isumi-san!\" Hikaru se rua vers eux. \"Vous avez regardé?\"

\"On a vu!\" dit Isumi, en tapant son ami dans le dos. \"A la fin . . . tu étais stupéfiant!\"

\"Mais à quoi tu pensais au milieu de la partie?\" dit Waya. \"J’ai pensé que tu allais tout foirer!\"

Mais il n’obtint pas sa réponse, car la porte de la salle de tournoi s’ouvrit à nouveau, et un flot de personnes avec des calepins et des appareils photographiques en jaillit, se dirigeant vers Hikaru comme un essaim d’abeilles volant vers un lit de fleurs.

*Mince*, pensa Waya, *ça doit être gros . . . ils doivent avoir envoyé chaque reporter de Go du pays!* \"On veut sortir fêter ça avec toi une fois que tu auras fini avec ces gens,\" dit-il rapidement à Hikaru.

\"Bien sûr,\" dit Hikaru, en parcourant des yeux le corps de presse qui trépignait. Et en un éclair, ils l’avaient entouré, le faisant disparaître de la vue de ses amis.

\"On attendra en bas,\" dit Isumi. Ils se tournèrent pour marcher vers les ascenseurs, mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Le hall grouillait de pros, qui parlaient tous avec enthousiasme de ce qu’ils venaient de voir, comme s’ils voulaient savourer chaque morceau de la partie.

\"Puisque je te le dis, c’est Shindou,\" il entendit quelqu’un dire. \"Lui et Touya . . . enfin le Go japonais a un futur.\"

L’ascenseur arriva, et les deux garçons y entrèrent. \"Bon sang,\" dit Waya. \"Je suis content qu’on s’en sorte.\"

\"On ne va pas s’en sortir comme ça,\" dit Isumi, calmement. \"Les gens vont en parler pour un bon bout de temps\"

Waya devait admettre qu’il avait raison. Après tout, c’était loin d’être un événement qui se déroulait tous les jours dans le monde du Go.

Un an après être devenu pro avec un enchaînement de défaites, Shindou Hikaru, 16 ans, venait de réussir dans la Ligue Honinbou.


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Touya Akira luttait contre le besoin pressant de regarder sa montre.

Il était assis à la table en forme de U au milieu de la grande salle principale de la communauté, sur laquelle se trouvaient six gobans. Derrière chaque damier il y avait un homme d’âge mûr en costume, montrant des degrés variés d’intérêt sur ce qui se déroulait.

Le décharné avec ses cheveux gris comme l’acier était penché en avant et son nez touchait presque le damier, lui louchant dessus ; le petit et trapu avec sa crête sur le devant donnait l’impression qu’il allait s’endormir, le musclé avec ses cheveux blancs en brosse jetait des coups d’œil furtifs aux autres damiers puis regardait à nouveau le sien, comme un enfant essayant de tricher lors d’un contrôle.

Akira était assis sur une chaise pivotante au milieu, faisant très jeune pro – il était habillé d’un costume bleu et portait une cravate rayée, ses cheveux vert sombre lui arrivant à hauteur du menton, parfaitement en ordre. Il tournait d’un damier au suivant, regardait la partie, effectuait un rapide calcul mental, et ensuite plaçait sa pierre.

Le jeune pro était habitué au Shidou-go (NdT : jouer plusieurs parties en même temps. Ici, six.) fois six depuis le temps. Après tout, il était très demandé pour des leçons, encore plus depuis que son père s’était retiré il y a un an et demi.

Mais aujourd’hui, il avait du mal à maintenir la profonde concentration qu’il maintenait d’ordinaire pour quelque chose comme ça. Parce qu’il savait qu’il voulait être à un autre endroit.

*Il est sans doute en train de clore la partie, s’il ne l’a pas déjà finie*, pensa Akira. *Et s’il a gagné, il m’a enfin rattrapé après tout ce temps.*

Il ne le pouvait pas. Il devait rester devant Shindou. Il le devait. Parce que s’il laissait Shindou le surpasser, il n’y avait aucun espoir pour aucun d’entre eux d’atteindre le Coup Divin.

*Tu m’as poursuivi depuis si longtemps,* pensa-t-il, *et je ne t’ai jamais laissé m’attraper. Et je ne suis pas prêt à le faire maintenant. Si tu as gagné cette partie . . . si tu es à égalité avec moi maintenant . . . j’irai encore plus haut et plus haut, jusqu’à ce que tu ne puisses jamais me rattraper, peu importe à quel point tu travailles dur et longtemps.*

Le souvenir de sa propre entrée dans la Ligue Honinbou ne cessait de se rejouer dans son esprit, comme une cassette coincée dans une boucle sans fin. Shindou se précipitant dans la salle, lui disant qu’il était de retour et prêt à jouer contre lui . . . et lui-même avait répliqué, \"Suis-moi!\"

A cet instant, il avait été envahi d’un profond sentiment de soulagement. Il avait cru qu’il avait perdu son seul vrai rival.

Son père lui avait dit, quand il était petit, que la meilleure chose que pouvait avoir un joueur de Go était un rival pour le pousser plus loin. Akira avait demandé quand est-ce qu’il saurait qu’il avait trouvé le sien.

\"Trouver ton vrai rival est comme trouver ton vrai amour,\" lui avait dit Touya Kouyo. \"Quand ça arrivera, tu *sauras*.\"

Et puis, quelques années plus tard, Shindou Hikaru était entré dans le salon de Go de son père . . .

Akira plongea à nouveau sa main dans le goke, en tira une pierre lisse et blanche et la mit sur le damier devant lui avec un *pachi* sonore. Le joueur en face de lui n’avait pour sûr aucune maîtrise du jeu. Il plaçait juste des pierres au hasard, sans même essayer de les connecter, ni même d’essayer de construire des forteresses.

D’habitude, Akira était patient avec les gens comme ça, et prenait du temps pour expliquer exactement ce qui n’allait pas. Aujourd’hui, il voulait juste en finir avec ça. Il n’avait pas réussi à se tirer de cet engagement ; l’homme qui avait organisé le groupe de shidou-go était un vieil ami de son père.

*Je devrais être là-bas,* pensa-t-il, *tout comme j’étais là pour la partie premier dan de Shindou*. Bien sûr, on avait attendu de lui qu’il soit là . . . son père était l’adversaire du garçon, après tout.

Mais il savait qu’en vérité il avait attendu cette partie parce que Shindou l’intéressait, pour voir sa force, comment il jouait contre son père. Et l’étrange partie qui s’en était résultée avait été une déception – mais toutes les parties contre Shindou n’avaient-elles pas été étranges et frustrantes?

*Shindou a été un mystère pour moi depuis notre rencontre,* pensa-t-il.

Il jeta un regard à la ronde aux damiers. Toutes les parties progressaient lentement. Ils n’auraient fini que dans une demi heure ou plus.

Il ne pouvait plus attendre. Il fallait qu’il *sache* ce qu’il s’était passé.

\"Pourquoi ne ferions-nous pas une pause,\" dit-il à l’assemblée des joueurs, \"et on recommencera dans à peu près dix minutes?\"

\"Aaahhh, bien,\" dit l’homme-au-nez-sur-le-damier, en se levant et en étirant son dos, ce qui fit entendre une série de craquements et de bruits secs qui ressemblaient à ceux d’un feu étouffé. \"De toute façon ça fait bien trop longtemps que je suis assis.\"

\"Je préfère tout de même le shougi,\" marmonna le tricheur de pacotille, en courant vers les toilettes des hommes.

Akira plongea dans un coin et sortit son téléphone portable. Le numéro de Shindou était le quatrième dans le répertoire de son portable. Il appuya sur la touche *appel* et écouta la sonnerie, en réalisant que les battements de son cœur accéléraient . . .

Et quand ça répondit, tout ce qu’il entendit fut un répondeur qui disait, \"Votre correspondant est injoignable actuellement . . .\"

Son cœur se serra. Est-ce que ça voulait dire que la partie était encore en cours? Ou que Shindou avait perdu, et était rentré chez lui?

Il parcourut l’écran de son annuaire rapide à nouveau, en cherchant le numéro de la maison de Shindou, et l’essaya. Un autre répondeur. \"Vous êtes bien chez les Shindou, nous ne pouvons vous répondre actuellement . . .\"

Akira enfonça le bouton “fin”, déçu. *Typique de Shindou*, pensa-t-il, *Il a sans doute oublié de l’allumer. Il savait que j’allais l’appeler . . .*

Il ne savait pas pourquoi, mais il sentait l’impatience monter en lui.

*Il y a beaucoup de choses que je ne peux pas comprendre lorsqu’il s’agit de Shindou*, pensa-t-il. *Ca a toujours été le cas.*

Et il savait que comprendre ce mystère était aussi important pour lui que le Go lui-même, et que ça avait toujours été le cas.


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\"Hikaru!\" Fuku, un garçon joufflu aux yeux louchant en permanence, se leva de la table près de la vitrine du café Igo Trip et agita les bras. \"On est par ici!\"

Hikaru marcha dans sa direction, flanqué de Waya et Isumi. Ochi et Honda étaient déjà là, menu en main, et tous trois se levèrent alors que leur ami approchait de la table. Fuku saisit sa main et la secoua si fort que Hikaru crut qu’il allait l’arracher et la mettre en orbite. Ochi . . . semblait un peu moins obstinément renfrogné que d’habitude. Ce qui n’était pas peu dire.

\"Salut, les gars!\" dit Hikaru.

\"Il a bien failli ne pas venir,\" dit Waya. \"Encore un peu et on devait le traîner loin des journalistes.\"

\"Ils te rendaient cinglé?\" demanda Fuku alors que tous trois s’asseyaient.

\"Ils le suivaient jusque dans l’ascenseur\" dit Waya, en prenant un menu.

\"Et les autres joueurs voulaient tous lui parler,\" ajouta Isumi.

\"Ils se battaient tous pour essayer d’attirer son attention,\" dit Waya. \"C’était trop drôle! C’était comme regarder un groupe de filles hystériques devant une star du rock!\"

Mais alors même qu’il disait ça, il sentait une forte pointe de jalousie dans son cœur. *Pourquoi lui?* se demandait-il. *Je suis devenu pro en même temps que lui. Je suis allé à toutes mes parties, et lui il a laissé tomber. Mais c’était lui qui a joué dans la Coupe Hokuto, et maintenant il est dans la Ligue Honinbou. Comment c’est arrivé? Ce n’est pas logique . . . mais depuis quand il y a-t-il quoique ce soit de logique à propos de lui?*

En fin de compte, pourtant, il devait admettre qu’il *était* heureux pour lui. Et il savait que la victoire de Hikaru ne ferait que le faire travailler lui-même plus dur, jusqu’à ce qu’il réussisse dans la Ligue lui aussi.

Pendant ce temps, Hikaru se contenta de rester assis calmement alors que ses amis parlaient autour de lui, les yeux baissés sur le menu . . . ça lui donnait quelque chose où poser ses mains, ses yeux . . .

Il n’était pas certain de vraiment vouloir être là à cet instant. Il voulait du temps pour digérer ce qu’il venait de se passer. Mais ses amis avaient insisté, et l’avait presque amené par la peau du cou.

A cet instant, tout semblait tout simplement irréel. *Je vais sans doute me réveiller dans quelques minutes,* songeait-il, *et me rendre compte que tout n’était qu’un rêve.*

\"Même Kuwabara s’est montré,\" était en train de dire Waya.

\"Kuwabara? Je ne l’ai pas vu,\" dit Honda.

\"Juste devant, à côté d’Ogata,\" répondit Waya, en regardant aux alentours. \"Hé, quelqu’un a vu notre serveuse?\"

\"Je n’y ai pas vu Touya Akira,\" dit Ochi, calmement, en scrutant avec insistance Hikaru, de ses yeux minuscules, à travers ses énormes lunettes rondes.

Ses mots enfoncèrent une lame de glace dans le ventre de Hikaru. Il savait que Touya ne serait pas là . . . mais pourtant . . .

*J’avais espéré qu’il se sortirait de son engagement,* pensa-t-il. *Je voulais qu’il soit là . . . qu’il me voie enfin me hisser à son niveau . . .*

\"Feh,\" dit Waya, en croisant ses bras et en s’affaissant un peu. \"Il était sûrement trop prétentieux pour venir.\"

\"Waya!\" dit Isumi à son ami, en fronçant les sourcils.

\"Eh bien, c’est la vérité!\"

\"Ca ne ressemble pas à Touya de manquer quelque chose comme ça,\" dit Ochi, calmement. \"Il a toujours été beaucoup trop intéressé par Shindou.\"

Les doigts de Hikaru se glissèrent dans sa poche et enveloppèrent son téléphone portable. *J’ai dit que je l’appellerai,* pensait-il. *Je n’aurais pas dû les laisser me traîner ici. Peut-être que je peux m’éclipser et . . .*

Mais le cours de ses pensées fut interrompu par l’arrivée tardive de la serveuse. \"On va prendre un grand bol de ramen pour *lui*,\" disait Waya, en désignant Hikaru, \"et on paye pour lui!\"

Hikaru soupira intérieurement. *J’essayerai de sortir quelques minutes,* pensa-t-il.

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Akira salua le dernier client et quitta l’établissement, marchant en direction de l’entrée du métro au coin.

Il avait essayé de rappeler le portable de Shindou à la fin des parties. Toujours aucune réponse.

*Je pourrais simplement appeler quelqu’un d’autre,* pensait-il en descendant les marches de la station de métro. *Ogata pourrait me dire s’il a gagné. Ou n’importe quelle personne de mon groupe d’étude. . . J’appellerai Ogata quand je serai à la maison.*

Mais pour une raison insondable, il voulait l’entendre de la bouche de Shindou lui-même. Et il trouvait ça tout aussi intrigant que tout ce qui rapportait à Hikaru.


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Isumi revint dans le café, en plaçant son portable dans sa poche. Il était sorti pour répondre à l’appel de Nase . . . c’était beaucoup trop bruyant à l’intérieur pour continuer la conversation.

Il regarda à leur table et fronça les sourcils. Il manquait quelqu’un.

\"Où est Ochi?\" demanda-t-il.

Hikaru et Waya se regardèrent, et ils se mirent à rire. Fuku se répandit en une série de hauts petits gloussements, et sur le visage de Honda s’étalait un gros et large sourire.

\"Oh, mon gars, t’as manqué quelque chose,\" dit Waya. \"La serveuse lui a amené le mauvais type de thé, et ils se sont disputés en se criant dessus. Elle lui a demandé si *tout* chez lui était aussi minuscule que ses petits yeux en trous de vrille. Il est devenu *écarlate*. C’est la chose la plus drôle que j’aie vu depuis que Kurata s’est soûlé . . .\"

Hikaru frissonna à ce souvenir. Il ne l’avait pas trouvé si drôle, mais plutôt . . . inquiétant. L’incident s’était déroulé lors d’une fête après un tournoi, attendue aussi bien par les dans supérieurs que inférieurs. Le corpulent 7ème dan avait descendu assez de sake pour terrasser un régiment entier, puis il avait bondi le long de la salle en secouant son derrière imposant et en beuglant \"Bad\" de Mickael Jackson de toute la force de ses poumons.

\"Et alors il s’est précipité en furie vers les toilettes, comme il le fait quand il perd,\" dit Waya. \"Il n’est pas encore revenu.\"

\"Nase te transmet ses félicitations, Hikaru,\" dit Isumi, en retournant s’asseoir à côté de Waya. \"Elle te verra quand elle reviendra mardi. Elle ne voulait pas y aller, mais sa famille avait prévu ce voyage depuis des mois.\"

Hikaru porta sa main à sa poche et tripota son propre portable. A nouveau, il se demandait s’il devrait aller dehors et appeler Touya.

*Mais c’est trop tard,* pensa-t-il. *Il est sûrement au lit maintenant. Je ne veux pas le réveiller . . . on ne ferait que se crier dessus.*

Il poussa un profond soupir, sachant qu’il n’avait pas d’autre choix que de lui dire en personne le lendemain.

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Akira émergea du métro et tourna à gauche. Il n’était pas descendu à la station au plus près de chez lui. A la place, il était descendu à celle proche de l’Institut de Go.

Il se disait que c’était pour qu’il puisse voir s’il y avait quelqu’un du Weekly Go qui rôdait autour du bâtiment – il y avait presque toujours quelque personnel à tout moment du jour et de la nuit – pour qu’il puisse les questionner à propos des résultats de la partie.

Mais il y avait toujours ce désir mystérieux et hargneux de l’entendre uniquement de Shindou lui-même.

La rue dans laquelle il marchait était à la fois familière, et pas si familière. Les fenêtres de la plupart des bureaux étaient sombres, et il n’y avait aucun autre piéton. Même les voitures semblaient éviter cette zone à cette heure de la nuit.

*Pourquoi est-ce que je fais encore ça?* pensa-t-il. *Pourquoi est-ce que je pourchasse Shindou, et le pousse à me pourchasser? Pourquoi est-ce plus important que la vie elle-même que je reste un pas devant lui? Il est mon principal espoir d’atteindre le Coup Divin, oui . . . mais pourquoi est-ce que je ressens qu’il y a *plus* que ça?*

Devant lui il y avait la vitrine du café Igo Trip, qui rayonnait de manière presque dénaturée contre les ténèbres qui l’entouraient. Le restaurant était ouvert presque 24h/24, attrapant tous les joueurs de Go qui traînaient autour de l’Institut après que le MacDonald et l’échoppe de ramen aient fermé. Ce n’était jamais un endroit privilégié pour les joueurs les plus jeunes.

Mais alors que Akira passait devant la vitre, il y avait pourtant un groupe d’adolescents à l’intérieur. Et au milieu d’eux se trouvait un Shindou Hikaru souriant et riant.

Akira resta enraciné sur place, ses yeux collés à la scène en face de lui. *Il doit avoir gagné*, pensa-t-il. *Il ne serait pas si heureux si ce n’était pas le cas. Mais pourquoi le partager avec eux et non avec moi? Il a dit qu’il me dirait ce qu’il s’était passé.*

Une colère ardente se mit à bouillonner en lui. Il envisagea de se ruer dans le café et de faire face à Hikaru.

Mais la colère se mélangea soudainement avec de la confusion.*Pourquoi est-ce que je ressens ça?* songea-t-il. *Je ne devrais vraiment pas m’en préoccuper. Qu’est-il d’autre pour moi qu’un rival, et parfois un ami?*

Il tourna brusquement sur ses talons, si vite que ses longs cheveux se déployèrent autour de sa tête, et retourna en furie vers la station.

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Hikaru ouvrit la porte de sa chambre et alluma la lumière. Le reste de la maison était silencieux; ses parents étaient allés au lit depuis longtemps.

Ca ne le surprenait ni ne le dérangeait qu’ils ne soient pas allés voir la partie, ou même s’asseoir pour écouter comment il s’en sortait. Ses parents ne savaient toujours rien de sa carrière. Il avait essayé d’expliquer ce qu’était la Ligue Honinbou à sa mère, mais n’était pas allé bien loin. \"Je croyais que tu avais déjà fait cette histoire de ligue,\" avait-elle dit.

\"Non, ça c’était la Coupe Hokuto. C’était un tournoi international spécial.\"

\"Donc . . . ça veut dire que tu vas devoir voyager dans le pays tout le temps, comme les joueurs de baseball de la Ligue Major?\"

A ce moment, il avait abandonné.

Et en ce qui concernait son père – eh bien, il avait juste dit en quelque sorte, \"Bien. Content que ta carrière se passe bien\" et était allé prendre un bain puis au lit, afin qu’il puisse se lever tôt le lendemain et retourner travailler.

Hikaru jeta un coup d’oeil à l’horloge – il était bien plus de minuit. Il savait qu’il devrait vraiment aller dormir lui aussi . . . mais il était trop à vif et excité par ce qu’il s’était passé.

La partie elle-même semblait comme un rêve maintenant. Il savait que ça avait été l’une de ses meilleures. Son adversaire avait été fort, c’est sûr – il avait fait méchamment basculer Hikaru dans les premières tranches du jeu. Mais une fois qu’il avait trouvé son rythme, il s’était installé dans une routine qui n’avait fait que s’améliorer.

Vers le milieu de la partie, il avait été *dedans*, il réfléchissait plus de dix mouvements à l’avance, il n’avait même pas à réfléchir profondément à l’endroit où poser chaque pierre – il *savait*.

Il arracha sa veste et sa cravate, les jeta négligemment sur une chaise, s’assit devant son goban et se mit à disposer les pierres, recréant la partie mouvement par mouvement. *Si seulement Sai avait pu voir ça,* pensa-t-il.

A haute voix, il dit, \"Je l’ai fait, Sai. Je suis dans la Ligue Honinbou . . . Je suis exactement là où Touya est.\"

Touya . . .

Hikaru se sentit horriblement coupable de ne pas l’appeler. Il cessa de poser des pierres et sortit son portable de sa poche. *Je vais l’appeler maintenant,* pensa-t-il. *Je vais m’excuser de ne pas lui avoir parlé avant, et . . .*

Il reposa le téléphone sur le damier, lentement. A quoi pensait-il? On était au milieu de la nuit, et Akira, contrairement à Hikaru, avait décidé d’aller au lycée, alors il avait cours dans la matinée.

*Eh bien, ça a plus de sens si je lui dis en personne, pas vrai?* se dit-il. *Je suis censé le voir au salon de Go de son père demain de toute façon. Il doit aller tout droit à son lycée demain, alors il n’aura pas le temps de parler aux gens du Go, ni de lire le colonne sur le Go dans le journal. . .*

Il se remit à recréer la partie, s’imaginant le faire devant Touya, et les réactions de son rival. *Pour sûr, il va me crier dessus pour ce mouvement*, pensa-t-il, *et me dire que c’est par pure chance que je n’aie pas été coupé juste là . . . il va admettre que ce mouvement était bon, mais avec beaucoup de réticence . . . et c’est *là* qu’il va me demander à quoi je pouvais bien penser . . .*

C’était presque effrayant à quel point il pouvait prédire exactement ça. Il connaissait tellement bien Touya, à ce point.

Ca le frappa, bien qu’ironiquement en quelque sorte, qu’il commençait à voir Touya comme un bon ami. Peut-être son meilleur ami. Et ça l’intriguait. Il passait certainement plus de temps avec Waya et Isumi, et c’était Akari qui le connaissait depuis le plus longtemps.

Les dernières pierres furent placées en position. Il se renversa en arrière, s’appuyant sur ses mains, en contemplant le damier. Quiconque ayant joué avec lui, à qui son style serait familier, saurait que c’était une partie de Shindou Hikaru, tout à fait. Des coups qui ressemblaient à des erreurs, mais qui menaient en fait son adversaire, une attaque féroce à la fin . . .

Il savait qu’il pouvait être fier de cette partie.

Il entreprit de débarrasser le damier, triant les pierres blanches et noires, et les mettant dans leur goke respectif. Il écrirait le kifu de cette partie dans la matinée, et l’amènerait en courant à l’Institut. Il n’avait aucune autre partie ni de leçons au programme . . . rien à part la partie avec Touya.

A nouveau, il imagina la série de réactions qu’il obtiendrait le lendemain, et il sourit.

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Akira se retournait sur son futon.

Le sommeil le fuyait. Il sombrait dans un léger sommeil, et alors ses yeux s’ouvraient à nouveau en grand. Ca n’arrivait pas, d’ordinaire. Surtout lorsqu’il avait cours le lendemain.

C’était juste arrivé, il y a longtemps, lorsque Shindou l’avait battu la première fois. Et l’avait battu encore.

Shindou. Toujours Shindou. Lui seul pouvait bouleverser le monde d’Akira, d’habitude aussi soigneusement organisé et orchestré que l’une de ses parties.

Il tira les couvertures presque au-dessus de sa tête, comme pour se fermer lui-même à ses pensées. Mais sans succès. Il gardait encore cette image mentale de Shindou assis parmi ses amis, souriant et riant . . .

*Est-ce qu’il ne m’a rien dit pour me rendre la pareille parce que je ne lui avais pas parlé le jour où il était devenu un pro?* se demanda Akira. *Est-ce pour la même raison . . . parce qu’il me lance un défi? Je répondrai à son défi. Je ne le laisserai jamais me rattraper, même s’il m’en coûte la vie. S’il prétend au titre de Honinbou, je m’assurerai qu’il ne s’en approche pas, ne serait-ce qu’un peu.*

*Je vais . . . je vais . . .*

Mais les pensées d’Akira devenaient troubles. Le sommeil le gagnait finalement, le faisant couler, couler . . .

Et la réalité disparut, et il entra dans un autre monde. Des nuages de brume ondulaient devant lui, mais il ne faisait pas froid . . . il avait plutôt chaud, en fait.

Il n’avait conscience de rien autour de lui, il ne sentait pas la terre sous ses pieds, et il n’y avait rien de solide visible nulle part. Il avait le sentiment que s’il parlait, sa voix résonnerait juste sans fin, car elle n’aurait rien à heurter, et personne pour l’entendre.

Il chutait, lentement et sans but, comme une feuille tombant d’un arbre, jusqu’à ce que ses pieds entrent en collision avec quelque chose. Il cligna des yeux, en regardant aux alentours. Le brouillard se dégageait juste assez pour qu’il voie qu’il se trouvait dans un champ ouvert.

Et alors, une silhouette apparut au loin. Elle semblait humaine, vaguement. Elle commença à bouger dans sa direction, peu à peu, comme si elle était sûre et déterminée à atteindre Akira . . . mais sans se presser.

Alors que la silhouette s’approchait, elle commença à ressembler à un homme très grand portant une sorte d’étoffe.

\"Ohé?\" lança Akira. \"Qui êtes-vous?\"

Mais il n’y eut aucune réponse. La silhouette se contenta de continuer sa lente approche. Elle prenait maintenant l’apparence d’un homme, portant quelque ancien costume. De longues étoffes, un grand chapeau allongé . . .

Des images des livres d’histoire de Akira vinrent soudain à son esprit, et il sut que cette personne portait des vêtements de l’époque Heian. Sûrement un noble . . .

Il s’approcha encore. Akira put en apercevoir un peu plus . . . la personne avait de longs, longs cheveux sous son haut chapeau . . .

Et il y avait un *air* chez lui. Un air qui était très, très familier. *Je connais cette personne,* pensa Akira. *Mais . . . comme ça se fait? S’il est d’une époque ancienne . . .*

A nouveau, il demanda, \"Qui êtes-vous? Je suis Touya Akira . . . \"

Aucune réponse. Et la personne s’arrêta, ne s’approchant pas plus, ne se laissant pas totalement révéler délibérément. Akira tenta de courir vers lui, mais il ne pouvait pas bouger. Ses bras et ses jambes étaient gelés sur place. Il voulut marcher, mais sans résultat.

Il se redressa assis sur son futon, soudainement, haletant.

Les premiers rayons de l’aube se glissaient sous sa fenêtre. Il agrippa ses couvertures, se sentant tremblant et indécis – et il ne savait pas du tout pourquoi.

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Ca n’allait pas mieux plusieurs heures plus tard en classe.

D’habitude, Akira faisait preuve d’une concentration absolue, qualité due à une vie à jouer à un jeu qui demandait de la réflexion. Ce n’était pas seulement utile pour le Go, mais ça lui permettait aussi de retenir presque tout ce que disait un professeur pendant le cours, ce qui réduisait le temps attribué à étudier – et augmentait celui consacré à l’étude du Go.

Mais aujourd’hui, il semblait qu’il ne pouvait tout simplement pas rester concentré.

Le professeur parlait de l’influence de la culture occidentale au Japon dans la première moitié du 20ème siècle. Mais Akira gardait à l’esprit une silhouette d’une autre époque en même temps.

*Qui était-il?* se demandait Akira. *Pourquoi ai-je eu l’impression que je devrais le connaître? Il me donnait la sensation de quelqu’un . . . quelqu’un que je connais . . .*

Il chassa cette idée de son esprit. Il fallait qu’il se concentre – il ne voulait pas se laisser distancer dans son travail pour le lycée, il n’avait pas le temps de s’amuser à rattraper les cours.

Akira prit son stylo et se mit à prendre des notes furieusement, comme si le fait même d’écrire inscrirait les paroles du professeur dans son propre esprit aussi bien que sur le papier. Mais il voyait à nouveau la silhouette de l’homme dans l’ancien costume, flottant quelque part parmi ses propres hiragana et katakana.

*Se pourrait-il que j’aie fait l’expérience d’un souvenir d’une vie antérieure?* pensa-t-il. *Ca ne m’est jamais arrivé, mais j’ai entendu que c’était arrivé à d’autres personnes. Mais pourquoi maintenant . . . qu’a-t-il bien pu se passer pour déclencher une telle chose . . .*

Il secoua sa tête, essayant d’en retirer tout ça, et releva les yeux vers le tableau. Le professeur y écrivait quelques dates, et Akira commença à les copier.

*Ca ne me ressemble pas,* pensait-il. *Même toutes ces fois où je ne faisais que penser à Shindou, j’arrivais à rester concentré en classe . . .*

Et alors, il se souvint de la nuit dernière, et son estomac se serra. Shindou réussissant la Ligue Honinbou, se tenant enfin à ses côtés dans le monde du Go . . . Shindou sortant fêter ça avec ses amis, et sans lui dire . . .

*C’est pour ça que j’ai eu ce rêve?* pensa-t-il. *Mais qu’est-ce que cette personne de l’époque Heian avait à voir avec Shindou? On aurait pensé que j’aurais rêvé de jouer avec Shindou . . . ou qu’il me poursuive . . . ou . . .*

Ou quoi? Il savait qu’il y avait une autre réponse à cette question, quelque chose dissimulé juste sous la surface de son esprit . . . et il fut soudain saisi par une sensation désagréable, quelque chose proche de la peur. Et ça le troubla encore plus que le rêve ne l’avait fait.

Il empoigna son stylo et entreprit de griffonner rapidement des notes à nouveau.

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Hikaru entra presque en courant dans le couloir familier du bâtiment où se trouvait le salon de Go Touya. Il avait attendu ça toute la journée. Il appuya sur le bouton de l’ascenseur, en pensant qu’il ne serait jamais là assez vite.

*J’ai hâte de voir sa tête quand je lui dirai,* pensa-t-il.

Il avait passé la plus grande partie de la journée à recevoir des coups de téléphone. Il était entré en contact avec Akari avant qu’elle n’aille à l’école, et elle avait informé tous ses amis de l’ancien club de Go. Tsutsui l’avait alors appelé à l’heure du déjeuner, et alors, ce qui était surprenant, Kaga l’avait appelé aussi. Mitani ne l’avait pas appelé . . . mais, il ne s’était pas vraiment attendu à ce qu’il le fasse.

Puis, il y avait eu les coups de fil de Nase, qui lui promit de l’emmener fêter ça à son retour . . . et les gens de son groupe d’étude . . . et ceux des clubs de Go où il avait joué l’été où il avait passé l’examen pro.

Mais aussi heureux qu’il était de parler avec eux tous, il y avait juste une personne avec qui il voulait *vraiment* partager la nouvelle.

L’ascenseur tinta en atteignant l’étage. Ichikawa, la jeune femme qui dirigeait le salon pour la famille Touya, leva les yeux de la théière qu’elle était en train de verser et lui sourit. \"Bonjour, Shindou. Félicitations!\"

Hikaru fronça les sourcils. Même elle le savait? Est-ce que cela signifiait qu’elle l’avait dit . . .

\"Vous n’en avez rien dit à Touya, n’est-ce pas?\"

\"Non, il n’est pas encore là. Pourquoi . . . tu ne lui as pas dit?\"

Hikaru secoua la tête.

\"Eh bien, s’il ne le sait pas, il est bien le seul!\"

A une table proche, l’un des habitués, un salarié vêtu d’un costard-cravate, se tourna et dit, \"Hé, j’ai appris pour la grande victoire, Shindou! Félicitations!\"

Hikaru rit, en frottant sa nuque. \"Merci!\"

\"Alors, est-ce qu’on va te voir dans un match de titre un de ces jours?\" demanda l’adversaire du salarié, un homme plus âgé qui portait un uniforme de maître d’un restaurant du coin.

\"Comme s’il pouvait battre un jour Touya,\" marmonna le salarié dans sa barbe.

\"Eh bien, je . . .\"

\"SHINDOU!\"

Hikaru se retourna lentement vers la voix familière. Là se tenait Akira, toujours dans son uniforme du lycée, agrippant son porte-document si fort que ses articulations en étaient blanches, et foudroyant Hikaru de son regard furieux . . . le genre de regard destiné à percer des trous dans le crâne du destinataire.

\"Touya!\" lança Hikaru, avec hésitation. Ce regard . . . est-ce que ça voulait dire qu’il savait déjà?

\"Pourquoi ne me l’as-tu pas dit?\" dit Akira, sans bouger d’un centimètre, son regard restant fixé sur le garçon comme deux rayons laser.

Hikaru déglutit avec difficulté. \"Tu as . . . appris?\"

\"Je vous ai vu fêter ça, toi et tes amis. Pourquoi tu ne m’as pas appelé? Je croyais que tu me ferais savoir ce qu’il en était après!\"

Hikaru s’aplatit un instant. Qu’allait-il lui dire? Vu l’état où il semblait se trouver à ce moment, il n’accepterait pas \"Waya et Isumi m’ont emmené avec eux avant que j’en aie l’occasion\" comme réponse.

Mais il décida d’être direct. En croisant ses bras sur sa poitrine, il répondit, froidement, \"désolé d’essayer de rendre ça personnel.\"

\"QUOI?\" cria Akira, laissant le sac tomber au sol avec un bruit sourd. Hikaru crut pouvoir littéralement voir des flammes danser dans les yeux de son rival.

Autour d’eux, il y avait le bruit des murmures, le raclement des chaises alors que les joueurs se tournaient pour faire face au couple (NdT : « pair » en anglais… Il n’y a pas la notion de couple, mais je n’ai pas trouvé d’autre mot pour traduire ça.) sur le palier. Ils savaient ce que cela signifiait lorsque le ton montait entre Shindou et Touya. C’était comme tenir une allumette allumée au-dessus d’un baril de TNT . . . une explosion était inévitable.

\"Je voulais te le dire en personne!\" aboya Hikaru.

\"Alors pourquoi n’as-tu pas appelé après la partie pour voir si j’étais déjà revenu? Tu aurais pu me le dire à ce moment-là, alors.\" Akira avança d’un pas vers Hikaru, comme pour l’étrangler.

\"Au milieu de la nuit?\" hurla Hikaru, en reculant d’un pas.

\"Ce n’était pas trop tard pour toi pour être dehors avec tes amis!\" vociféra Akira, en se penchant vers lui.

\"Et qu’est-ce que j’aurais dû faire au juste, les fuir?\" rétorqua Hikaru, en serrant les poings.

\"Ne sois pas ridicule!\" cria Akira, en serrant lui aussi les poings. \"Tu fais toujours ça!\"

\"Faire quoi?\" on pouvait maintenant entendre clairement la voix de Hikaru dans tout le salon, et probablement aussi dans les étages suivants.

\"Ne rien prendre au sérieux! Je ne sais pas comment tu es allé aussi loin!\"

Ce fut au tour de Hikaru d’avancer d’un pas vers Akira. \"Je prends tout au sérieux! Tu ne crois pas que j’aie pris la Coupe Hokuto au sérieux? Tu n’as AUCUNE IDEE d’à quel point ça avait d’importance pour moi!\"

Ichikawa en avait entendu assez. Elle savait qu’elle aurait dû être habituée à ce que ces deux-là se disputent et interrompent le salon depuis le temps, mais là ça devenait encore plus bruyant que l’une de leur disputes habituelles. Elle sortit de derrière le comptoir et essaya de se placer entre eux comme un arbitre, en criant, \"D’accord, si vous voulez vous disputer, allez faire ça ailleurs!\"

Les deux garçons se foudroyèrent du regard par-dessus elle, comme des lutteurs professionnels près à aller s’affronter sur le tatami.

Alors, Hikaru dit, \"Eh bien, alors, je suppose qu’on ne va pas jouer aujourd’hui.\"

\"Ca me va!\" répondit Akira, se précipitant hors de la pièce, furieux.

Hikaru enfonça violemment le bouton de l’ascenseur. Une fois de plus, il n’arrivait pas assez vite . . . mais pour une raison très différente que lorsqu’il était monté.

A SUIVRE…
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